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LE CHENE de Lamartine (Harmonies)

Publié le 01/07/2011

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lamartine

Étudier au point de vue de la langue, du style et de la versification, et des idées exprimées, ce fragment de Lamartine («Le Chêne«, dans les Harmonies) [il s'agit d'un chêne solitaire, sur un rocher escarpé].

Un gland tombe de l'arbre et roule sur la terre ; L'aigle à la serre vide, en quittant les vallons, S'en saisit en jouant et l'emporte à son aire Pour aiguiser le bec de ses jeunes aiglons; Bientôt du nid désert qu'emporte la tempête Il roule confondu dans les débris mouvants Et sur la roche nue un grain de sable arrête Celui qui doit un jour rompre l'aile des vents. L'été vient, l'aquilon soulève La poudre des sillons, qui pour lui n'est qu'un jeu, Et sur le germe éteint où coule encor la sève En laisse retomber un peu. Le printemps, de sa tiède ondée, L'arrose comme avec la main : Cette poussière est fécondée, Et la vie y circule enfin ! La vie! A ce seul mot, tout œil, toute pensée, S'inclinent confondus et n'osent pénétrer; Au seuil de l'infini c'est la borne placée, Où la sage ignorance et l'audace insensée Se rencontrent pour adorer !

Il serait utile, pour bien comprendre le début du Chêne, de replacer le poème dans l'ensemble dont il fait partie. La pièce n'est pas isolée. Elle a sa place dans un tout, bien agencé, bien ordonné. Je suppose toutefois que les Harmonies de Lamartine vous soient très mal connues. Gela est fâcheux, mais non impossible. Situez du moins, en quelques lignes, le passage dans l'histoire de la pensée de Lamartine. Nous sommes loin des Méditations ; le poète se propose de démontrer à la raison et de faire sentir au cœur la vérité de son christianisme poétique.  Commencez par étudier les « idées exprimées «. Il y a là un « raisonnement «. Quel est-il ? Sur quels faits scientifiques est-il appuyé ? A quelle philosophie se rattache-t-il ? Est-il original, et dans quelle mesure? Une foule de questions peuvent se poser. Choisissez et répondez aux plus intéressantes. Ce philosophe, ce raisonneur est avant tout un poète lyrique. N'a-t-il pas été entraîné trop loin par ses effusions, jusqu'à inquiéter l'orthodoxie? Vous n'avez à envisager la question que pour ce passage, mais vous ne sauriez vous y dérober, vous qui êtes habitués à peser ce que vaut l'idée avant d'apprécier la façon dont elle est traduite.

lamartine

« sommes déjà loin des Méditations.

Lamartine n'est plus l'élégiaque sentimental et rêveur, qui chantait le Lac et leVallon ;il n'est plus « l'ignorant qui ne sait que son âme ».

Il a l'ambition d'être le philosophe religieux qui démontre que l'idéede Dieu s'impose irrésistiblement devant le spectacle de la nature ou celui de l'humanité.

Plus de cris d'adorationspontanés, plus d'hymnes inspirés où se mêlent l'amour terrestre et l'amour divin.

L'hymne sortira de la description,l'adoration naîtra du raisonnement poétique. II Raisonnement poétique, en effet, dont voici le fond : si le gland, qui n'est pas gros comme mon petit doigt, a pudonner naissance au formidable colosse, qui vit des siècles et des siècles, triomphant et superbe, cela ne prouve-t-il pas la force et la prévoyance du Seigneur? Parti d'une origine aussi humble, aussi méprisable, arrivé à unepuissance extraordinaire dans le temps et dans l'espace, le vieux chêne démontre Dieu plus manifestement que lesdogmes et les catéchismes.

Comment nier qu'il y ait dans cette transformation qui dépasse la raison humaine,l'intervention cachée mais évidente d'une intelligence supérieure qui veille sur toutes choses, qui anime touteschoses? N'envisageons qu'une partie du mystère, la plus troublante, il est vrai, la plus importante aussi puisqu'elleest l'origine de toutes les transformations merveilleuses : la naissance de la vie dans ce gland, pauvre petit objet,perdu dans l'immensité de l'univers, tout au plus digne d'amuser les petits des oiseaux avant d'être emportée pêle-mêle avec d'autres débris.

Le hasard, dira-t-on, fait que celui-là germe, et non un autre.

Lamartine, dont la penséeest si profondément nourrie de christianisme, Lamartine, avec son optimisme inébranlable, nous fait sentir qu'unevolonté supra-terrestre veille sur les destinées du germe misérable, volonté dont la puissance intelligente et infinieprépare lentement et sûrement le con ours des circonstances indispensables à la fécondation.

