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Commentaire littéraire poème de Victor Hugo Les Châtiments

Publié le 01/04/2013

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hugo
STARLING Elisa 1S2 18.02.2013 Correction de la composition Question sur corpus Le corpus proposé associe trois textes de deux auteurs différents : les textes A et B on été écrits par Victor Hugo, respectivement en 1829 et 1853, tandis que le texte C est un texte d'Albert Camus, écrit beaucoup plus tard (1958). Bien qu'appartenant à des genres littéraires distincts, ils ont pour point commun de constituer une argumentation à l'encontre de la peine de mort. Les auteurs ont donc mis en oeuvre différentes stratégies narratives. Les textes A et B ont en commun d'utiliser une stratégie argumentative indirecte pour dénoncer la peine de mort et la guillotine, agissant sur le lecteur par des moyens détournés ne relevant pas du raisonnement mais de la persuasion. Dans ce cadre commun, chacun des deux utilise cependant une stratégie différente : il s'agit pour le texte A d'une forme narrative, récit à la première personne, dont le narrateur est un condamné à mort écrivant sa confession quelques heures avant son exécution. Le texte B est un poème, il a recours davantage à des penchements lyriques du poète révolté. Le texte C, quand à lui, relève de l'argumentation directe. Intéressons nous tout d'abord à la stratégie argumentative du texte A. Le choix d'une focalisation interne permet à l'auteur de dramatiser l'attente, le décompte des heures qui précèdent l'exécution du narrateur. Le condamné à mort se présente sous l'aspect d'un père, suscitant chez le lecteur un sentiment de compassion à l'égard de la petite Marie, enfant au destin orphelin, qui est d'ailleurs une incarnation de l'innocence dont le prénom est une anagramme du verbe « aimer «. En condamnant ce père, la société condamne aussi la petite fille : telle est la thèse défendue implicitement par Victor Hugo. Elle est quasiment exprimée dans la dernière phrase de l'extrait : « Misérable ! quel crime j'ai commis, et quel crime je fais commettre à la société ! « (l.26-27). L'écrivain développe un procédé d'opposition entre le personnage du père tendre et affectueux dans un passé et le futur de la mort, le cadavre déshumanisé (« tête qu'on moulera d'un côté, un tronc qu'on disséquera de l'autre « l.4). Cette opposition est renforcée par une opposition des temps verbaux utilisés : « ton père qui t'aimait tant « (l.10)/ « je serai quelque chose d'immonde « (l.3), et elle est une marque de registre pathétique : le lecteur est touché, il éprouve une certaine pitié. Nous pouvons remarquer que les premiers paragraphes concernent le passé, tandis que les paragraphes 4 et 5 évoquent le futur : au futur de la mort pour le père s'ajoute un futur de la solitude (4ème paragraphe) et de la honte (5ème paragraphe) ; c'est une véritable mort sociale pour la fille. Le texte B, bien qu'utilisant une stratégie argumentative indirecte, diffère du texte A. L'argumentation réside tout d'abord dans les appellations pour désigner Napoléon III, telles que « bandit « (v.2) ou « scélérat « (v.22). Ici, Victor Hugo désigne implicitement l'empereur comme un bandit assoiffé de sang. On a également des marques d'ironie lorsque l'auteur utilise les mots « sauveur, héros, vainqueur de crépuscule,/César ! « (v.8-9) pour désigner Napoléon III. Nous pouvons remarquer que le mot « guillotine « (v.13) rime avec le mot « butine « (v.12), qui rappelle l'abeille qui butine, symbole de l'empire. Victor Hugo associe donc ce régime politique à la guillotine, aux exécutions, à la mort. Les derniers mots du texte, « tête coupée «, mettent en relief une absence d'espoir, une sorte de fatalité car le narrateur même la nature « ne put [le] calmer « (v.20). Cette idée de point mort est accompagnée d'un lyrisme marqué : « je frémissais « (v.21), « sans pouvoir m'apaiser « (v.23). On a ici une expression de sentiments de révolte, de haine, qui agit inévitablement sur le lecteur. Seul le texte C relève de l'argumentation directe : la thèse défendue par Albert Camus est explicite, et il développe pour l'étayer un certain nombre d'arguments logiques. On peut tout d'abord relever des connecteurs logiques et d'expressions qui relèvent d'une volonté de l'auteur de structurer son argumentation, et de lui donner une teneur concise : « par définition « (l.7), « or « (l.10), « laissons de côté « (l.17), « admettons « (l.20), « mais « (l.21)... Ces expressions montrent également que Camus procède ici par un raisonnement concessif. Il commence, dans son premier paragraphe, par développer une thèse selon laquelle tuer quelqu'un parce qu'il a tué relève de la loi du talion, qui vient des forêts primitives. Or la loi doit corriger la nature et non par l'imiter. Il parle d'une conception arithmétique de la part de l'homme, selon laquelle mort = mort. Dans le second paragraphe, il conçoit que l'on puisse appliquer la peine de mort pour démontrer qu'il n'y a pas d'équivalence : « elle ajoute à la mort [...] une préméditation publique et connue de la future victime [...] source de souffrances morales plus terribles que la mort « (l.25-28). L'auteur admet la thèse contestée au début pour mieux la réfuter : il s'agit bien ici d'un raisonnement par concessions. Nous avons donc vu que ces trois textes utilisent différentes stratégies argumentatives pour exprimer une thèse quasi commune : le texte A cherche à susciter les émotions, par un registre pathétique, tandis que le texte B cherche à révolter le lecteur, par des associations de termes provocantes et un lyrisme révolté. Le texte C, enfin, cherche à faire pencher le lecteur de son côté en toute logique, en procédant par concessions. Travail d'écriture : commentaire littéraire Le texte que nous allons étudier est un poème de Victor Hugo écrit en 1853, tiré du recueil Les Châtiments. Cet écrivain, ayant été omniprésent dans la littérature du XIXème siècle, est considéré comme l'un des plus importants auteurs de la langue française. Du roman au discours politique, Victor Hugo s'essaye à tous les genres littéraires, et il excelle notamment dans la poésie engagée, qu'il utilise entre autres pour véhiculer ses opinions. Le poème auquel nous allons nous intéresser a pour sujet principal Napoléon III, envers lequel l'auteur éprouve une haine qu'il n'hésite pas à exprimer sans réserve. Le poète prend pour motif une exécution politique d'innocents ordonnée par l'empereur afin de l'attaquer violemment. Nous verrons donc que ce poème engagé constitue une satire politique féroce, puis qu'une expression lyrique est au service d'un réquisitoire contre l'exécution capitale. Ce poème est une critique virulente du régime politique en place en 1853, et en particulier de son dirigeant. Victor Hugo peint tout d'abord Napoléon III comme étant un véritable criminel. Dès les premiers vers du poème, on remarque l'oxymore « meurtre juridique « (v.3) qui montre que selon l'empereur, un meurtre peut être licite, juste. L'expression « assassiné sur la place publique « (v.4) montre également une forme de criminalité : assassiner signifie littéralement « tuer quelqu'un avec préméditation «. Le poète place donc Napoléon III en position de criminel, car la voix passive suggère implicitement que cet « assassinat « est l'oeuvre de l'empereur (« ce que fait maintenant ce bandit « v.2). On peut d'ailleurs s'intéresser aux appellations utilisées par Victor Hugo pour désigner violemment le dirigeant : le mot « bandit « (v.2), qui l'associe à un malfaiteur au sens propre, ainsi que le mot « scélérat « (v.22) qui l'assimile cette fois-ci étymologiquement à un criminel car venant du latin scelus-eris (crime), comme si la mise à mort de ces trois hommes n'était le fruit que de ses instincts criminels, et