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dans quel mesure peut on opposer le dire et le faire ?

Publié le 27/02/2008

Extrait du document

• Cet intitulé de sujet peut vous dérouter : en effet, deux verbes sont, ici, juxtaposés d'une manière qui est susceptible de vous apparaître comme paradoxale. Quelle démarche, alors, élaborer et à quelle approche se confier ? C'est sur le verbe « dire « qu'il faut, tout d'abord, réfléchir et faire porter votre attention. Dire, c'est exprimer et communiquer ses sentiments ou sa pensée par la parole. Cette définition sera tout à fait centrale dans vos analyses. En effet, ce sujet ne porte pas directement sur le langage, mais sur la parole, acte individuel par lequel s'exerce la fonction du langage. Quant au verbe faire, il signifie, au sens le plus général du terme, réaliser un être, mais aussi accomplir et exécuter une action. Faire, c'est exercer une activité. Manifestement ce sont ces notions d'acte, d'action, d'activité qui devront constituer l'objet de votre réflexion. Quant au verbe admettre, il introduit des éléments importants dans vos analyses : en effet, admettre, c'est accepter, considérer comme valable par l'esprit. L'intitulé du sujet sous-entend, par conséquent, qu'un certain nombre de raisons négatives pourraient vous conduire à ne pas accepter l'idée que « dire, c'est faire «. • Bien entendu, vous êtes également en possession d'un cours sur le langage, cours qui contient des éléments essentiels de réflexion. Quelles sont la nature et les fonctions du langage ? etc. Vous devez utiliser ce cours dans l'élaboration du devoir. • Acceptez-vous l'idée que l'expression de la pensée par la parole soit un acte ? : tel est donc le sens du sujet.

• Le problème qui jaillit de la question est celui du pouvoir de la parole. En quel sens peut-on dire que la parole est un acte efficace ? Notre plan progressif, par approfondissement de concepts, sera le suivant :

A — La première parole : le primitif et l'enfant. B — Notre parole quotidienne et sociale. C — La parole littéraire et poétique.

Notre plan tend donc à approfondir la notion d'une création par la parole, qui atteint son sommet et sa signification la plus dense dans la sphère de l'invention littéraire.

« professeur de philosophie morale à Oxford et qui a remarquablement souligné les puissances actives de la parole.Aux yeux de Austin, énoncer certaines phrases, c'est les faire et, d'une manière générale, toute énonciation tend àaccomplir quelque chose.

Austin nous donne un certain nombre d'exemples, où il est clair qu'énoncer la phrase,c'est, tout simplement, la faire ; voici ces exemples :E.a — « Oui (je le veux) (c'est-à-dire je prends cette femme comme épouse légitime) » — ce « oui » étant prononcéau cours de la cérémonie du mariage.E.b — « Je baptise ce bateau le Queen Elisabeth » — comme on dit lorsqu'on brise une bouteille contre la coque.E.c - « Je donne et lègue ma montre à mon frère » — comme on peut lire dans un testament.E.d — « Je vous parie six pence qu'il pleuvra demain » (cité in Austin, Quand dire, c'est faire, p.

41).Ici, le « dire », la parole, entendue et comprise comme réalisation et mise en oeuvre individuelle de la langue,peuvent apparaître explicitement comme des actes ou des actions.

Dans certaines circonstances appropriées,énoncer la phrase n'est pas décrire ce que je fais, mais le faire.

Le « dire » va donc bien au-delà de l'affirmation queje fais : il s'identifie à un « faire ».

Austin a baptisé « performatives » ces affirmations qui, loin de constaterpurement et simplement, sont réellement des actes.

La perspective d'Austin est, d'ailleurs, tout à fait radicale : enfait, à ses yeux, toute énonciation tend à accomplir quelque chose et, dès lors, il est impossible de maintenir uneopposition du « constatif» (la sphère de ce qui constate) et du « performatif» (le « dire-acte »).

Cette thèsed'Austin peut nous étonner, mais, à vrai dire, déjà, dans l'Antiquité, certains penseurs virent dans la parole unepuissance universelle d'illusion, détenant des effets pratiques : nous voulons parler ici des Sophistes, ces maîtres èsfausseté, qui parcouraient la Grèce en donnant des leçons de « parole pratique » aux jeunes gens riches, lesquelssavaient fort bien que les mots sont véritablement des actes et que leur maîtrise donne le pouvoir.

Le succès desSophistes s'alimentait à la conviction (dont nous ne prenons pas toujours conscience) que toute parole est acte.D'une manière générale, la politique est la mise en oeuvre d'un « dire, c'est faire » décisif.

