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David Hume: Dieu et la justice

Publié le 21/10/2012

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Dans le Traité de la nature humaine, Hume retraçait déjà une histoire naturelle : celle de la justice. Qu’est-ce qu’une « histoire naturelle « ? Le terme « naturel « est ambigu et polysémique. Hume peut donc enquêter sur un sujet aussi sensible que la religion sans craindre directement l’ire des fanatiques religieux. Mieux, il peut prétendre avec astuce que si la religion est naturelle, donc spontanée, alors l’homme est naturellement religieux et sa religiosité est la marque de fabrique que Dieu, son créateur, a implémenté en lui. Il défendra d’ailleurs cette idée dans le premier chapitre de l’Histoire naturelle de la religion, afin de se couvrir d’emblée face aux menaces – terribles – que son livre fait peser contre lui. En effet, si l’on peut défendre l’idée selon laquelle la justice n’existe pas en dehors des hommes et qu’elle se fait jour au cours du développement historique de la société, il en va tout autrement de la religion. Dire que la religion existe comme phénomène historique, qu’elle peut être examinée à l’aune des principes épistémologiques de la science de l’homme en tant que phénomène et non en tant que sphère sacrée devant laquelle l’historien doit plier le genou, revient dès le départ à adopter une démarche quelque peu sacrilège. C’est pourtant bien ce que fait Hume (et cela lui vaudra le surnom de great infidel parmi ses contemporains) dans ce livre. Si, dans le Traité, le philosophe écossais évitait de s’aventurer trop près des questionnements abordés par la religion (lorsqu’il parle du débat sur l’immatérialité de l’âme, il se contente de réfuter les thèses de Descartes et explique ostensiblement qu’il n’attaque pas la religion), il n’en va pas de même dans l’Histoire naturelle de la religion, un petit livre en 15 chapitres où il retrace le développement historique du fait religieux. En tant que philosophe poursuivant le projet d’une science, Hume abolit la distinction entre histoire sacrée et histoire profane. L’histoire sacrée, défendue notamment par Bossuet, voit l’historien se plier dès le départ aux textes sacrés et tenter d’en faire l’exégèse, de la façon la plus « juste « possible par rapport à ce que Dieu (ou le Christ, ou les Saints, ou d’autres messagers) ont voulu dire. Un historien qui pratique l’histoire sacrée doit dès le départ mettre son objectivité dans des pas déjà tracés. Il ne prétend pas mener l’enquête, mais faire apparaître ce que Dieu a voulu que nous voyons. L’histoire sacrée est fondée sur la tradition, et les présupposés y sont légion. Seulement, cette histoire souffre d’un cercle logique : la tradition sur laquelle l’historien doit travailler est aussi pour lui une source de commandements et d’obéissance. L’historien travaille sur un objet qu’il doit également révérer. Or, comment peut-il prétendre connaître cet objet s’il a déjà un sentiment fixe à son égard avant d’avoir commencé le moindre travail ? Dans son projet de science de l’homme, Hume dissout la distinction entre histoire sacrée et histoire profane. Il ne traite pas la religion comme un phénomène transcendant (bien qu’elle puisse éventuellement l’être, mais si elle l’est, nous ne pouvons que le croire et jamais le savoir) mais comme un phénomène immanent, « naturel « pour ainsi dire. La religion se développe naturellement chez les hommes : elle existe comme produit de certaines circonstances et de la nature humaine. En comprenant la religion comme un phénomène du même type que tout autre et non comme quelque chose de supra-causal, Hume fait pénétrer en elle l’impiété de l’enquête. En se livrant à l’enquête génétique sur elle, en tentant d’expliquer l’apparition et l’évolution du phénomène religieux par des causes immanentes – il cherche « l’origine de la religion dans la nature humaine « (Histoire naturelle de la religion, introduction) -, Hume dissout sans le dire le pouvoir des prêtres et l’illusion sublime dont ceux-ci s’entourent. On peut trouver, dans le développement de la religion, trois étapes : 1) Le polythéisme ou l’idolâtrie 2) Le monothéisme ou la religion révélée 3) Le dessein intelligent ou la religion naturelle Le polythéisme est la première religion des hommes. Il est impossible, dit Hume, que les hommes aient d’abord été monothéistes, puis soient retombés dans l’idolâtrie du polythéisme. Pourquoi, après avoir connu une religion unifiée, d’apparence stable et certaine, se seraient-ils précipités dans une religion moins avancée et moins sûre ? Ce retour en arrière n’est pas logique. Lorsque les hommes ont connu un état d’agrément ou de sûreté certaine, et qu’ils identifient certains traits à cet état (par exemple, le fait de croire en un Dieu unique plutôt qu’en une myriade de petits dieux), ils refusent vigoureusement de revenir à un état peu sûr, sauvage et divisé, comme celui du polythéisme par rapport au monothéisme. Tout comme, donc, il est impossible et illogique que les hommes aient eu dès le commencement de l’histoire des gouvernements en politique, il est également impossible et illogique que cela se soit produit sur le plan de la religion. Chez un homme « civilisé « ou accompli, comme l’est un philosophe déiste du XVIIIe siècle, il semble évident que le monde constitue un tout logique où chaque phéno...

