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CORNEILLE ACTE II, SCENE VIII LE CID

Publié le 05/07/2011

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corneille

CORNEILLE (1606-1684). — Né à Rouen, d'une famille de magistrats. Elevé chez les Jésuites, fait ses études de droit. Mais la vocation du théâtre l'arrache à la profession d'avocat. Il fait jouer d'abord des comédies : M élite, la Veuve, la Suivante, la Galerie du Palais, la Place Royale, puis une tragédie, Médée; enfin, il remporte un éclatant succès avec le Cid, en 1636. La querelle qu'on lui suscite l'oriente vers la tragédie plus régulière et plus directement inspirée des anciens, il compose Horace et Cinna, en 1640; Polyeucte, en 1643. Malheureusement, il ne sait pas se renouveler, et, son genre ne correspondant pas au goût du public, il donne des pièces faibles où s'exagèrent les défauts de la première partie du xviie siècle, intrigue, romanesque, confusion : Œdipe, Nicomède, Rodogune, Pertharite, Suréna, Agesilas, Attila. Il s'était installé à Paris en 1662. Il y mourut pauvre, mais non misérable. Le Cid.

ACTE II, SCENE VIII

DON DIÈGUE. Qu'on est digne d'envie Lorsqu'en perdant la force on perd aussi la vie, Et qu'un long âge apprête aux hommes généreux Au bout de leur carrière, un destin malheureux ! Moi, dont les longs travaux ont acquis tant de gloire. Moi, que jadis partout a suivi la victoire, Je me vois aujourd'hui, pour avoir trop vécu, Recevoir un affront et demeurer vaincu, Ce que n'a pu jamais combat, siège, embuscade, Ce que n'a pu jamais Aragon ni Grenade Ni tous vos ennemis, ni tous mes envieux, Le comte en votre cour l'a fait presque à vos yeux. Jaloux de votre choix, et fier de l'avantage Que lui donnait sur moi l'impuissance de l'âge. Sire, ainsi ces cheveux blanchis sous le harnois, Ce sang pour vous servir prodigué tant de fois, Ce bras, jadis l'effroi d'une armée ennemie, Descendaient au tombeau tout chargés d'infamie, Si je n'eusse produit un fils digne de moi, Digne de son pays et digne de son roi. Il m'a prêté sa main, il a tué le comte; Il m'a rendu l'honneur, il a lavé ma honte. Si montrer du courage et du ressentiment, Si venger un soufflet mérite un châtiment, Sur moi seul doit tomber l'éclat de la tempête. Quand le bras a failli, l'on en punit la tête. Qu'on nomme crime ou non ce qui fait nos débats, Sire, j'en suis la tête, il n'en est que le bras. Si Chimène se plaint qu'il a tué son père, Il ne l'eût jamais fait si je l'eusse pu faire. Immolez donc ce chef que les ans vont ravir, Et conservez pour vous le bras qui peut servir ; Aux dépens de mon sang satisfaites Chimène : Je n'y résiste point, je consens à ma peine; Et, loin de murmurer d'un rigoureux décret, Mourant sans déshonneur, je mourrai sans regret.  

 

L'ensemble. — Ce passage du Cid permet de se rendre compte des grandes qualités de Corneille : Don Diègue, vieux seigneur castillan, a été insulté par don Gormas; son fils Rodrigue le venge et tue don Gormas, malgré son amour pour la fille de celui-ci : Chimène. Après le duel, Chimène va se précipiter aux pieds du roi, pour demander justice; don Diègue, de son côté, défend son fils. Le discours que nous citons est donc aussi habile qu'émouvant. Le caractère de don Diègue s'y fait jour : son courage, son amour paternel, sa fidélité à l'honneur, la souffrance qu'il éprouve d'avoir perdu sa force d'antan. Les procédés de Corneille s'y découvrent : le rythme oratoire et le sens de la discussion morale qui font de ce passage un véritable plaidoyer; on y retrouve aussi le goût de l'Espagne, des questions de point d'honneur et de guerre, la grandeur des sentiments. Par rapport au temps, ce passage nous rappelle l'époque des duels et de la juridiction seigneuriale où chacun se faisait son propre avocat. Le style. — On reconnaîtra dans ce fragment les caractères du style de Corneille : fermeté, puissance, éclat, éloquence, mouvement entraînant, couleur et sonorité du style, richesse verbale, antithèses fréquentes, vers bien frappés. On voit combien la poésie française a fait de progrès, combien elle se révèle à présent la meilleure et la plus précise expression des sentiments. A part quelques mots anciens, quelques formes vieillies, les termes sont simples, faciles à comprendre, on voit que la langue est désormais fixée.  

Avant d'étudier nos grands classiques, nous allons donner ici un modèle d'analyse complète et de plan de travail. Nous prendrons comme type ce passage de Corneille. Il sera facile à nos lecteurs, en s'inspirant de cette analyse, de faire de même avec tous nos nombreux textes commentés. Situation du morceau. — Début du Cid. Le comte de Gormas a souffleté don Diègue parce qu'il était jaloux de son titre de gouverneur du prince de Castille. Celui-ci, trop âgé pour se venger, confie ce soin à son fils Rodrigue qui aime justement Chimène, fille du comte de Gormas. Malgré son déchirement, le jeune homme tue le comte, et Chimène est obligée de demander sa tête au roi. Ici, don Diègue défend son fils.

Le plan du morceau. — 1° Rappel de sa gloire; 2° Action de don Diègue, son dévouement. Il offre sa vie au roi en échange de celle de Rodrigue. Les sentiments du personnage. — Le courage et la vaillance passés de don Diègue s'y expriment; son amour paternel, la souffrance et l'humiliation du vieillard, son adresse aussi pour sauver son fils et son sacrifice s'y expriment tour à tour. Les idées de l'auteur. — L'éloquence de Corneille y apparaît, le mouvement et la couleur de son style, son art dans la peinture des grands vieillards. Le reflet du temps. — Luttes féodales, justice du roi encore primitive, les duels, l'imitation de la littérature espagnole. Querelles de Cour. Méditation personnelle. — Importance de l'honneur.

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