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commentaire de Tartuffe

Publié le 09/01/2013

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Orgon Ce que je viens d'entendre, ô Ciel ! est-il croyable ? Tartuffe Oui, mon frère, je suis un méchant, un coupable, Un malheureux pécheur, tout plein d'iniquité, Le plus grand scélérat qui jamais ait été ; Chaque instant de ma vie est chargé de souillures ; Elle n'est qu'un amas de crimes et d'ordures ; Et je vois que le Ciel, pour ma punition, Me veut mortifier en cette occasion. De quelque grand forfait qu'on me puisse reprendre, Je n'ai garde d'avoir l'orgueil de m'en défende. Croyez ce qu'on vous dit, armez votre courroux, Et comme un criminel chassez-moi de chez vous : Je ne saurais avoir tant de honte en partage, Que je n'en aie encore mérité davantage. Orgon, à son fils. Ah ! traître, oses-tu bien par cette fausseté Vouloir de sa vertu ternir la pureté ? Damis Quoi ? la feinte douceur de cette âme hypocrite Vous fera démentir? ? Orgon Tais-toi, peste maudite. Tartuffe Ah ! laissez-le parler : vous l'accusez à tort, Et vous ferez bien mieux de croire à son rapport. Pourquoi sur un tel fait m'être si favorable ? Savez-vous, après tout, de quoi je suis capable ? Vous fiez-vous, mon frère, à mon extérieur Et, pour tout ce qu'on voit, me croyez-vous meilleur ? Non, non : vous vous laissez tromper à l'apparence, Et je ne suis rien moins, hélas ! que ce qu'on pense ; Tout le monde me prend pour un homme de bien ; Mais la vérité pure est que je ne vaux rien. S'adressant à Damis. Oui, mon cher fils, parlez ; traitez-moi de perfide, D'infâme, de perdu, de voleur, d'homicide ; Accablez-moi de noms encore plus détestés : Je n'y contredis point, je les ai mérités ;` Et j'en veux à genoux souffrir l'ignominie, Comme une honte due aux crimes de ma vie. (Le Tartuffe, acte III, scène 6, vers 1073-1106) Le début de la scène 6 de l'acte III nous fait assister, à un incroyable retournement de situation. Alors qu'il semblait définitivement confondu, Tartuffe va en quelques minutes si bien se rétablir qu'Orgon non seulement croira ne pas un mot des accusations qui viennent d'être portées contre lui mais l'admirera encore plus qu'il n'a l'a jamais fait. Et Tartuffe dans la suite de la scène ne manquera de profiter de ce moment privilégié où l'aveuglement d'Orgon à son égard ne connaît plus de bornes pour battre le fer pendant qu'il est chaud et avancer ses affaires d'une manière décisive. Rappelons rapidement la situation. Elmire, par l'entremise de Dorine, a demandé à Tartuffe de lui accorder un entretien dans l'intention de l'amener à renoncer à épouser Mariane comme le souhaite Orgon. Mais Tartuffe ne la laisse pas parler, pressé de lui déclarer sa flamme Elle finit par se résoudre à le laisser s'exprimer, en se disant qu'elle pourra ainsi exiger de lui qu'il renonce à Mariane, en lui promettant en échange de ne rien révéler à son mari. Mais Damis sort du petit cabinet où il s'était caché pour écouter la conversation d'Elmire et de Tartuffe et annonce qu'il va tout révéler à son père. Elmire essaye de l'en dissuader, mais en vain. Orgon arrive sur ces entrefaites et Damis apprend à son père ce qui vient de se passer. Elmire corrobore indirectement ses dires en lui reprochant de ne pas avoir suivi son avis et elle se retire : Oui, je tiens que jamais de tous ces vains propos On ne doit d'un mari traverser le repos, Que ce n'est point de là que l'honneur peut dépendre, Et qu'il suffit pour nous de savoir nous défendre . Ce comportement peut assurément sembler un peu étrange. On comprend certes, qu'elle puisse se sentir un peu mal à l'aise vis-à-vis de Tartuffe dans la meure où elle l'a assuré qu'elle ne le dénoncerait pas à Orgon et qu'elle préfère donc se retirer. On peut la suivre lorsqu'elle affirme que les femmes doivent être capables de se défendre toutes seules et ne rien dire à leur mari lorsque d'autres hommes leur font des avances. Mais Tartuffe est l'homme que son mari a recueilli et qu'il traite comme un frère. Un personnage aussi déloyal ne mérite donc aucunement qu'on le ménage, mais doit, de toute évidence, être démasqué. C'est l'avis de Damis et c'est certainement aussi celui de Molière. Mais il a besoin que, cette fois-ci, Tartuffe s'en sorte. Il vaut donc mieux qu'Elmire se retire. Elle serait très vraisemblablement restée si elle avait prévu ce qui allait se passer et Tartuffe alors aurait été en bien plus mauvaise posture encore. Pour la première fois, en effet, Orgon doute de Tartuffe : Ce que je viens d'entendre, ô Ciel ! est-il croyable ? Ce n'était pas le cas dans la seconde version de la pièce, si l'on s'en fie au témoignage de l'auteur de la Lettre sur la comédie de l'Imposteur. Voici, en effet, comment il résume la scène 5 et le début de la scène 6 : « Le mari arrivant, il [Damis] lui conte tout. La dame avoue la vérité de ce qu'il dit mais en le blâmant de le dire. Son mari les regarde l'un et l'autre d'un ?il de courroux ; et après leur avoir reproché