donc non d'une légitimité au regard de la loi et de la justice. Le tutoiement (« toi, la guillotine « v.13) ainsi que les démonstratifs (« ce bandit « v.2, « cet homme « v.6, « lui-même « v.6, « de ses mains « v.7) dénotent d'une accusation profonde ainsi que d'un certain mépris. Napoléon, le seul responsable de ces crimes, est assimilé au bourreau grâce à l'association des termes « butine « et « guillotine « par la rime, aux vers 11 et 12 : l'image de l'abeille qui butine renvoie à l'empire. Il utilise son despotisme personnel à des fins sanguinaires. L'écrivain souligne également l'illégitimité du pouvoir de l'empereur. Il met cet aspect en relief par le biais d'une allusion au plébiscite organisé par Napoléon III pour légaliser son coup d'état : « Prince qu'aucun de ceux qui lui donnent leur voix/Ne voudrait rencontrer le soir au coin d'un bois « (v.13-14). Dans cette allusion réside tout d'abord une opposition entre le mot « prince «, ayant une connotation de somptueuse souveraineté, et la suite de la phrase qui montre qu'il est craint par la population, et que son régime, fondé sur la peur, n'est donc pas légitime. Victor Hugo évoque également la notion de « guerre civile « (v.16), qui révèle également une certaine illégitimité dans le pouvoir de Napoléon III. Enfin, l'écrivain désigne l'empereur comme détenteur d'une véritable puissance de mort. Il développe une antithèse radicale aussi bien du point de vue sémantique que syntaxique, dans laquelle il oppose Dieu, la puissance par excellence, à Napoléon III : « Dieu fait sortir de terre les moissons,/La vigne, l'eau courante abreuvant les buissons,/Les fruits vermeils, la rose où l'abeille butine ;/Les chênes, les lauriers ; et toi la guillotine « (v.9-12). Après avoir dénombré les mérites du Seigneur, tous axés sur la nature, il énonce grossièrement l'unique chose que Napoléon a apportée à la société : la guillotine. Cette opposition des puissances affermit la notion de pouvoir de mort dont dispose l'empereur. L'énumération constituée par la première partie de cette longue phrase, associée à Dieu, fortifie d'autant plus l'opposition puisqu'elle se place face à un seul terme associé à Napoléon. Le groupe nominal « spectres effarés « (v.17), désignant les passants, évoque également une idée de puissance de mort : Napoléon III déshumanise le peuple, le transforme en des sortes de fantômes angoissés. Victor Hugo fait donc de son poème une satire politique féroce : Napoléon est montré comme un criminel arrivé illégitimement au pouvoir et qui exerce sur son peuple une influence morbide. En outre, par l'expression violente de son hostilité, nous allons voir que l'écrivain impétueux blâme l'exécution capitale. Nous allons à présent nous intéresser à un autre aspect du poème : le lyrisme. L'expression lyrique est mise au service d'un réquisitoire contre l'exécution capitale, qui commence par une mise en scène dramatique et sinistre de la peine subie par les trois prisonniers politiques. Victor Hugo l'introduit par une phrase interrogative qui dénote déjà d'une certaine révolte : « Savez-vous ce que fait maintenant ce bandit ? «  (v.2). On retrouve l'oxymore « meurtre juridique « ainsi que le participe passé « assassiné « qui donnent à l'exécution capitale une teneur dramatique. De surcroît, Charlet, Cirasse et Cuisinier sont qualifiés d' « infortunés « (v.5), de malchanceux et donc absolument pas de coupable. Victor Hugo exprime donc, en suscitant une certaine forme de pitié chez son lecteur, une injustice de la peine capitale. L'adjectif indéfini « tous «, qui exprime une totalité positive, suggère une accumulation de victimes innocentes de cette pratique. L'auteur emploie également le mot « supplice « (v.6) pour désigner la guillotine, qui renvoie à une notion de torture pour renchérir sur le drame que constitue cet usage. Napoléon III produit même des effets néfastes sur le poète : il est pris d'une folie, d'une douleur physiologique qui se ressent dans les expressions : « j'avais le front brûlant « (v.15), montre que le narrateur est subitement pris d'une fièvre haineuse, ainsi que « sans pouvoir m'apaiser « (v.23). Victor Hugo met en scène une souffrance personnelle engendrée par le thème de l'exécution capitale : ces expressions contribuent donc à un véritable réquisitoire. L'expression lyrique accapare d'ailleurs la totalité de la seconde partie du poème : treize pronoms de la première personne figurent des vers 15 à 28. Le vers 19, « Ô contre-coups du crime au fond de l'âme humaine « est significatif de cette souffrance, d'une part car il illustre le fait que l'âme du poète soit touchée, au plus profond d'elle-même, par la notion de peine de mort, et d'autre part par l'apostrophe « Ô « qui souligne l'accablement, le désespoir du poète, apostrophe qui se présente comme une plainte, une lamentation. On peut enfin relever la phrase suivante : « je frémissais devant/Ce monde où je sentais ce scélérat vivant « (v.21-22). Ici, l'écrivain fait part du fait que l'idée d'exécution capitale, incarnée par Napoléon et donc par le nom péjoratif « scélérat «, trouble, perturbe tout son être, jusqu'à ses sens. On a donc une véritable mise en scène d'une douleur personnelle : le «je« lyrique émerge et envahit soudainement la fin du poème. Le rôle de la nature a en outre une fonction importante pour la critique de l'exécution capitale. Elle a toujours été considérée dans l'univers de la poésie comme consolatrice, apaisante, et c'est pour cette raison que le poète, désespéré et irrité par la notion de peine de mort, y cherche un refuge qu'il ne trouve pas dans la ville qui lui paraît « pleine d'ombre et de guerre civile «. Il va cependant se rendre à l'évidence : la nature est elle-même submergée par l'horreur de l'exécution. On a donc un contraste entre l'attente du poète (et donc du lecteur), persuadé qu'il va y trouver une certaine tranquillité («je m'enfuis dans les champs paisibles et dorés « v.18), et la réalité, c'est-à-dire l'omniprésence de la terreur, qui règne jusque dans les bois : « La nature ne put me calmer « (v.20). On retrouve même une énumération de termes qui paraissent plus haut dans le contexte de nature divine de l'antithèse précédemment étudiée : « l'air, la plaine, les fleurs : tout m'irritait « (v.20-21). Ces éléments sont évoqués d'une toute autre manière, et ce parla faute de l'exécution capitale. La nuit tombante est évoquée par des images à la fois mélancoliques et sinistres, telles qu'une personnification du crépuscule : « le soir triste « (v.24), ou encore la métaphore : « linceul frissonnant, l'ombre autour de moi s'accrut « (v.25), « lune [...] sanglante « (v. 26), et « de deuil enveloppée « (v.27). Ces figures d'analogie identifient finalement la nuit tombante à une mort, et ce par gradation. Enfin, Victor Hugo prépare une métaphore quelque peu terrifiante, comme pour mettre un point final à cette gradation : la lune est assimilée à une « tête coupée «. Ce spectacle de mort joué devant les yeux du poète (« je regardai rouler cette tête coupée « v.28) prend la dimension obsédante d'une sorte d'hallucination. Victor Hugo exprime ici l'idée que Napoléon III et son régime répandraient une tristesse irrémédiable sur le monde, et jusqu'au ciel : la notion de mort inlassable renvoie à une notion de tragédie, de fatalité. Nous avons donc pu voir que Victor Hugo exprime dans ce poème engagé une haine intense envers Napoléon III, son régime et ses actions, en passant par une satire politique féroce puis par un réquisitoire contre l'exécution capitale au moyen de l'expression lyrique et donc d'une argumentation indirecte. Le poète s'illustre donc ici comme un poète engagé qui défend ses opinions de manière aussi rigoureuse et catégorique qu'émotionnelle.

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