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corps, histoire de la perception du

Publié le 10/04/2013

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1 PRÉSENTATION

corps, histoire de la perception du, histoire de l’image, de la connaissance et de l’acceptation du corps humain, qui est devenu tout récemment un objet d’étude à part entière.

L’intérêt nouveau pour l’histoire de la médecine, des femmes, de la sexualité, de l’accouchement, de l’alimentation, de la souffrance et de la douleur a permis, depuis deux décennies environ, de défricher un terrain d’étude encore peu exploité. L’histoire du corps doit également beaucoup à celle des représentations. Quel a été, au cours des siècles, le discours tenu par les hommes sur le corps, leur manière de penser et de vivre leur corps ? Dans ce domaine, plus que dans d’autres, la perception du corps des femmes est très différente de celle du corps des hommes. Il convient donc, le plus souvent, de les différencier, en gardant à l’esprit que, jusqu’à une époque très récente, la quasi-totalité des sources émane des hommes.

2 LE CORPS MÉPRISÉ

Si, dans l’Antiquité, le corps a été un objet d’admiration et de culte (tels qu’en témoignent les nus dans la peinture et la statuaire), avec la naissance du christianisme se développe un discours nouveau, préparé par les idées stoïciennes de maîtrise de soi : le corps s’oppose catégoriquement à l’âme (caro et anima). Puisque la vie ici-bas n’est qu’une préparation à l’au-delà et que seule l’âme continuera à vivre après la mort, le corps, enveloppe de l’âme, n’a pas d’importance. Il devient, pour les Pères de l’Église, « la prison « ou « la tombe « de l’âme.

Les premiers moines irlandais par exemple, cherchent à mortifier et à blesser leur corps pour punir ce qui représente pour eux une entrave aux choses spirituelles, le réceptacle de tous les vices et de toutes les tentations. On les voit ainsi se plonger dans des étangs glacés pour combattre les ardeurs de la concupiscence, prier pendant des heures les bras en croix, s’imposer des régimes alimentaires très stricts, jeûner pendant de nombreux jours.

3 LE CORPS CONTRÔLÉ

Il faut attendre le début du vie siècle et la naissance du monachisme bénédictin pour voir se développer un discours plus modéré sur le corps. Selon saint Benoît le corps ne doit pas être méprisé, mais contrôlé et dompté. Le discours séculier et, à partir des xiie-xiiie siècles, laïque se montre beaucoup moins sévère à l’égard du corps que ne l’étaient les réguliers du haut Moyen Âge. Il existe cependant un corps, toujours objet du discours des hommes (d’Église), qui attire la méfiance et la défiance : celui des femmes. Ce dernier représente, en effet, la tentation diabolique. Il est fréquent de voir dans l’iconographie médiévale, le corps d’une femme (d’une jeune fille ou d’une vieille femme) aux côtés de Satan.

À partir de la fin du Moyen Âge, les moralistes condamnent avec véhémence les excès somptuaires des femmes — critique des coiffures trop hautes, des traînes trop longues, des couleurs trop vives — et la fâcheuse habitude de se farder. Le corps, surtout celui des femmes, doit certes être habillé pour cacher la nudité, car c’est à cause du péché originel que l’homme et la femme doivent revêtir des vêtements — si l’homme et la femme n’avaient pas commis le péché originel, ils auraient pu se regarder nus, sans pudeur. Mais, en aucun cas, le corps ne doit être le lieu de la dissimulation. Dans la pensée chrétienne, le corps de la femme vient rappeler aux hommes que c’est par la faute d’Ève que l’humanité est en souffrance et attend la Résurrection.