de toutes les manières les plus aigres qu'il se peut, la fourbe mal conçue qu'ils lui veulent jouer, enfin, venant à l'hypocrite, qui cependant a médité son rôle, il le trouve qui, bien loin d'entreprendre de se justifier, par un excellent artifice, se condamne et s'accuse lui-même, en général et sans rien spécifier, de toutes sortes de crimes «. Molière a donc finalement jugé qu'il était plus vraisemblable qu'Orgon eût un moment de doute et qu'il ne rejetât pas d'emblée et définitivement les accusations portées contre Tartuffe. Il a eu raison. De plus, cela augmente l'intérêt dramatique puisque le spectateur peut se demander un instant si Tartuffe n'a pas perdu la partie. Mais surtout le moment de doute d'Orgon va grandement faciliter le jeu de l'imposteur à la scène suivante et lui permettre d'avancer ses affaires d'une façon décisive. Il va feindre de vouloir quitter la maison d'Orgon sous prétexte que celui-ci ci finira sans doute pas accorder foi à ses accusateurs : On m'y hait et je vois Qu'on cherche à vous donner des soupçons de ma foi. - Qu'importe ? Voyez-vous que mon c?ur les écoute ? - On ne manquera pas de poursuivre, sans doute ; Et ces mêmes soupçons qu'ici vous rejetez Peut-être une autre fois seront-ils écoutés. - Non, mon frère, jamais. - Ah ! mon frère, une femme Aisément d'un mari peut bien surprendre l'âme. - Non, non. - Laissez-moi vite, en m'éloignant d'ici, Leur ôter tout sujet de m'attaquer ainsi . Orgon, prêt à tout pour que Tartuffe reste chez lui, cherchera donc à lui prouver qu'il ne doutera jamais de lui. Il sera ainsi amené à prendre en sa faveur des dispositions durables et à lui proposer de lui faire une donation de tous ses biens. Mais, pour l'instant, Tarfuffe doit d'abord songer à se défendre des accusations portées contre lui. Il n'a rien dit pendant les scènes 4 et 5, mais il a évidemment profité de ce temps pour préparer sa ligne de défense. Et, bien loin de le desservir, ce silence va finalement le servir puisqu'il a choisi de feindre de ne pas vouloir se défendre. Sa tactique va pourtant être beaucoup plus subtile qu'on ne le dit souvent. Certains critiques se contentent, en effet, de dire que Tartuffe a ici recours à une figure de rhétorique que les spécialistes désignent sous le nom d'auto-catégorème que Georges Molinié définit en ces termes : « Figure macrostructurale, variété d'ironie, selon laquelle le locuteur feint d'accepter un blâme, ou même s'en charge exagérément, pour mieux le rejeter en créant, chez les auditeurs une réaction de refus face à cette auto-accusation «. Et il en donne pour exemple la tirade de Tartuffe qui fait partie selon lui des « cas limpides « d'auto-catégorème : « Le spectateur comprend que Tartuffe s'accuse véridiquement pour qu'Orgon comprenne à l'envers cette accusation, comme une preuve de l'innocence de son ami, par une feinte magistrale du fourbe «. Mais, comme à son habitude, Georges Molinié n'a pas pris la peine de lire attentivement la tirade de Tartuffe. Car le jeu de celui-ci est beaucoup plus complexe qu'il ne le pense. En même temps qu'il avoue, ou plutôt qu'il semble avouer, Tartuffe nie, ou plutôt il semble nier, car il ne fait ni l'un ni l'autre clairement et expressément. Cependant, comme nous allons le voir, ces deux tactiques apparemment contradictoires se concilient en fait fort bien et sont parfaitement complémentaires. Le début de la réplique de Tartuffe « Oui, mon frère « est volontairement ambigu. On peut croire une seconde qu'il va avouer clairement et sans détours ce dont il est accusé. Mais il n'en sera rien. Jacques Guicharnaud a bien vu que le « oui « de Tartuffe n'était pas aussi simple qu'il semblait l'être tout d'abord : « Tartuffe répond à la question d'Orgon : Oui cela est croyable, ce qui ne veut pas dire : "Oui, j'ai tenté de séduire votre femme", mais : "On peut me penser capable d'une telle action «. Jacques Guicharnaud a bien vu que le « oui « de Tartuffe était fort jésuitique. Pourtant, à proprement parler, Tartuffe ne répond pas : «Oui, cela est croyable «, comme il le pense. Son « Oui, mon frère « n'est pas suivi d'un point, mais d'une virgule, et l'acteur qui joue le rôle de Tartuffe doit bien se farder de marquer une pause qui ferait croire qu'il a déjà répondu. Le « oui «, en effet, ne répond pas vraiment à la question posée par Orgon. Il introduit une affirmation : « Oui, je suis un pécheur un très grand pécheur, le plus grand pécheur qui ait jamais été «. De cette affirmation, on peut certes, conclure qu'il est tout à fait croyable qu'il ait pu vouloir suborner la femme de son bienfaiteur. Toujours est-il qu'il ne le dit pas explicitement. Il commence par noyer le poisson en se lançant dans une auto-accusation volontairement si générale et si excessive qu'elle en perd quasiment toute signification : Oui, mon frère, je suis un méchant, un coupable, Un malheureux pécheur, tout plein d'iniquité, Le plus grand scélérat qui jamais ait été ; Chaque instant de ma vie est chargé de souillures ;&l...

