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Dans quelle mesure les Fables de la Fontaine correspondent-elles à l'idéal artistique de la période classique : « instruire, plaire, émouvoir » ?

Publié le 16/09/2006

Extrait du document

fontaine

 

 

Introduction

 

Les fabulistes ont souvent pris Esope comme modèle, qui proposaient de nombreuses petites histoires faciles à retenir et qui marquaient les esprits par leur caractère distrayant et éloquent. Pourtant avant la Fontaine, elles étaient considérées comme vulgaires. Ce dernier les popularise parmi les plus hauts placés grâce aux recueils successifs qu’il publie et qu’il a soin de dédicacer à des gens importants. Le livre I par exemple est adressé au Dauphin, qui est encore un enfant. Le but de ces fables est l’enseignement des réalités par la mise en scène plaisante d’animaux ou de végétaux, tout en émouvant le lecteur grâce à la manière humoristique ou pathétique d’aborder les divers thèmes. On pourrait se demander dans quelle mesure ces fables  correspondent à l’idéal artistique de la période classique : « instruire, plaire émouvoir «, ainsi nous examinerons en quoi effectivement La Fontaine suit ces principes, puis nous étudierons comment il transcende ces règles et arrive à une manière tout à fait nouvelle d’écrire des fables.

 

Développement

 

Les aspects classiques de la fable

Continuité

Période classique : exaltation des passions (catharsis), philosophie dans les textes

Genre en essor : tragédies, comédies, épopées

Imitation, reprise du modèle antique

 

Fabulistes antiques Modèles antiques : Esope (surtout imitation dans les premiers livres. Prose, style court, concis, concentré cers la morale de l’histoire,)

    Phèdre (il reprend Esope, mais versifie ses fables. De plus, était vu comme un amuseur, un humoriste mais également comme un écrivain audacieux.)

« Art et guides, tout est dans les Champs Elysées. «

 

Thèmes abordés

Amour (Le lion amoureux), amitié (Les deux pigeons), travail (La cigale et la Fourmi), justice (Le loup et l’agneau), liberté (Le loup et le chien), mariage (Le mal marié), mort (La mort et le bûcheron), critique des abus de pouvoir (Les Obsèques de la Lionne)

 

Les thèmes sont classiques, on en attend pas d’autres en ce qui concerne les fables : pas d’invention en ce qui concerne le fond, au contraire de la manière (cf deuxième partie)

Ajouter exemple de ses thèmes chez d’autres auteurs

 

Honnête homme, philosophie

18ème siècle : siècle des lumières

La Fontaine : philosophe, s’inscrit dans l’idéal de l’honnête homme

=> recherche la sagesse

« Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami ;

Mieux vaudrait un sage ennemi «

 

=> dénonciation des excès

=> modération dans les désirs 

« Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras «

Le petit poisson et le pêcheur

=> éloge de la médiocrité

« La pauvreté vaut mieux qu’une telle richesse.

Retirez-vous, trésors, fuyez ; et toi, Déesse,

Mère du bon esprit, compagne du repos, 

O Médiocrité, reviens vite. «

=> mais éviter de tomber dans l’excès inverse : austérité excessive qui vous « fait cesser de vivre « (Le philosophe Scythe)

=>constatation que le mal règne

=> fables = leçons de lucidité

=> Fables philosophiques ex : « Le Vieillard et les Trois Jeunes Hommes «

 

Idéal Classique

 

Instruire

=> Enseigne des comportements, des réflexes à avoir, et surtout la méfiance

Ex : Le Corbeau et le Renard (se méfier des flatteurs)

Ex 2 : Le lièvre et la Tortue (« Plutôt que courir, mieux vaut partir à point «)

Livre 1 : adressé à un enfant => il faut lui faire découvrir le monde, lui montrer, dénoncer des comportements, à la manière de Molière dans Tartuffe et L’Avare

 

Recueil entier : Conseils de vie voire de survie (La Cour du Lion), dénonciations violentes

Instructions philosophiques, comment atteindre la sagesse

 

Plaire

 

L’imitation => Imitation n’est pas une fin en soi mais moyen de réaliser la beauté, et donc de plaire « Mon principal but est toujours de plaire « (Préface de Psyché, 1669)

 

Utilisation des animaux

Narration élaborée

Similitude au théâtre => fables = petites comédies souvent dialoguées, des récits romanesques

« Une ample comédie à cent actes divers,

Et dont la scène est l’univers «

(V,1)

Vivacité de l’écriture qui va avec les retournements de situations et le rythme rapide des fables

=> Diversification des vers, qui donne un aspect de prose et accentue cette vivacité

 Ex : L’Amour et la Folie

Beauté du texte et du langage

Richesse du style

 

Emouvoir

Attente du lecteur : une fin morale, le triomphe de la justice, du faible sur le fort car sauvé et logique et raison l’emportant : pourtant ce n’est pas toujours le cas

Surprise du lecteur, attente déçue : la fin de certaines fables provoquent comme un choc

Ex : Le Loup et l’agneau

« Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,

Et je sais que de moi tu médis l'an passé.

-Comment l'aurais-je fait si  je n'étais pas né ?

        Reprit l'agneau ; je tette encor ma mère «

 

Lien avec la deuxième partie : Si La Fontaine s’est inspiré des fondations du classicismes et est surtout parti de l’imitation des auteurs classiques, il apporte pourtant une dimension nouvelle au genre de la fable, et cela car il transcende tout ce qui a déjà été fait en apportant des éléments originaux avec grand talent.

 

Audaces, aménagements, innovations de La Fontaine

Idéal du 17ème siècle : un peu bousculé, dépassement du classicisme traditionnel

S’affranchit du genre de la fable

Renouvelle ses sources

=> tend vers épicurisme d’Horace

Capable d’enrichir son modèle par son propre talent, la Fontaine dit lui-même : « Mon imitation n’est pas un esclavage «, par sa propre connaissance de la nature : l’invention n’est pas dans la matière mais dans la manière.

 

Libertés prises avec les règles

Style

Abandonne la sécheresse ésopique : la fable accueille à présent tous les tons et toutes les aspirations

Grande diversité de registres : 

Comédie, épître, parfois même conte merveilleux

Descriptions dans les fables : brèves mais justes

Exemples :

« Le long d’un clair ruisseau buvait une colombe « (II,2)

« L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours « (VII,4)

« Dans la saison Que les tièdes zéphyrs ont l’herbe rajeunie « (V,8)

 

Les fables ne sont plus ternes comme celles d’Esope : l’esthétique fait corps avec l’éthique

 

Moralités ambiguës

Moralité = avec Esope : justifie l’histoire

En général, elle est séparée du corps de la fable, on la trouve au début ou à la fin, en quelques vers.

Chez La Fontaine : pas toujours le cas (variation : des fois présence d’une moralité, des fois deux moralités, des fois rien)

Morale : pas toujours sauve => moyen de s’arranger avec le monde

leçon de lucidité => inciter à la méfiance (Le corbeau et le renard)

ex : Le Loup et la Cigogne (ingratitude)

Le Lion et le Moucheron (injustice du destin)

=> loi naturelle : triomphe des forts et des habules

=> combattre nos défauts s’observer avec lucidités, connaître ses propres défauts) comme la vanité (La grenouille qui se voulait plus grosse que le bœuf), l’égoïsme (Le rat qui s’est retiré du monde), avidité et avarice (Le Loup et le Chasseur)

=> bons sentiments : amour du travail (Le Laboureur et ses Enfants), Entraide (Le Vieillard et ses Enfants), la pitié (Le Lièvre et le Perdrix)…

 

Ajouts

« Egayer la matière «

D’autres sources : Pilpay, autres fabulistes moins connus : Babrius, Aphthonius, Abstemius, conteurs du XVIème siècle : Rabelais, Bonaventure des Périers et autres…

Plus grande diversité dans les autres recueils : créer d’avantage lui-même en observant autours de lui

Gaîté, fantaisie, petites histoires vivaces

Intercale dialogues, récits

Vers libres : rapproche de la prose, accélère le rythme

==> Phrases courtes

== > loin de la fable traditionnelle

Union du geste et de la parole : illusion théâtrale

Contradiction entre la gaîté des récit et le pessimisme qui s’en dégage

 

Poésie

17ème siècle : habituellement assez peu de poésie ==> contraste avec La Fontaine

Poésie dans des textes qui n’en avaient pas forcément à la base : cf textes d’Esope

Ambiance poétique : exaltation de la nature

Humour et ironie : caractéristique de la fable française stéryotypée après La Fontaine

Mélange longueurs de vers, pas de régularité, rejets et enjambements nombreux

Importance de la campagne, de la vie rustique, alors plutôt réservées aux peintres

 

Engagement

 

A partir du Livre 7, les fables deviennent beaucoup plus personelles

=> on y ressent plus la sensibilité de l’auteur, sa volonté de s’engager

De critiquer la société et la cour (La Cour du Lion) les abus de pouvoirs (Les animaux malades de la peste)

Prend fait et causes pour certaines idées

Image complète, avec les différents recueils, de la société de l’époque.

 

Conclusion 

 

En fin de compte, La Fontaine est un écrivain qui a cherché à créer un nouveau type de fable : son imitation des modèles antiques comme Phèdre ou Esope se limite aux déroulement des histoires. L’innovation dans ce genre lui vaut encore maintenant d’être très présent dans la culture francophone sous plusieurs formes : on connaît très bien certaines histoires comme celles du corbeau et du renard ou de la grenouille qui se voulait aussi grosse que le bœuf, on le cite fréquemment, la plupart du temps sans s’en rendre compte. En effet de nombreuses citations des moralités de ses fables sont devenues des proverbes. C’est finalement jusqu’à la conception de la fable qui a changé après lui : les apologues de ce type là sont maintenant ancrés dans nos esprits comme se devant d’être vifs et gais et dont une chute illustre la lucidité dont chacun se doit de faire preuve.

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