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Dans quelle mesure l'ignorance s'oppose-t-elle à la liberté ?

Publié le 21/08/2005

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D'un côté, l'ignorance est un frein à la liberté ; d'un autre côté, l'absence d'ignorance rend seulement conscient de notre asservissement. Quelle valeur faut-il alors accorder à l'ignorance ?     I - L'asservissement par l'ignorance : ignorance et liberté politique   * Il s'agit ici principalement de l'ignorance des causes externes : phénomènes économiques, notions de justice, d'égalité, connaissance d'autres systèmes politiques etc. Ce type d'ignorance est un danger pour la liberté lorsque l'ignorant est confronté à plus savant que lui. En effet, il est aisé d'utiliser cette ignorance à des fins de manipulation. Le discours politique dans sa dimension rhétorique s'appuie sur ce phénomène, utilisant des termes et des concepts qui ne sont pas bien connus de « l'ignorant » et parvenant ainsi à le convaincre. * Ainsi, dans le Gorgias, Platon montre le danger des sophistes et de leur rhétorique : c'est un art puissant qui est au service du pouvoir de son utilisateur. Elle ne cherche pas la vérité, la vertu ni la justice mais la satisfaction des passions et plaisirs personnels au détriment des « faibles ». Or l'ignorant est aisément victime de cette séduction par le discours. * Si l'ignorance met la liberté en danger, c'est qu'elle est synonyme de crédulité.

• L'ignorance est le fait de ne pas connaître quelque chose : soit de ne pas en connaître l'existence, soit d'en connaître l'existence sans en avoir la compréhension. A l'ignorance, on peut opposer la connaissance ou le savoir. Cependant, l'ignorance n'est jamais éradiquée : il nous est impossible de tout connaître.

• La liberté est l'état de celui qui n'est pas soumis à des contraintes, externes ou internes. Selon le type de contraintes envisagées, on peut entendre la liberté en plusieurs sens :

            - la liberté comme absence de toute causalité, s'opposant au déterminisme

            - la liberté physique

            - la liberté morale : une absence de contraintes internes (notamment les passions)

            - la liberté politique : absence de contraintes politiques et sociales, par opposition à l'oppression.

• Pour se libérer des contraintes, encore faut-il les connaître : en ce sens, l'ignorance s'oppose à la liberté puisqu'elle la freine. La méconnaissance des causes internes et externes qui déterminent nos actions et nos pensées entraîne la privation de notre liberté. C'est également cette méconnaissance qui permet à d'autres d'avoir prise sur nous et de contrôler nos actions : à l'ignorant, on peut faire croire ce qui est faux et ainsi le dominer.

• Cependant, si on voit bien que l'ignorance peut être un frein à la liberté, peut-on dire pour autant que la connaissance permet de se libérer ? La connaissance, qui dévoile les causes à l'oeuvre dans notre vie, n'apporte-t-elle pas au contraire la conscience que la liberté n'est qu'une illusion ?

• C'est donc entre ces deux voies que le problème se pose. D'un côté, l'ignorance est un frein à la liberté ; d'un autre côté, l'absence d'ignorance rend seulement conscient de notre asservissement. Quelle valeur faut-il alors accorder à l'ignorance ?

 

« Mais descendons aux choses créées qui sont toutesdéterminées par des causes extérieures à exister et à agird'une certaine façon déterminée.

Pour rendre cela clair etintelligible, concevons une chose très simple : une pierrepar exemple reçoit d'une cause extérieure qui la pousse,une certaine quantité de mouvement et, l'impulsion de lacause extérieure venant à cesser, elle continuera à semouvoir nécessairement.

Cette persistance de la pierredans le mouvement est une contrainte, non parce qu'elleest nécessaire, mais parce qu'elle doit être définie parl'impulsion d'une cause extérieure.

Et ce qui est vrai de lapierre il faut l'entendre de toute chose singulière, quelleque soit la complexité qu'il vous plaise de lui attribuer, sinombreuses que puissent être ses aptitudes, parce quetoute chose singulière est nécessairement déterminée parune cause extérieure à exister et à agir d'une certainemanière déterminée.

Concevez maintenant, si vous voulezbien, que la pierre, tandis qu'elle continue de se mouvoir,pense et sache qu'elle fait effort, autant qu'elle peut, pourse mouvoir.

Cette pierre assurément, puisqu'elle aconscience de son effort seulement et qu'elle n'est en aucune façon indifférente, croira qu'elleest très libre et qu'elle ne persévère dans son mouvement que parce qu'elle le veut.

Telle estcette liberté humaine que tous se vantent de posséder et qui consiste en cela seul que leshommes ont conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent.

Un enfantcroit librement appéter le lait, un jeune garçon irrité vouloir se venger et, s'il est poltron, vouloirfuir.

Un ivrogne croit dire par un libre décret de son âme ce qu'ensuite, revenu à la sobriété, ilaurait voulu taire.

De même un délirant, un bavard, et bien d'autres de même farine, croient agirpar un libre décret de l'âme et non se laisser contraindre.Spinoza, Lettre LVIII Le rationalisme cartésien nous montre déjà qu'une volonté infiniment libre, mais privée de raison, est une volontéperdue.

Plus nous connaissons, plus notre liberté est grandie et fortifiée.

Si nous développons notre connaissanceau point de saisir dans toute sa clarté l'enchaînement rationnel des causes et des effets, nous saisirons d'autantmieux la nécessité qui fait que telle chose arrive et telle autre n'arrive pas, que tel phénomène se produit, alors quetel autre ne viendra jamais à l'existence.

Pour Spinoza, une chose est libre quand elle existe par la seule nécessitéde sa propre nature, et une chose est contrainte quand elle est déterminée par une autre à exister et à agir.

Ausens absolu, seul Dieu est infiniment libre, puisqu'il a une connaissance absolue de la réalité, et qu'il la fait être etexister suivant sa propre nécessité.

Pour Spinoza et à la différence de Descartes, la liberté n'est pas dans un libredécret, mais dans une libre nécessité, celle qui nous fait agir en fonction de notre propre nature.

L'homme n'est pasun empire de liberté dans un empire de nécessité.

Il fait partie du monde, il dispose d'un corps, d'appétits et depassions par lesquelles la puissance de la Nature s'exerce et s'exprime en nous, tant pour sa propre conservationque pour la nôtre.

Bien souvent nous croyons être libres, alors que nous ne faisons qu'être mus, par l'existence decauses extérieures :la faim, la pulsion sexuelle, des goûts ou des passions qui proviennent de notre éducation, de notre passé, de notreculture.

Nul homme n'étant coupé du milieu dans lequel il vit et se trouve plongé, nous sommes nécessairementdéterminés à agir en fonction de causes extérieures à notre propre nature.

"Telle est cette liberté humaine que tousles hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul que les hommes sont conscients de leurs désirs, etignorants des causes qui les déterminent." III – La docte ignorance • Cependant, l'ignorance ne peut jamais être totalement dépassée.

Ce qui est dangereux pour la liberté, nousl'avons vu, c'est moins l'ignorance elle-même que le fait de ne pas savoir que l'on est ignorant.

Il faut donc entendrel'ignorance en plusieurs sens, selon plusieurs échelons : - l'ignorance naturelle, le non-savoir total - l'ignorance inconsciente d'elle-même de ceux qui croient savoir - l'ignorance savante, consciente d'elle-même et qui est le propre des sages. • Ainsi, Socrate fait de l'ignorance dans son troisième sens une valeur suprême lorsqu'il dit qu'il sait qu'il ne sait rien. Cette ignorance réflexive permet en effet : - de ne pas se laisser séduire ni manipuler par des discours extérieurs - de s'étonner de tout, méthode philosophique de Socrate, et donc de chercher la vérité C'est un principe à la fois libérateur (par la quête de la vérité) et préservant la liberté.. »

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