« ( Le Tartuffe , acte III, scène 6, vers 1073-1106) Le début de la scène 6 de l’acte III nous fait assister, à un incroyable retournement de situation.

Alors qu’il semblait définitivement confondu, Tartuffe va en quelques minutes si bien se rétablir qu’Orgon non seulement croira ne pas un mot des accusations qui viennent d’être portées contre lui mais l’admirera encore plus qu’il n’a l’a jamais fait.

Et Tartuffe dans la suite de la scène ne manquera de profiter de ce moment privilégié où l’aveuglement d’Orgon à son égard ne connaît plus de bornes pour battre le fer pendant qu’il est chaud et avancer ses affaires d’une manière décisive.

Rappelons rapidement la situation.

Elmire, par l’entremise de Dorine, a demandé à Tartuffe de lui accorder un entretien dans l’intention de l’amener à renoncer à épouser Mariane comme le souhaite Orgon.

Mais Tartuffe ne la laisse pas parler, pressé de lui déclarer sa flamme Elle finit par se résoudre à le laisser s’exprimer, en se disant qu’elle pourra ainsi exiger de lui qu’il renonce à Mariane, en lui promettant en échange de ne rien révéler à son mari.

Mais Damis sort du petit cabinet où il s’était caché pour écouter la conversation d’Elmire et de Tartuffe et annonce qu’il va tout révéler à son père.

Elmire essaye de l’en dissuader, mais en vain.

Orgon arrive sur ces entrefaites et Damis apprend à son père ce qui vient de se passer.

Elmire corrobore indirectement ses dires en lui reprochant de ne pas avoir suivi son avis et elle se retire : Oui, je tiens que jamais de tous ces vains propos On ne doit d’un mari traverser le repos, Que ce n’est point de là que l’honneur peut dépendre, Et qu’il suffit pour nous de savoir nous défendre . Ce comportement peut assurément sembler un peu étrange.

On comprend certes, qu’elle puisse se sentir un peu mal à l’aise vis-à-vis de Tartuffe dans la meure où elle l’a assuré qu’elle ne le dénoncerait pas à Orgon et qu’elle préfère donc se retirer.

On peut la suivre lorsqu’elle affirme que les femmes doivent être capables de se défendre toutes seules et ne rien dire à leur mari lorsque d’autres hommes leur font des avances.

Mais Tartuffe est l’homme que son mari a recueilli et qu’il traite comme un frère.

Un personnage aussi déloyal ne mérite donc aucunement qu’on le ménage, mais doit, de toute évidence, être démasqué.

C’est l’avis de Damis et c’est certainement aussi celui de Molière.

Mais il a besoin que, cette fois-ci, Tartuffe s’en sorte.

Il vaut donc mieux qu’Elmire se retire.

Elle serait très vraisemblablement restée si elle avait prévu ce qui allait se passer et Tartuffe alors aurait été en bien plus mauvaise posture encore.

Pour la première fois, en effet, Orgon doute de Tartuffe : Ce que je viens d’entendre, ô Ciel ! est-il croyable ? Ce n’était pas le cas dans la seconde version de la pièce, si l’on s’en fie au témoignage de l’auteur de la Lettre sur la comédie de l’Imposteur .

Voici, en effet, comment il résume la scène 5 et le début de la scène 6 : « Le mari arrivant, il [Damis] lui conte tout.

La dame avoue la vérité de ce qu’il dit mais en le blâmant de le dire.

Son mari les regarde l’un et l’autre d’un œil de courroux ; et après leur avoir reproché de toutes les manières les plus aigres qu’il se peut, la fourbe mal conçue qu’ils lui veulent jouer , enfin, venant à l’hypocrite, qui cependant a médité son rôle, il le trouve qui, bien loin d’entreprendre de se justifier, par un excellent artifice, se condamne et s’accuse lui-même, en général et. »

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