« En tant que philosophe poursuivant le projet d'une science, Hume abolit la distinction entre histoire sacrée et histoire profane.

L'histoire sacrée, défendue notamment par Bossuet, voit l'historien se plier dès le départ aux textes sacrés et tenter d'en faire l'exégèse, de la façon la plus « juste » possible par rapport à ce que Dieu (ou le Christ, ou les Saints, ou d'autres messagers) ont voulu dire.

Un historien qui pratique l'histoire sacrée doit dès le départ mettre son objectivité dans des pas déjà tracés.

Il ne prétend pas mener l'enquête, mais faire apparaître ce que Dieu a voulu que nous voyons.

L'histoire sacrée est fondée sur la tradition, et les présupposés y sont légion.

Seulement, cette histoire souffre d'un cercle logique : la tradition sur laquelle l'historien doit travailler est aussi pour lui une source de commandements et d'obéissance.

L'historien travaille sur un objet qu'il doit également révérer.

Or, comment peut-il prétendre connaître cet objet s'il a déjà un sentiment fixe à son égard avant d'avoir commencé le moindre travail ? Dans son projet de science de l'homme, Hume dissout la distinction entre histoire sacrée et histoire profane.

Il ne traite pas la religion comme un phénomène transcendant (bien qu'elle puisse éventuellement l'être, mais si elle l'est, nous ne pouvons que le croire et jamais le savoir) mais comme un phénomène immanent, « naturel » pour ainsi dire.

La religion se développe naturellement chez les hommes : elle existe comme produit de certaines circonstances et de la nature humaine.

En comprenant la religion comme un phénomène du même type que tout autre et non comme quelque chose de supra-causal, Hume fait pénétrer en elle l'impiété de l'enquête.

En se livrant à l'enquête génétique sur elle, en tentant d'expliquer l'apparition et l'évolution du phénomène religieux par des causes immanentes - il cherche « l'origine de la religion dans la nature humaine » (Histoire naturelle de la religion, introduction) -, Hume dissout sans le dire le pouvoir des prêtres et l'illusion sublime dont ceux-ci s'entourent. On peut trouver, dans le développement de la religion, trois étapes : 1) Le polythéisme ou l'idolâtrie 2) Le monothéisme ou la religion révélée 3) Le dessein intelligent ou la religion naturelle Le polythéisme est la première religion des hommes.

Il est impossible, dit Hume, que les hommes aient d'abord été monothéistes, puis soient retombés dans l'idolâtrie du polythéisme.

Pourquoi, après avoir connu une. »

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