4 LE CORPS GLORIEUX

Pour un chrétien du Moyen Âge et de l’époque moderne, il existe un autre corps : le corps glorieux. Le corps mort retourne à la terre et se putréfie, comme le rappelle cette phrase biblique prononcée souvent lors des funérailles : « Tout vient de la poussière et tout retourne à la poussière. « Il arrive dans les récits hagiographiques que les saints, en récompense divine et pour montrer à tous qu’un corps terrestre dompté complètement par l’âme peut être valorisé, ont un corps qui échappe à la décomposition. Au xiiie siècle, dans un contexte de recherche des reliques, Thomas de Cantimpré fait exhumer un certain saint Théodulphe, abbé de Trèves au viie siècle, et l’on découvre alors, avec admiration, que son corps est intact. Thomas de Cantimpré écrit : « Je crois […] que saint Théodulphe a aussi reçu la gloire de la non-corruption dans son corps en signe de la préservation de sa virginité dans sa chair. «

5 LE CORPS CACHÉ

Les artistes de la Renaissance ont recherché des formes antiques de l’art et ont dessiné et peint des corps nus. On assiste, cependant, au cours de l’époque moderne, à une protection accrue du corps. La pudeur prend alors une grande importance. Les gestes du corps sont plus discrets. D’où un souci nouveau de dissimuler certaines parties du corps. Au début du xvie siècle, l’humaniste Érasme évoque « les parties du corps que la pudeur naturelle fait cacher «. Chacun a en mémoire la fameuse tirade du Tartuffe de Molière, « Cachez ce sein que je ne saurais voir. « Chez les protestants, comme chez les catholiques de la Contre-Réforme, la nudité doit se cacher. Les artistes de l’époque moderne jettent donc des draperies ou des feuilles de vignes sur les nus de la Renaissance.

Il est symptomatique d’ailleurs que certains actes corporels soient désormais cachés : on n’urine ou on ne défèque plus en public. Les lieux d’aisance qui, aux siècles précédents étaient publics, se privatisent. L’essor de l’intimité à l’époque moderne modifie aussi le regard porté sur le corps. Le rituel qui consiste à accompagner les jeunes mariés jusque dans leur lit, le soir des noces, a tendance à reculer. Jean-Baptiste de La Salle écrit : « La bienséance veut aussi qu’en se couchant on se cache à soi-même son propre corps et qu’on en évite les moindres regards. « On assiste à une telle protection du corps que, paradoxalement, on en vient à nier l’intimité puisqu’on ne peut plus même regarder son propre corps.

C’est pour cette raison qu’à l’époque moderne les soins se concentrent sur le visible. L’eau est désormais perçue comme capable de s’infiltrer dans le corps ; l’eau chaude est supposée fragiliser les organes. On lave les vêtements, un peu le visage et les mains et c’est tout. On a pu parler, pour cette époque, de toilette « sèche « qui se limite à l’essuyage et aux parfums. Se farder est une pratique vivement conseillée ; elle apparaît comme un signe de distinction sociale, même si les hommes d’Église continuent de critiquer cet usage. Les femmes soulignent leurs yeux, rehaussent leur teint, s’épilent les sourcils. L’hygiène de l’époque moderne est basée sur des poudres et des cosmétiques et ce n’est qu’à partir des années 1740-1750 que l’eau est à nouveau utilisée, comme elle l’était abondamment à l’époque médiévale (voir histoire de l’hygiène).

6 LE CORPS SURVEILLÉ ET PUNI

Il faut attendre la fin du xviiie siècle pour que se développe une nouvelle esthétique féminine qui rappelle, à certains égards, les conceptions médiévales : la femme doit être plus proche de la nature et il n’est pas nécessaire que les cosmétiques cachent le corps. Jean-Jacques Rousseau est l’un des premiers à prôner ce retour à la nature, et son discours annonce le Romantisme.

