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Commentaire - Arrêt CEDH K.A et A.D c/ Belgique (06/07/05)

Publié le 06/08/2012

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S’il est évident pour la Cour que l’intervention de l’Etat est légitime, un problème technique se pose. En effet, dans les cas d’ouverture de l’article 8§2 qui légitiment l’ingérence de l’Etat, à aucun moment le terme de consentement n’est évoqué. Quel cas précis a été utilisé par la Cour de Strasbourg ? Cette dernière se rapporte à l’une des « raisons graves « précisées dans l’article 8§2 en invoquant uniquement « la protection des droits et libertés d’autrui « comme motif légitime d’intervention. La Cour valide ainsi, par son arrêt, l’ingérence publique dans la vie privée au titre de la protection des libertés et droits d’autrui, mais la conditionne finalement à l’appréciation par les juges de l’existence ou non de consentement de la « victime «. Donc ainsi, pour la Cour européenne des droits de l'homme, le non respect du retrait de consentement de la victime par l’utilisation qu’elle a faite du code prouve ainsi que la « protection des droits et des libertés « n’était plus assurée. Ces raisons graves rendent alors nécessaire l’ingérence publique en vertu de l’article 8.2. Il convient en dernier lieu de souligner que cette décision de la Cour européenne des droits de l'homme de se référer aux droits et libertés déplace la problématique. En effet, la question en jeu n’est plus une question de morale ou de santé (comme le soutenaient les juges nationaux) mais c’est une question de violation des droits des autres participants aux ébats et aux expériences sexuelles. Cependant, il convient de souligner que ce choix fait par la CEDH de se référer uniquement aux droits et aux libertés et non à la morale a suscité un débat.

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« doit être respecté entre, d'une part, le droit individuel à se trouver protégé contre les incursions d'autrui et d'autre part, la sécurité générale qui impose que certainséléments de la vie privée des personnes soient surveillés. B) La légalité dans l'exception Comme il a été dit précédemment, la Cour considère que le sexe, l'orientation et les relations sexuelles relèvent du domaine de la vie privée.

L'acceptation del'autonomie personnelle induit une liberté quasi absolue de mener sa vie selon sa propre volonté.

Cependant, la Cour européenne va aller encore plus loin et dépassela simple affirmation de la liberté de disposition de son corps.

En effet, dans l'arrêt Pretty c/ Royaume-Uni précédemment évoqué, la Cour poursuit son raisonnementen posant que la faculté pour chacun de mener sa vie comme il l'entend inclut la « possibilité de s'adonner à des pratiques perçues comme étant d'une naturephysiquement ou moralement dommageables ou dangereuses pour sa personne ».

Cet arrêt qui a été initialement rendu pour une affaire d'euthanasie, peut s'appliqueraux pratiques sadomasochistes du cas étudié.

En effet, certes les pratiques ont été extrêmement violentes mais elles s'inscrivent dans cette liberté de disposer de soncorps.

Donc à partir du moment où l'on se place d'un point de vue individuel, il n'y a aucune raison à l'ingérence de l'Etat dans les pratiques sadomasochistes.Pourtant, en dépit de ces observations précédentes, quelques cas d'ouverture ont été légalement établis afin de conférer à l'Etat une certaine marge de manœuvre.

Ilexiste des cas précis d'ingérence de l'Etat dans la sphère privée car en réalité, l'autonomie personnelle est comme son nom l'indique, individuelle.

Il s'agit du corpsd'autrui – la femme du magistrat.

Autant peut-on admettre le droit à disposer de son corps, mais certainement pas le droit de disposer du corps d'autrui qui reviendraitalors à légitimer l'esclavage.

De plus, la mise en balance du droit fondamental de la vie privée avec d'autres intérêts peut tourner à la faveur de ces derniers.

Laprotection de la vie privée n'est pas absolue.

Il peut donc y avoir une nécessité de l'ingérence de l'Etat dans des cas extrême.

Par exemple, en matière d'euthanasie etd'assistance au suicide.

L'article 8 de la Convention couvre en effet, selon la Cour, le droit de disposer de son corps, y compris par des actes physiquement etmoralement dangereux.

Le pas peut être vite franchi de considérer que la personne peut légitimement disposer de son corps pour mettre sa vie en danger ou demanderla mort et que l'Etat ne doit pas s'ingérer dans une telle pratique relevant de la seule sphère de la vie privée.

Il y a donc un risque potentiel d'extension de la liberté dedisposer de son corps à tous les domaines et ce, sans aucun contrôle.

Les possibilités d'intervention de l'Etat dans la sphère privée se trouvent ainsi explicitées àl'article 8 al.

2 de la Convention européenne des droits de l'homme.

L'article 8§2 stipule en effet qu' : « il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dansl'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à lasécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santéou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».

Ces cas d'ouverture détaillés dans la Convention européenne des droits de l'homme ont étécomplétés par la Jurisprudence de la Cour de Strasbourg.

Cette dernière a en effet affirmé, lors des affaires Pretty ou lors d'affaires sur l'homosexualité (Dudgeon,Norris), que l'intervention de l'Etat pouvait se justifier pour des « raisons particulièrement graves ».

Aussi, il est important de souligner que pour rendre légal uneingérence de l'Etat dans la sphère privée, il faut que cette ingérence soit prévue par une loi.

Dans le cas présent, les parties ont estimé que « les ingérences dénoncéesn'étaient pas non plus prévues par la loi.

Ils renvoient à cet égard à leurs observations sur le respect de l'article 7 de la Convention ».

La Cour européenne des droitsde l'homme a adopté une position singulière dans la mesure où elle n'a pas pris en compte l'allégation des requérants en présumant l'existence d'une loi permettant lalégalité de l'ingérence (l'absence de précédent n'empêche pas l'intervention du Législateur).

La légalité de l'ingérence de l'Etat est donc reconnue dans des casexceptionnels et elle est renforcée par la notion de prévisibilité.

Pour l'affaire étudiée, l'application de l'article 398 était prévisible même si il n'avait pas étéauparavant appliqué pour des pratiques sadomasochistes.

D'autant plus que l'un des requérants est un magistrat auquel s'applique l'adage : « la Cour connaît le droit».Ainsi, il convient de souligner que l'ingérence de l'Etat dans la sphère privée (et donc dans les relations sexuelles) est légale.

La question qui se pose alors est desavoir si l'intervention de l'Etat entraînant une condamnation des requérants est légitime ? En effet, à quelles conditions l'ingérence de l'Etat dans les pratiquessexuelles est-elle légitime ? Cette question se corrobore avec le problème du consentement de la victime.

En effet, dans le cas présent, la victime s'est dite consente.Cette femme s'est même dite plus victime de la procédure pénale que des sévices subis.

Dans ce cas, l'ingérence de l'Etat est elle légitime même si elle est légale ? II- Existe-t-il une légitimité à cette ingérence de l'Etat dans la sphère privée dans le cas présent ? L'autorité publique peut intervenir au sein de la sphère privée mais selon des cas précis.

L'arrêt vise donc, en réalité, à contrôler la légitimité de cette ingérencenotamment concernant la nécessité et la proportionnalité de l'acte juridique.

Aussi, la Cour européenne des droits de l'homme va alors tenter de légitimer l'ingérencede l'Etat (A) mais cette légitimation laisse cependant place à des débats et des contradictions (B). A) Consentement de la victime et ingérence de l'autorité publique D'emblée, le problème qui se pose quant à la légitimité de l'action de l'Etat et qui pose un problème plus général est le consentement de la victime aux pratiquessadomasochistes qu'elle a subi.

L'ingérence de l'Etat est-elle légitime quand il y a eu consentement de la victime ? En effet, la femme n'a jamais porté plainte contreson mari et elle l'a même soutenu durant tout le procès.

Dès lors, l'on peut se demander quelle est la légitimité de l'ingérence de l'Etat dans ce cas puisque, certes lespratiques sexuelles sont violentes, mais elles ont été librement consenties et exécutées dans un lieu privé.

Cette position avait d'ailleurs été déjà affirmée au niveaunational par la Cour de Gand qui avait rendu un arrêt sur un cas similaire (mais aux faits moins graves) une semaine avant celui de la Cour d'Appel d'Anvers.

Danscet arrêt, la Cour de Gand avait décidé que chacun dispose de son corps dans une certaine mesure.

La Cour avait estimé qu'il y avait un libre consentement de lavictime et que par conséquent cela permettait de justifier les coups et les blessures acceptés ou consentis dans le cadre d'activités ou de jeux sadomasochistes.Comment la Cour européenne des droits de l'homme ait-elle parvenu à légitimer l'action de l'Etat, à lui donner une justification en somme ? L'argumentation de laCour strasbourgeoise est double.

D'une part, la Cour estime qu'il n'y a pas eu consentement de la victime puisqu'elle a crié « pitié » et « stop ».

Ces deux mots sont,dans le langage sadomasochiste, un code qui induit un arrêt immédiat des pratiques sadomasochistes.

En prononçant ces mots, la femme a donc expressément retiréson consentement aux pratiques subies alors que les deux requérants ont continué à lui faire subir les sévices.

Comme le dit Jean LATOUR, le « sexe est certes unepassion incontrôlable », il existe néanmoins des codes et des règles dans ce domaine qu'il faut respecter.

Ceci est très important en matière de viol : l'arrêt de la Coureuropéenne des droits de l'homme MC c.

Bulgarie rejette le droit pénal bulgare en statuant que le consentement d'une victime d'un viol, ne peut pas être déduit dumanque de résistance.

Ainsi, dans le cas étudié, les « règles normalement reconnues pour ce genre de pratique » (règles sadomasochistes) se voient consacrées par laCour européenne des droits de l'homme comme source du droit au même titre que les règles sportives, les codes de conduite des tatoueurs … De plus, la Cour estime,dans le cas de la violation alléguée de l'article 8 de la Convention, que les conditions générales entourant ces pratiques sexuelles ne permettaient pas à la femmed'exercer pleinement son libre choix puis qu'elle avait bu beaucoup d'alcool.

Son consentement n'était pas libre et éclairé donc il n'était pas formellement valide.

LaCour a alors écrit dans son arrêt : « si une personne peut revendiquer le droit d'exercer des pratiques sexuelles le plus librement possible, une limite qui doit trouverapplication est celle du respect de la volonté de la « victime » de ces pratiques, dont le propre droit au libre choix quant aux modalités d'exercice de sa sexualité doitaussi être garanti.

Ceci implique que les pratiques se déroulent dans des conditions qui permettent un tel respect, ce qui ne fut pas le cas » § 85.D'autre part, quand bien même il y aurait eu consentement de la victime, le principe de consentement n'est pas un fait justificatif.

Dans le cas de la violation alléguéede l'article 7 de la Convention par la condamnation en vertu des articles 398 et 380bis, les requérants avance l'argument du consentement effectif de la « victime »mais la cour estime que son consentement, preuve de son libre-arbitre ne peut constituer une cause de justification visant à « neutraliser » les dispositions légales et àannuler la culpabilité des auteurs.

En réalité, l'argumentation donnée par les parties méconnaît le droit.

En effet, le consentement ne rend pas pénalementirresponsable l'auteur de l'infraction car le droit pénal est d'ordre public.

Cette solution de principe s'explique aisément.

Une infraction est incriminée pour protégerl'ordre social et si l'infraction est réalisée, l'ordre social a été troublé bien que la victime ait consenti à l'infraction.

La sauvegarde de l'ordre social ne dépend pas duconsentement d'une seule personne.

Donc, l'on peut remarquer que le consentement de la victime ne permet pas de rendre illégitime l'ingérence de l'Etat dans le. »

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