Dans quelle mesure l'insociabilité peut-elle etre considérée comme une condition favorable au progrès de l'humanité ?
Publié le 21/08/2005
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leurs qualités proprement humaines? En effet, ce développement exige un effort de la part de l'individu.
Celui-ci doitêtre disposer d'une motivation spécifique à entreprendre un tel travail.
N'est ce pas justement la volonté desurpasser les autres, de se singulariser, c'est-à-dire une certaine forme d'insociabilité? II) L'insociabilité peut être considérée comme une condition favorable au progrès de l'humanitédans lamesure où elle en est le moteur .
- Imaginons l'état des hommes si ils étaient sociables.
La paix y règne spontanément, en effet les hommes ont unamour de soi réglé à une juste mesure.
Ils ne s'accordent à eux-mêmes ni plus ni moins de valeur qu' à un autreindividu.
Leurs prétentions sont donc minimales et ils ne cherchent pas à s'affirmer au détriment d'autrui.
Cet étatcorrespond à l' « état de nature » décrit par Rousseau dans son Discours sur l'origine et les fondement des inégalités parmi les hommes .
Celui-ci affirme, certes, que les hommes y vivent en paix, mais également que les activités spécifiquement humaines(langage, pensée abstraite, science, etc.) n'ont aucune raison de sedévelopper.
Si les hommes sont de « bons sauvages », ils n'en restent pasmoins de sauvages, qualifiés par Rousseau lui-même « d'animal stupides etbornés » dans le Contrat social (I;8).
Ce n'est qu'après la création des premières communautés que ces activités naissent.
Or, la caractéristique deces premières communautés est justement le développement de l'insociabilitéchez les individus qui la composent.
En effet, les premiers rapprochementsentre les hommes sont l'occasion de développer la comparaison des individusentre eux et la concurrence pour l‘estime et la considération des autres.
Lepassage de la sociabilité à l'insociabilité correspond à la modification del'amour de soi en amour propre: l'amour propre est exclusif, l'individu se met àn'estimer que lui et à souhaiter pour lui-même tous les avantages, même audétriment des autres, il souhaite également disposer de l'estime et del'admiration de tous- L'amour propre et le besoin d'être reconnu comme supérieur aux autresfondent l'insociabilité: les hommes éprouvent alors du déplaisir à être les unsavec les autres, puisqu'ils y risquent à chaque fois une comparaisondéfavorable.
Mais ces deux phénomènes constituent également le moteur duprogrès que nous recherchions.
C'est pour obtenir plus d'estime et plus derichesses que les individus travaillent à développer leurs facultés.
Prenonsl'exemple du progrès technologique: celui-ci n'est jamais plus soutenu qu'en période de rivalité et de guerre (courseaux armements et conquête de la lune en contexte de guerre froide).
Un tel progrès n'aurait aucune raison d'être s'iln'était motivé par le conflit.
L'insociabilité peut donc bien être considérée comme une condition favorable, et mêmenécessaire, au progrès de l'humanité dans la mesure où elle en est le moteur.
- Mais alors, que penser de l'effort politique pour conjurer les effets de cette insociabilité? Doit-on considérer quenos lois et nos principes de justices sont une entrave au progrès de l'humanité? C'est ce qu'affirme en tout casClémence Royer, dans la préface à l'Origine des espèces de Darwin .
Selon cette dernière, l'effort politique et moral qui consiste à assurer à tous les moyens minimum à sa survie (à la fois les lois qui interdisent de nuire à l'intégritéd'autrui, et celles qui garantissent une répartition juste des richesses), vont à l'encontre du progrès de l'humanité.En effet, les espèces progressent grâce à une sélection naturelle des individus les mieux adaptés, dans un contextede « lutte pour la vie ».
La pacification de ce contexte, empêchant la sélection d'avoir lieu, produirait ainsi unedécadence de l'espèce humaine.
Il semble cependant que nous puissions facilement contester son propos: ce quedéveloppe la sélection naturelle chez une espèce est une série de qualités qui sert l'adaptation de l'individu à sonmilieu, autant dire une série de qualités animales, et non pas proprement humaine.
Ce que permettrait à la limite lelibre jeu de la sélection naturelle sur l'homme n'est qu'un progrès des performances physiques de l'espèce humaine,en tant qu'espèce animale parmi les autres.
Or ce qui nous intéresse est bien le développement du proprementhumain, c'est-à-dire de ce qui ne se réduit pas à des qualités de survie.
Ainsi nous devons maintenir, comme nousl'avons montré en première partie, que celui-ci ne peut avoir lieu que dans un climat pacifié.
Transition: L'insociabilité tisse donc des liens ambigus avec le progrès de l'humanité: elle seule peut en constituer le moteur,mais nous ne pouvons pas la laisser à son cours naturel.
Penser le progrès de l'humanité implique de maintenir à lafois deux exigences qui semblent antithétiques: celle d'un contexte de paix et de confiance entre hommes (commeterrain favorable au progrès), et celle du maintien d'une influence effective de l'insociabilité sur les individus (commemoteur nécessaire à ce progrès).
Dans ce contexte, à quelles conditions et sous quelle forme l'insociabilité peut-elle être profitable? III) L'insociabilité est une condition favorable au progrès de l'humanité dans la mesure où elle prend laforme d'une « insociable sociabilité »..
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