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Cicéron, Des lois (extrait)

Publié le 13/04/2013

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Avec Des lois, écrites au premier siècle avant Jésus-Christ, Cicéron affirme que les lois humaines doivent reposer sur les lois de la nature, c’est-à-dire sur la raison qui fonde les vertus. En effet, le droit ne peut se réduire aux seules lois édictées par le législateur qui ne sont pas toujours justes. C’est une façon pour le grand orateur latin, par ailleurs avocat, de lutter contre l’arbitraire législatif et de proposer une morale politique.

Des lois de Cicéron

 

[…]

 

 

XV. — Marcus : Ce qu’il y a de plus insensé, c’est de croire que tout ce qui est réglé par les institutions ou les lois des peuples est juste. Quoi ! même les lois des tyrans ? Si les Trente avaient voulu imposer aux Athéniens des lois, et si tous les Athéniens avaient aimé ces lois dictées par des tyrans, devrait-on les tenir pour justes ? Pas plus, je pense, que la loi posée par notre interroi : le dictateur pourra mettre à mort et sans l’entendre tout citoyen qu’il lui plaira. Le seul droit en effet est celui qui sert de lien à la société, et une seule loi l’institue : cette loi qui établit selon la droite raison des obligations et des interdictions. Qu’elle soit écrite ou non, celui qui l’ignore est injuste. Mais si la justice est l’obéissance aux lois écrites et aux institutions des peuples et si, comme le disent ceux qui le soutiennent, l’utilité est la mesure de toutes choses, il méprisera et enfreindra les lois, celui qui croira y voir son avantage. Ainsi plus de justice, s’il n’y a pas une nature ouvrière de justice ; si c’est sur l’utilité qu’on la fonde, une autre utilité la renverse. Si donc le droit ne repose pas sur la nature, toutes les vertus disparaissent. Que deviennent en effet la libéralité, l’amour de la patrie, le respect des choses qui doivent nous être sacrées, la volonté de rendre service à autrui, celle de reconnaître le service rendu ? Toutes ces vertus naissent du penchant que nous avons à aimer les hommes, qui est le fondement du droit. En on ne détruit pas seulement ces obligations envers les hommes, on détruit les cérémonies religieuses et le culte des dieux que, selon moi, il faut maintenir, non par crainte, mais à cause de l’union qui existe entre les hommes et Dieu.

 

 

XVI. — Si la volonté des peuples, les décrets des chefs, les sentences des juges faisaient le droit, pour créer le droit au brigandage, à l’adultère, à la falsification des testaments, il suffirait que ces façons d’agir eussent le suffrage et l’approbation de la multitude. Si les opinions et les votes des insensés ont une puissance telle qu’ils puissent changer la nature des choses, ne décideraient-ils pas que ce qui est mauvais et pernicieux sera désormais tenu pour bon et salutaire ? Ou pourquoi la loi qui de l’injuste peut faire le droit, ne convertirait-elle pas le bien en mal ? C’est que, pour distinguer une bonne loi d’une mauvaise, nous n’avons d’autre règle que la nature. Et non seulement la nature nous fait distinguer le droit de l’injustice, mais, d’une manière générale, les choses moralement belles de celles qui sont laides ; car une sorte d’intelligence partout répandue nous les fait connaître, et incline nos âmes à identifier les premières aux vertus, les secondes aux vices.

 

 

Source : Cicéron, De la République, livre I, Des lois, trad. par C. Appuhn, Paris, GF-Flammarion, 1965.

 

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