Devoir de Philosophie

Comme comprendre l'expression: la force des faibles (la force de la faiblesse) ?

Publié le 21/03/2004

Extrait du document

  • Introduction

1. Les sociétés humaines : communautés d'hommes semblables et de forces différentes 2. La distinction des forts et des faibles : aperçu sur le problème de la force des faibles 3. Annonce du plan

  • I. La force des faibles suppose la faiblesse des forts

1. La vulnérabilité des dominants et la genèse d'une pensée de la faiblesse comme force a. aperçu sur les thèses de Hegel, Marx et Nietzsche b. la question du droit du plus fort

- la justice contre la violence pure de la force (Platon) - la force ne peut pas fonder la moralité (Rousseau) 2. La force des faibles ou le renversement de la maîtrise a. la force de l'esclave et la faiblesse du maître (Hegel) b. la force des opprimés (Marx) c. penser la force des faibles à partir d'une dénonciation morale de la force des forts, point commun à ces approches du problème

  • II. Une autre pensée de la force des forts

1. La force des faibles est réactive. a. la généalogie nietzschéenne de la morale b. le nihilisme des faibles 2. Armer les forts contre les faibles. a. la fragilité de la force des faibles b. le surhomme ou la force d'exister

  • Conclusion

Une approche spinoziste de la force des faibles.

« dont on fait à tort un précurseur de Nietzsche.

À Calliclès dont le discours est fondé sur une opposition radicale ducaractère contre nature de la loi et du caractère naturellement légitime de la violence, Socrate oppose uneargumentation qui vise à montrer la faiblesse intrinsèque du comportement du «fort», que l'abandon au mouvementdes passions rend nécessairement instable, et la sagesse de ceux qui, à l'inverse, tendent leur force versl'acquisition de la justice et de la tempérance ; Socrate soutient enfin que commettre une injustice est infinimentplus dommageable pour l'auteur de l'injustice que pour sa victime.Dans le Contrat social, Rousseau reprendra les éléments de cette confrontation en exhibant la contradiction qui rendselon lui la position de Calliclès et de ses successeurs proprement intenable : parce qu'« aucun homme n'a uneautorité naturelle sur son semblable » et que la force est une « puissance physique » dont on ne voit pas commentles effets pourraient fonder une moralité, le droit du plus fort n'existe pas, sauf à titre de justification secondaire del'exercice d'une violence illégitime.

« Force ne fait pas droit » énonce sobrement Rousseau : « on n'est obligé d'obéirqu'aux puissances légitimes.

»Rousseau ne vise nullement à opposer ici au pseudo principe du droit du plus fort un principe, qui serait non moinsfallacieux, du droit du plus faible : la théorie du contrat social, qui étudie « l'acte par lequel un peuple est un peuple» cherche à penser, sous le concept de volonté générale, un exercice de la souveraineté qui confère une forceréelle à tous les individus, substituant « une égalité morale et légitime » aux inégalités physiques inhérentes à l'étatde nature, et préservant de la sorte la liberté de chacun.

C'est à quoi ne sauraientprétendre précisément la doctrine et la pratique du droit du plus fort, puisque celui-ci ne garantit pas même à celuiqui s'en prévaut la liberté : sans doute l'esclave n'est-il pas libre, mais le maître ne l'est pas davantage, dès lors qu'ilest contraint sans répit d'exercer sa domination pour préserver un droit qu'il juge légitime et qui n'est qu'illusoire :esclavage et droit sont des mots qui « s'excluent mutuellement ». 2.

La force des faibles ou le renversement de la maîtrise. a) Dans un chapitre de la Phénoménologie de l'Esprit, Hegel affronte à son tour le problème de la formation de lacommunauté humaine, mais en conférant au rapport de domination du maître sur l'esclave une tout autre portée,puisqu'il l'érigé en principe d'intelligibilité du processus historique : en désignant dans le point de vue de l'esclavel'élément moteur de l'histoire, Hegel donne du même coup à l'expression « la force des faibles » sa dignitéphilosophique.

Aucun rapport social, dit-il, n'aurait pu s'instituer si d'emblée une différenciation n'avait opposé desindividus identiques en liant par un rapport «dialectique» deux consciences de soi destinées à se développer l'unedans l'élément de la servitude et l'autre dans celui de la maîtrise.

L'esclave est cet homme qui survit à la lutte àmort originaire en intériorisant sa propre mort, en reconnaissant la puissance de son adversaire, et partant, enabdiquant sa liberté ; le maître est cet autre homme, l'autre de l'esclave, qui pour être reconnu dans sa dignitéhumaine, a risqué sa propre vie et s'est soumis son adversaire.

Cette lutte pour la reconnaissance de l'autre et cetaffrontement des désirs s'achèvent dans une situation d'inégalité, dont la contradiction cependant va se déployerau profit de l'esclave, ouvrant à celui-ci le chemin de la libération et de la maîtrise, et condamnant à une impasseexistentielle le maître.

Dès lors que son désir de reconnaissance l'a conduit à transformer en chose son adversaire,le maître cesse d'être un homme reconnu par un autrehomme ; tandis que l'esclave, astreint à la discipline, et sous l'effet de la peur, acquerra progressivement la maîtrisesur les choses et la maîtrise de soi, le maître sombrera dans la jouissance passive des objets mis par l'esclave à sadisposition : il disparaît en tant que maître dans l'inculture et l'oisiveté.

L'accomplissement de la servitude laborieuseconduit ainsi à « une véritable indépendance », et peut être désigné comme la source du progrès historique. b) Au prix d'un renversement «matérialiste» de la philosophie de Hegel, Marx retraduira cette dialectique du maître et de l'esclave dans la lutte irréductible que se livrent, au sein des sociétéscapitalistes, les bourgeois et les prolétaires, en tant qu'ils sont à la fois uniset séparés par le rapport d'exploitation de la force de travail salariée.

CommeHegel, Marx pense la destinée de ces esclaves modernes que sont les ouvriersde la grande industrie à la lumière de la promesse d'un triomphe certain.

Ildéveloppe à l'appui de cette thèse deux argumentations complémentaires quimettent en valeur et la faiblesse mortelle des capitalistes et la forceinhérente à la position des prolétaires.

D'un côté, le capitalisme est menacéde destruction par le développement contradictoire de ses propres lois defonctionnement : ainsi, le premier livre du Capital énonce que la socialisationet la centralisation du travail « arrivent à un point où elles ne peuvent plustenir dans leur enveloppe capitaliste.

Cette enveloppe se brise en éclats.L'heure de la propriété capitaliste a sonné.

Les expropriateurs sont à leur tourexpropriés.

» D'un autre côté, la connaissance de ce mécanisme contribue àaffermir la force des exploités qui, dépossédés de tout, découvrent danscette faiblesse absolue l'effectivité de leur puissance : ils « n'ont plus rien àperdre que leurs chaînes », et « ils ont un monde à gagner», commel'énonçait en 1848 le Manifeste du parti communiste qui s'achevait sur lefameux mot d'ordre : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »Dans ces conceptions successives, la force des faibles est pensée dans unecorrélation stricte avec la faiblesse des forts : rapport d'implication réciproqueque Hegel et Marx ont érigé en exemple de leurs modes de penserdialectiques.

Il reste à s'interroger sur la nature de cette force des faibles : sa spécificité en tant qu'elle est uneforce produite précisément par la faiblesse et qu'elle est pensée du point de vue des faibles.

Il est remarquable queces différentes argumentations comportent toutes un moment négatif qui est identifié de surcroît à l'élément moteur. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles