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Commentaire de l'arrêt du 13 février 2001 de la première chambre civile de la cour de cassation

Publié le 20/07/2012

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cour de cassation

Cet arrêt, rendu sous le visa de l’article 1382, peut néanmoins paraitre défavorable au tiers victime, en raison de la preuve de la faute qu’impose cet article. Cependant, cet obstacle a été balayé par la première chambre civile, qui, par l’interprétation très favorable qu’elle a faite de ce texte, dispense de la preuve d’une faute de prudence ou de diligence et réalise une assimilation des fautes contractuelles et délictuelles. 

 

II. Une frontière difficilement identifiable entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité délictuelle

 

C’est en pensant au bien du tiers que la cour de cassation a opté pour l’identité de la faute contractuelle et de la délictuelle (A) ce qui peut cependant apparaître critiquable vis-à-vis des fondements utilisés B).

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« décisions se satisfaisaient de la preuve d'un manquement contractuel qu'elles considéraient constitutive d'une faute délictuelle, alors que d'autres exigeaient la preuved'une faute délictuelle spécifique, allant parfois jusqu'à préciser qu'elle devait être envisagée en elle-même, indépendamment de tout point de vue contractuel.En l'espèce, la 1ère chambre de la cour de cassation semble avoir choisi de suivre une solution simplificatrice dont la tête jurisprudentielle se situe dans une décisiondu 15 décembre 1998.

Ainsi la haute juridiction estimait que « les tiers à un contrat sont fondés à invoquer l'exécution défectueuse de celui-ci lorsqu'elle leur à causéun dommage ».

Il est alors implicitement reconnu que les tiers pouvaient invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, le manquement du débiteur à sesobligations contractuelles.La 1ère chambre civile a, par la suite, rendu un arrêt du 18 juillet 2000 reprenant l'attendu de principe de l'arrêt du 15 décembre 1998 en précisant toutefois que lestiers à un contrat sont fondés à invoquer l'exécution défectueuse de celui-ci « sans avoir à en rapporter d'autre preuve ».

En l'espèce, il s'agissait d'une action enresponsabilité intentée par le mari d'une patiente contre une clinique, à la suite du suicide de son épouse, en vue d'obtenir la réparation du préjudice par ricochet subipar lui et par sa fille mineur.

Il est alors clairement expliqué que le tiers victime n'a pas à prouver une faute délictuelle spécifique.

On remarquera une volonté certainede la part de la cour d'indemniser les victimes quand bien même elles ne sont que des tiers à un contrat et qu'aucune faute délictuelle n'est avérée.Bien que cette précision ne soit pas nouvelle, sa réaffirmation constitue l'apport essentiel de l'Arrêt qui confirme ainsi l'élimination de l'exigence d'une fautedélictuelle spécifique et l'affirmation de l'identité du manquement contractuel et de la faute délictuelle.

De plus, la formule « tout manquement contractuel » donneune portée plus générale à l'arrêt que l'expression « inexécution défectueuse d'un manquement contractuel » citée dans les précédents arrêts. L'adoption d'un tel raisonnement juridique en vue d'indemniser les victimes à tout prix entre cependant en contradiction avec certains principes de droit et neremporte pas l'unanimité en doctrine. B.

Une absorption contractuelle de la faute délictuelle critiquable La première chambre civil justifie sa décision par les articles 1382 et 1165 du code civil.

Or la solution contrevient précisément à ces deux articles.La cour de cassation a opéré un mélange entre la preuve de la responsabilité contractuelle et délictuelle.

Elle a tenté de concilier la responsabilité pour faute posée parl'article 1382 et la responsabilité pour faute présumée qui est retenue dans l'arrêt du 13 février 2001.

La seule solution pour le débiteur afin de se dégager de saresponsabilité délictuelle est donc la cause étrangère.

Patrice Jourdain, professeur à l'université de Paris I, parle également d' « excessive généralité » de l'affirmationde la portée de l'arrêt.

Il soutient que les tiers devraient avoir à prouver une faute délictuelle car le manquement contractuel ne correspond pas toujours à une fauteenvers les tiers.

Il estime également que cette solution permet une indemnisation de préjudices trop éloignés.

Ici le tiers victime par ricochet ne subit pas un préjudicecorporel résultant de la défectuosité des produits sanguins.

Son préjudice est plus éloigné de l'inexécution contractuelle que s'il était tiers victime directe d'uneinexécution d'une obligation de sécurité.

Le préjudice résulte en effet du décès provoqué par la contamination et non d'une contamination directe. En outre, cet arrêt suggère l'abandon de l'effet relatif pourtant consacré par l'article 1165 du code civil.

Aussi Philippe Delbecque, auteur de doctrine, craignait quecet arrêt ne devienne un Cheval de Troie dans le domaine de la responsabilité délictuelle pour manquement contractuel et produisent ses effets en dehors du domainemédical.

Cette situation provoquerait selon lui une brèche trop importante dans le principe de la relativité contractuelle.

Cet auteur redoutait les abus éventuels quepourraient faire les tiers de cette pratique et préconisait que seul le manquement injustifié ou illégitime du débiteur contractuel devrait ouvrir la porte à l'actiondélictuelle.

Néanmoins ces critiques n'ont pas été entendues par la cour de cassation réunie en assemblée plénière.

En effet celle-ci a affirmé le 6 octobre 2006 que «le tiers a un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage».

Cet arrêt est extrêmement important car il marque l'abandon de la relativité de la faute contractuelle et met fin aux résistances de la part de certaines juridictionsciviles.

Ainsi le manquement à une obligation contractuelle constitue désormais une faute délictuelle dont les tiers peuvent se prévaloir sans avoir à rapporter d'autrefaute et cela dans tous les domaines.. »

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