Seule, cette volontédonne la clé du mystère insondable qui s'appelle la vie.

Le gland était inanimé, inerte ; le voilà qui s'éveille, quiparticipe à la vie universelle ;il naît, il se développe, il va devenir le géant des forets ; en face de ce prodige, tout le monde s'incline sanscomprendre; la science est aussi désarmée que l'ignorance : Dieu est là, invisible et présent ; il faut l'adorer.On pourrait croire, au premier abord, qu'afin de rendre son raisonnement plus victorieux, Lamartine a, dans un détail,altéré les données du problème.

La vie, objectera-t-on, n'a pas cessé dans le gland ; il n'y a pas eu création aussibrusque ; Lamartine reconnaît lui-même que, si le germe est éteint, la sève y couve encore.

Mais l'exclamationtriomphale qui finit la première strophe n'indique pas que la fécondation a créé la vie ; elle Pa fait « circuler », et lemystère n'en est pas moins saisissant quand on songe à cette puissance qui se perpétue, parfois si longtemps, dansla frêle graine détachée de la plante.

Les vingt vers que nous devons expliquer sont peut-être les plus forts del'Harmonie entière.

C'était marcher sur les traces de Bernardin de Saint-Pierre et de Chateaubriand que de glorifierDieu en célébrant la beauté, la force, la durée des arbres immenses.

Mille déjà Pavaient fait, mille pouvaient le faireet prendre comme texte le verset bien connu : « Les cieux racontent la gloire de Dieu ».

Thème facile, et qui prêtaitaux larges développements, dont la rhétorique n'eût pas été absente.

Porter la réflexion du lecteur non seulementsur le contraste entre la misérable origine du gland et l'imposante souveraineté du chêne, mais encore et avant toutsur le problème insondable de la vie, voilà qui nous éloignait des naïvetés ordinaires des cause-finaliers les plusintrépides, des candides puérilités de Bernardin de Saint-Pierre ou de l'argumentation souvent un peu enfantine deChateaubriand.Telle est la leçon que le poète tire du spectacle de la nature.

La pensée a mûri ; elle a plus de vigueur, plus devirilité.

Il n'est plus à l'âge des soupirs, des larmes faciles, des effusions sentimentales.

Il ne pleure plus, en face duchêne toujours jeune, sa propre fragilité ; il ne se contente plus, en associant le paysage à ses tristesses, debercer et d'enchanter ses propres douleurs.

Il sait, à présent, sortir de lui-même, et son âme ne se confond plusavec celle des choses au point de se perdre en elles.

Il est maître de soi, il analyse son sentiment, il raisonne sacroyance, que dis-je ? il chante le chêne avec une intention didactique.

Mais il reste essentiellement un poète, leplus naturellement lyrique qui ait existé.

Il a beau vouloir faire une démonstration : la nature est là qui l'invite àchanter, et le raisonnement est emporté dans une sorte de ferveur enthousiaste.

Que cette ferveur le pousse plusloin que l'orthodoxie, que cet enthousiasme l'entraîne jusqu'à une sorte de panthéisme devant lequel la vieille loiavait bien des réserves à faire, cela est vrai.

Le chêne qui, sorti du gland, abrite et nourrit dos mondes immenses, lechêne qui rajeunit magnifiquement tandis que les siècles disparaissent et que les générations meurent autour de lui,est Dieu lui-même.

Mais adressé à notre passage, le reproche serait injuste : ici, au contraire, tout est à sa placepour nous donner l'idée qu'une volonté divine, extérieure à la nature, règle le sort du brin d'herbe comme celui desgermes noyés dans l'océan de l'univers.

Pas de panthéisme au début de cette Harmonie, alors que le poète n'a pasencore été saisi par le frisson sacré qui le secoue au spectacle du géant immortel.

Est-ce à dire que l'orthodoxien'eût pas déjà quelque droit d'être inquiète? N'y a-t-il pas quelque danger dans l'entreprise même qui consiste àdémontrer Dieu par les richesses des « temples de la nature » ? Rousseau aurait applaudi ; mais qu'auraient penséPascal et Bossuet? Lamartine, rationaliste et déiste, avait-il la même foi que dans son enfance ? Du moins, cechristianisme romantique et platonicien, plus sentimental que rationnel, était le plus favorable à l'inspiration, et nouslui devons des vers qui sont parmi les plus beaux de ceux qu'a inspirés l'instinct de l'infini. III Le problème, si j'ose ainsi parler, est double.

Pour que la puissance divine soit sensible au cœur et à la raison, il faut: 1° que nous soyons stupéfaits du contraste entre l'exiguïté du gland et l'immensité du chêne ; 2° que nous le. »

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