Mais le xixe siècle voit également un souci très grand de protéger le corps dans un contexte d’essor de la médecine et du discours hygiéniste. On assiste à une inflation d’écrits médicaux qui multiplient les conseils pour entretenir son corps. Le plaisir et la sexualité sont particulièrement visés et dévalorisés. En témoignent les luttes farouches menées contre la masturbation qui devient l’un des maux les plus graves qui affecte le corps. Le célèbre ouvrage du docteur Tissot, Onania (1760), connaît de très nombreuses rééditions qui traduisent sans doute moins un essor de cette pratique qu’une volonté médicale et morale de la juguler : on prévient l’enfant qui s’adonne à cette habitude qu’il sera malade, faible et qu’il connaîtra une sénilité précoce.

Dans cette moralisation des attitudes à l’égard du corps, l’école primaire joue un rôle tout à fait essentiel, comme elle permet de diffuser largement auprès des jeunes générations le nouveau discours sur l’hygiène et sur la propreté. L’installation des bains-douches commence à être une préoccupation des municipalités, et les appartements bourgeois du début du xxe siècle s’équipent progressivement de baignoires ou de cabinets de toilette.

7 LE CORPS SPORTIF ET BRONZÉ

Le corps féminin a continué à être caché jusqu’à la fin du xixe siècle. Puis on voit apparaître des corps de femmes parfumés, fardés, aux habits colorés, en dentelle et en soie pour les plus riches. Cette mise en valeur du corps de la femme contraste avec le vêtement sombre des hommes ; opposition de la représentation sexuée des corps qui peut apparaître comme une des caractéristiques majeures du xxe siècle.

Les corps se découvrent progressivement. Ainsi, au début des années vingt, les scouts font encore scandale lorsqu’ils adoptent les culottes courtes qui laissent voir leurs jambes nues. Depuis quelques décennies, l’affirmation de l’individu et le déclin de la tradition chrétienne réhabilitent le corps ; la vieille conception du corps prison de l’âme commence à reculer. Apparaît alors un souci nouveau de l’apparence physique : le vêtement ne doit plus servir à cacher le corps, mais à le mettre en valeur. Cette mutation est plus nette chez les femmes, pour lesquelles les vêtements doivent souligner les lignes du corps. La femme doit séduire ; étaler son bronzage, montrer ses cuisses ou ses seins sur les plages sont devenus des habitudes et ne sont plus des pratiques indécentes. Dans cette optique, se développe chez les femmes un élan « pilophobe « : depuis la « garçonne « des années vingt qui a fait scandale en coupant ses cheveux à hauteur d’oreille jusqu’à l’épilation des sourcils et des jambes, qui doivent être lisses, offertes au soleil et au regard des autres.

Se farder n’est plus désormais réservé aux prostituées. Aujourd’hui, dans toutes les tranches publicitaires abondent les marques de produits de parfum, déodorants, crèmes, filtres solaires (Ambre solaire lancée en 1937), rouge à lèvres (apparu au milieu des années vingt), produits de rasage, etc. Les publicitaires ont œuvré avec les hygiénistes pour inciter les hommes et les femmes à se laver. Les médias ont permis une formidable extension sociale de l’usage de tout ce qui soigne et embellit le corps et une grande homogénéisation de la perception des corps. L’entretien du corps est d’autant plus central dans la période contemporaine qu’une grande attention est portée à ce qui fait grossir. Aussi le sport se développe-t-il partout : salles de gymnastique, jogging. « Être bien dans son corps « devient un but.

Puisque le corps exhibé en tous lieux est un beau corps, sain et jeune, nos contemporains éprouvent une véritable hantise face à un corps gros, faible, malade ou vieux. La pudeur a reculé mais, en conséquence, progressent le contrôle anatomique devant son miroir ou sur sa balance et la surveillance sanitaire quotidienne — sans parler des opérations chirurgicales qui traduisent le refus de voir son corps changer ou qui manifestent la volonté de posséder le nez, les seins, les fesses des modèles proposés. La nouvelle perception du corps a créé d’autres formes d’aliénation. À l’âge de l’échographie, de la radiographie et du scanner, comment va-t-on demain percevoir l’intérieur de son corps ?

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