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Commentaire littéraire, Jean de Sponde, Essai de quelques poèmes chrétiens, « Tout s'enfle contre moi... »

Publié le 30/05/2012

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Préambule : quelques éléments sur la vie de Jean de Sponde (1557-1595)

                - Calviniste du pays basque, formation savante protestante (Université de Bâle) sous la protection d’Henri de Navarre. Carrière de magistrat dans laquelle il échoue. Vie marquée par un grand renversement : sa conversion à la foi catholique dans la foulée de celle d’Henri IV (1593).

                - Sa pensée et son œuvre sont traversées par deux grandes axes de réflexions qui se recoupent. Il réfléchit tout d’abord sur la variabilité du monde, sa fragilité, son inconstance ce qui en fait indiscutablement un poète baroque, bien que son œuvre commence à la fin de la Renaissance. Il s’interroge également beaucoup sur les conditions de la foi dans le Monde : comment la fermeté, la constance de la foi est-elle possible face à l’instabilité du monde ?

                - Son œuvre poétique qu’elle soit amoureuse ou religieuse illustre ces thèmes de réflexion : ses Sonnets d’amour pose la question par exemple la question de la fidélité dans l’absence, de la fermeté dans les épreuves de l’amour.

                - Il est l’auteur de trois textes majeurs : les Sonnets d’amour, l’Essai de quelques poèmes chrétiens (contenant les douze « sonnets sur la mort « et des stances) et de Méditations sur les psaumes. Son œuvre n’a été redécouverte que très tardivement au XXe siècle et elle s’est imposée comme une œuvre majeure reliant Renaissance et Baroque.

                - On classera Sponde dans le « premier baroque « (avant 1620), baroque sombre, méditatif, pessimiste, mais dont la virtuosité formelle, les nombreux effets de style, la recherche d’une expression très démonstrative, préfigure le plein baroque, éclatant et triomphant des années 1620-1640.   

 

« Séquence 1 : « la poésie baroque », texte 3.

2 1.1 : Les trois inquiétudes du « je » Ces tentations qui viennent assaillir le « je » sont au nombre de trois : « le Monde », « la Chair » et « l’Ange révolté ».

Comme le sous -entend le sens de l’adjectif « révolté » au XVI e si ècle, qui signifie ici « détourné, tourné de l’autre coté », la tentation s’impose comme une tentative pour détourner le poète de la pensée de Dieu.

Cette triple attaque constitue une triple inquiétude au sens étymologique du terme (inquiet = qui ne connaî t pas le repos), puisque le poète se dit « ébranler » par « l’effort » de « la Chair ».

A partir de là, tout le poème se développe sur une structure ternaire en vers rapportés.

Aux trois inquiétudes répondent trois appels à l’aide à Dieu.

Le poème trouve s on rythme dans ces multiples tentations du « je ».

Loin d’être passagères, ces contradictions entre la foi et la tentation sont présentées par Sponde comme indissociables de l’existence humaine dans le premier tercet : « Et quoi ? Mon Dieu, je sens combat tre maintes fois Encor avec ton Temple, et ta main et ta voix, Cet Ange révolté, cette Chair, et ce Monde.

» Avec l’effet d’insistance de deux adverbes temporels de répétition « maintes fois » et « encore », Sponde sous entend que la contradiction dure et ne s’éteint pas.

Le poète ne se trouve pas alors en état d’affirmer une foi absolument inébranlable mais, au contraire, met en scène ses doutes.

1.2 : La mise en scène du doute La parole poétique de Sponde face à ses tentations est en effet marquée par le doute plus que par l’assurance ou la fermeté.

En témoigne l’omniprésence de la phrase interrogative dans le deuxième quatrain et au tout début du premier tercet.

Par définition, ce type de phrase exprime un défaut de connaissance ou un défaut d’assuranc e, ce qui est le cas du « je » à ce moment du poème.

« La constance », valeur supposée répondre aux tentations, reste sous le suspens d’un point d’interrogation, tout comme le secours de « l’invincible main » de Dieu aux vers 7 et 8.

En outre, l’arrivée de l’aide de Dieu est dramatisée par la disposition des vers du second quatrain, de façon à souligner le doute, à renforcer le sentiment d’incertitude exprimée par Sponde.

Ainsi, la phrase commencée au vers 5 se termine au vers 7 par le rejet du groupe verbal et du sujet « Me donras -tu ? ».

Ce rejet a pour effet de retarder l’arrivée du verbe donner, verbe qui exprime précisément l’aide de Dieu.

Le sonnet de Sponde s’ancre alors dans le registre pathétique 1, puisque le poème prend l’allure d’une plainte adres sée à Dieu.

Le poète y est de fait représenté dans un état de déchirement qui peut susciter la pitié du lecteur.

Le « moi » est alors un lieu d’incertitude, d’hésitation et non un repère stable face à l’instabilité du monde.

Loin d’être l’espace pacifié d ’un apaisement ou d’une certitude, il est le théâtre d’un conflit dans ce sonnet de Sponde, conflit qu’il faut essayer de cerner maintenant.

2- Le théâtre de la vie intérieure et la foi comme lutte La foi n’est pas alors représentée comme un apaisement absolu chez Sponde.

La vie de l’esprit n’est pas une scène paisible mais le théâtre d’un combat, d’une lutte.

Le lecteur assiste donc à une véritable dramatisation 2 de la vie intérieure.

2.1 : La foi comme lutte En effet, le thème du combat et son ch amp lexical structurent l’ensemble du poème.

Dès le vers 1, le verbe « assaillir » met en place ce motif qui est ensuite repris par « l’effort », les verbes « ébranler », « combattre » et « perdre ».

Dès le premiers vers, avec l’effet d’hyperbole dans la r épétition de « tout », Sponde crée l’impression d’un assaut général contre le moi, venu de l’extérieur.

Dès le premier hémistiche du premier vers, le moi est seul contre le monde puisque les deux mots sont aux deux extrémités, l’un sous l’accent d’attaque, l’autre sous celui qui précède la césure.

En outre, les allégories du « Monde » et de la « Chair », créées 1 Registre pathétique : le registre pathétique veut émouvoir fortement le lecteur.

Un texte pathétique veut susciter de la pitié chez le lecteur pour le ou les personnages représentées.

On l’associe traditionnellement à l’expression intense des souffrances, des tourments, d es pleurs… Le pathétique n’est pas ici le registre dominant mais il se combine avec le registre lyrique.

2 Dramatisation : < drame (étymologie = drama = l’action en grec).

2 sens à ce mot : action et référence au théâtre.

On parle de « dramatisation » l orsqu’un texte cherche à augmenter l’intensité de l’action, de l’émotion, des faits représentés.

La dramatisation est le contraire d’une écriture neutre.

Elle met en scène son sujet avec intensité, suspens à la manière dont un spectacle théâtral essaie de captiver l’attention du spectateur par une action intense et émouvante.. »

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