Prendre le pouvoirpolitique, c'est le saisir par les mots et par la parole.

D'ailleurs, dire quelque chose, c'est le faire, même si on ne lefait pas...

O puissance de la parole ! Ce qui n'a pas été fait est rapidement oublié, mais ce qui a été dit demeuredans la mémoire des hommes comme l'Acte par excellence.

En somme, il suffit de bien énoncer le réel.

Les hommespolitiques connaissent évidemment l'importance de l'Art de la parole ; le bon politique est d'abord un avocat, il prenddans le filet flatteur et séduisant de ses mots les foules médusées : son « dire » est un « faire ».

Les exemples tirésde la politique confirment donc la justesse des analyses d'Austin.Ainsi, dire est un pouvoir et une puissance.

Dans le « dire », il y a, en effet, comme l'a si bien noté Pierre Bourdieu,tout un ensemble de signes sociaux, tout un capital symbolique accumulé.

Dès lors, la parole exprime un faire, nonpoint en elle-même, mais parce qu'elle concentre des positions et des statuts sociaux.

La position de Bourdieu etcelle d'Austin ne sont évidemment pas identiques.

Pour le second, la parole est puissance en elle-même, alors que,pour le premier, ce sont des forces sociales extérieures qui se manifestent dans le langage.

Quand un professeur deSorbonne s'exprime en un discours « puissant », ses titres et son cursus universitaire lui permettent précisément de« prendre la parole ».Les deux thèses d'Austin et de Bourdieu convergent, néanmoins, en ce que toutes deux mettent l'accent sur la«parole-action », sur le dire comme instrument de pouvoir.

En définitive, que la force qui agit à travers les mots soitdans les paroles (Austin) ou dans les porte-parole (Bourdieu) importe peu pour nous : dans les deux cas, la paroleest un acte, un moyen de domination des hommes et un faire.

Les paroles sont bel et bien des actes et même desactes tout à fait essentiels et très efficaces. C) La parole littéraire et poétique : dire, c'est faire Ici, nous atteignons le dernier niveau d'analyse : car la parole, c'est aussi l'expression du poète ou de l'écrivain.Dire, c'est exprimer, par le langage écrit ou oral, c'est faire connaître et manifester par le livre, par la publication,par l'oeuvre littéraire.

Or, parvenus à ce stade, nous trouvons un « faire », un acte qui exprime une véritabledémiurgie : le poète crée un monde nouveau.

En disant les choses, il les fait, il inaugure un nouvel univers plus vraique le premier.

D'ailleurs Poésie vient du grec poiêsis, création.

Cela est tout à fait exact.

Dans la poésie, par delàles évanescentes apparences, se crée — par l'opération de la parole et des mots — une autre réalité qui nous donnela clef de l'énigme et des choses.

Ici, la parole poétique constitue une nouvelle essence du réel, plus vraie que leréel lui-même.Ceci est vrai du poète, mais aussi de tout grand écrivain.

Au-delà du « temps perdu », Proust construit le « tempsretrouvé », où tout n'est que joie.

Ici, dire, c'est faire, dominer la quotidienneté et élaborer, mot par mot, pierre parpierre, l'oeuvre de la résurrection et de la vie.Ainsi, dire, c'est nommer, c'est, dans l'ordre de la création littéraire, faire et créer les choses et les êtres.

Comme l'aremarquablement montré Heidegger, l'oeuvre est création, « puisement aux sources ».

Pour Heidegger, la parolepoétique fait apparaître non pas seulement des sons, non pas seulement des signes, mais la dimension essentielle etfondamentale du séjour de l'homme : la parole et le dire poétique donnent à voir le dépaysement radical de l'homme,sa détresse, mais aussi son rapport à l'Être ou au Sacré : dire, c'est recréer le monde. Conclusion Le problème était de savoir si la parole représente un pouvoir et possède une efficacité propre.

Nous pouvonsmaintenant affirmer que les mots et les paroles sont des actes, des actes efficaces et essentiels.

La parole est unpouvoir.

Nos paroles « sont une formation...

La lumière, la tristesse, le vent, existeraient-ils sans les mots de notrelangage ? N'y aurait-il pas, à leur place, que des vibrations, des chocs d'atomes...

des arbres gémissants, un soufflede l'air, disparus aussitôt qu'apparus, n'apparaissant pas même ? » (Brice Parain, Recherches sur la nature et lesfonctions du langage, p.

28, NRF).. »

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