Devoir de Philosophie

Le consommateur est-il un homme libre ?

Publié le 18/01/2004

Extrait du document

C'est à une question d'actualité que nous sommes confrontés ici. En effet, nul ne saurait contester que nous sommes toujours plus plongés dans une société de l' « avoir «. Les biens de consommation sont devenus, en l'espace d'un siècle, le moyen majeur d'une reconnaissance sociale.

Remarquons en outre que notre civilisation se construit, parallèlement, sur la base idéale d'une volonté de libération de l'homme de toute forme de contrainte et d'asservissement. La liberté est en effet l'un des leitmotivs fondamentaux du questionnement philosophique.

Il semble alors pertinent de s'interroger sur la nature des rapports qu'entretiennent cette tendance consumériste croissante avec ce vieil idéal de liberté. Est-ce un rapport positif, négatif ? Y-a-t-il, tout simplement, rapport ?

Autrement dit, peut-on considérer que l'inscription de plein pied dans cette logique de l'avoir permet à l'homme de devenir un être libre ?

  • Dans un premier temps nous considérerons les impacts positifs d'une volonté générale d'appropriation des choses et des biens.

  • Nous serons cependant amenés à envisager les limites, voire les dangers de cette logique consumériste sur notre idéal de liberté.

« possibilité nouvellement acquise de disposer de l'espace et du temps, cette soumission des forces de la nature,accomplissement d'une désirance millénaire, n'ont pas augmenté le degré de satisfaction de plaisir qu'ils attendentde la vie, ne les ont pas, d'après ce qu'ils ressentent, rendus plus heureux.

» En effet, Freud estime que l'homme, en soumettant la nature, s'est en même temps construit un nouveau mode devie qui n'est pas exempt de contraintes.

Il faut travailler, gagner sa vie, accepter de renier ou sublimer sa naturepulsionnelle, s'interdire de succomber à la violence ! Notre monde, si libéré soit-il du règne naturel, n'en est pasmoins porteur de contraintes.

Le consommateur n'est pas seulement le résultat d'un affranchissement ; il estégalement celui d'un renouvellement des contraintes, d'une apparition de frustrations liées aux exigences de la vieen société ! En se libérant progressivement des contraintes naturelles, l'homme s'est construit un monde culturelempreint de nouvelles et indénombrables contraintes.

Freud remarque d'ailleurs que celles-ci sont si exigeantes quela civilisation peine à « éduquer » l'homme pour que celle-ci conserve une apparente paix, fragile.

La sanction estl'un des éléments qui prouve que la vie normée du « consommateur » ne se passe pas sans heurts, sansfrustrations, sans conflits, sans violence.

La pulsion d'agressivité humaine est ainsi encore une dépendance forteque la société, sans la tolérer, peine à réprimer ! Rappelons d'ailleurs les thèses marxistes (cf.

Le Capital ), qui voyaient dans l'accomplissement d'une société toujours plus pragmatique, matérialiste et consumériste, l'avènement d'un déséquilibre fondamental dans les rapportshumains.

Deux classes s'opposent alors (bourgeoise/ouvrière) dans un espace propice à une lutte inique.

Ladomination de la première classe sur la seconde ne permet pas au consommateur d'échapper à une aliénation et uncas de conscience redoutables.

En consommant il permet à ce système inique de persister, en affermissant cetteexploitation des « forces de travail » (des hommes qui produisent les biens) par le patronat.

C'est alors, par le biaisd'une volonté consumériste, la mise en place croissante d'une « exploitation de l'homme par l'homme » à laquelle onassiste dans nos sociétés contemporaines. Notons enfin, le soupçon que porte Heidegger (cf.

Être et Temps ) sur nos sociétés consuméristes et « technicisantes ».

Cette logique de l' « avoir » libère-t-elle vraiment ? N'est-ce pas le contraire qui, concrètementet abstraitement, se passe ? L'homme devient en effet dépendant des biens (qui ne sont plus simplement deschoses mais des objets, que l'homme cherche constamment à s'approprier, à avoir « sous la main » :« Zuhandenheit »).

Il se crée ainsi tout un réseau structuré de dépendance « absurde » (« Sinnlos ») à l'égard du monde matériel.

Il s'obsède par cette question de l' « avoir » pour progressivement perdre de vue une libertéspirituelle, une « authenticité » qui compte dans la perspective d'un bonheur humain possible : celle de la questionde l' « être » (du « Sein » en allemand).

Hegel lui-même mettra au jour la relation déséquilibrée mais indépassable qui lie en les opposant, les individus : celle, « dialectique », du Maître et de l'esclave.

Mais le maître, dans cettepensée, est autant voire plus dépendant de son esclave que l'inverse puisque il prend l'habitude d'être servi et nesait plus, au bout d'un moment, faire les choses par lui-même.

Cette vision nous rappelle pertinemment que noussommes tous, consommateurs, de plus en plus dépendant à tous niveaux (matériels et spirituels), de ce système defacilitation d'appropriation des choses, transformées en biens de consommation. Conclusion Sans doute n'est-il pas contestable que la société de consommation dans laquelle nous nous inscrivonstoujours plus est l'insigne marque d'une volonté humaine de se délivrer d'un état naturel hostile etcontraignant. Cependant celle-ci est également la marque d'un homme qui perd certaines de ses capacités (instinctives) etqui, en acceptant difficilement de renoncer à sa part pulsionnelle, se voit inscrit dans un mode de vie auxcontraintes nouvelles et quasi illimitées.

En devenant dépendant de ses biens, l'homme ne semble pas devoirprendre le chemin d'une sagesse sereine, bien au contraire.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles