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Les demoiselles de Rochefort

Publié le 06/01/2013

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J ACQUES D EMY LYCÉENS ET APPRENTIS AU CINÉMA Les Demoiselles de Rochefort Synopsis et fiche technique 1 Le déroulé de ce livret suit la chronologie du travail mené par les enseignants avec les élèves. Les premières rubriques, plutôt informatives, permettent de préparer la projection. Le livret propose ensuite une étude précise du film au moyen d'entrées variées (le récit, la séquence, le plan...), ainsi que des pistes pédagogiques concrètes permettant de préparer le travail en classe. Des rubriques complémentaires s'appuyant notamment sur des extraits du film sont proposées sur le site internet : www.lux-valence.com/image. Réalisateur Jacques Demy, un film dans chaque port 2 Actrices Les soeurs Dorléac, fausses jumelles de cinéma 3 Genèse Le dur labeur de la joie 4 Écriture Comédie musicale, comme dans la vie 5 Découpage séquentiel 6 Analyse du récit Coupé-collé La séance 7 Genre Comédie musicale La place du spectateur 8 Le pictogramme indique qu'une de ces rubriques est en lien direct avec le livret. SOMMAIRE MODE D'EMPLOI Achevé d'imprimer : septembre 2010 10 Analyse de séquence Transport en commun Petites dissonances du désir 12 Analyse de plans Hollywood au coin de la rue Quand les chemins ne se croisent pas 14 Figure Filmer la danse Faire des manières 15 Point technique Le plan à la grue Un mouvement de grue Directeur de la publication : Véronique Cayla. Propriété : Centre National du Cinéma et de l'image animée - 12 rue de Lübeck - 75784 Paris Cedex 16 - Tél.: 01 44 34 34 40. Rédacteur en chef : Simon Gilardi, pôle régional d'éducation artistique et de formation au cinéma et à l'audiovisuel. Rédactrices du dossier : Charlotte Garson, Eugénie Zvonkine (rubriques pédagogiques). Conception graphique : Thierry Célestine. Conception (juin 2010) : Centre Images, pôle régional d'éducation artistique et de formation au cinéma et à l'audiovisuel de la Région Centre 24 rue Renan - 37110 Chateau-Renault - Tél.: 02 47 56 08 08. www.centreimages.fr Remerciements : Les photographies et photogrammes du film ont été reproduits grâce à Ciné-Tamaris (www.cine-tamaris.com), que nous remercions ici, ainsi qu'Agnès Varda, pour la relecture attentive et les précisions biographiques. Mise en scène Les couleurs du désir Décors et costumes 16 Filiation La comédie musicale aujourd'hui 17 Pistes de travail 18 Atelier Les chansons des autres 19 Lecture critique 20 Sélection bibliographique & vidéo FICHE TECHNIQUE Les Demoiselles de Rochefort France, 1967 Réalisation, scénario, chansons : Image : Musique : Montage : Chorégraphie : Costumes : Décors : Production : Distribution : Durée : Formats : Tournage : Sortie française : Jacques Demy Ghislain Cloquet Michel Legrand Jean Hamon Norman Maen Jacqueline Moreau Bernard Evein Parc Film/Madeleine Film, Mag Bodard et Gilbert de Goldschmidt Ciné-Tamaris 2h 35 mm couleurs, cinémascope (certaines copies en 70 mm) été 1966 8 mars 1967 Interprétation Delphine Garnier : Solange Garnier : Maxence : Andy Miller : Etienne : Bill : Yvonne Garnier : Simon Dame : Guillaume Lancien : Josette : Subtil Dutrouz : Judith : Esther : Boubou : Pépé : Catherine Deneuve Françoise Dorléac Jacques Perrin Gene Kelly George Chakiris Grover Dale Danielle Darrieux Michel Piccoli Jacques Riberolles Geneviève Thénier Henri Crémieux Pamela Hart Leslie North Patrick Jeantet René Bazart SYNOPSIS Dans Rochefort investi par des forains, Delphine et Solange, jumelles danseuses et musiciennes, rêvent à l'amour. Leur mère, Yvonne, qui tient le café de la grand'place, regrette d'avoir quitté Simon dix ans plus tôt. L des habitués du café, le marin 'un Maxence, a peint la femme idéale mais ne l'a pas rencontrée. Delphine se reconnaît dans ce portrait et tombe amoureuse du peintre, mais le croit parti pour Paris. Les jumelles s'apprêtent à monter à la capitale. Solange demande au nouveau marchand de musique, Simon, une lettre de recommandation pour un compositeur américain. Les forains convainquent les jumelles de donner un numéro de danse à la fête foraine. Solange rencontre dans la rue l'homme de sa vie. Après la fête entachée par un faitdivers sanglant, Solange rencontre chez Simon le compositeur américain. Surprise : c'est son bel inconnu. Yvonne retrouve Simon. Maxence, en route pour Paris, est pris en stop par le camion des forains à bord duquel Delphine vient de monter. 1 FILMOGRAPHIE COMPLÈTE Jacques Demy 1951 1955 1959 1959 1960 1961 1962 1963 1966 1968 1970 1971 1973 1978 1980 1982 1985 1988 1988 Les Horizons morts (court métrage de fin d'études) Le Sabotier du Val de Loire (court métrage) Ars (court métrage) La Mère et l'Enfant (court métrage) Lola La Luxure segment du film à sketches Les Sept Péchés Capitaux La Baie des anges Les Parapluies de Cherbourg* Les Demoiselles de Rochefort* Model Shop Peau d'âne* Le Joueur de flûte (The Pied Piper) L'Événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune Lady Oscar La Naissance du jour (téléfilm) Une chambre en ville* Parking* La Table tournante (coréalisé avec Paul Grimault) Trois Places pour le 26* * Les comédies musicales RÉALISATEUR Jacques Demy, un film dans chaque port ph. Agnès Varda Né à Pontchâteau (Loire-Atlantique) le 5 juin 1931, Jacques Demy, fils de garagiste, grandit à Nantes, qui imprègne son imaginaire au point que presque tous ses films se situent dans des villes portuaires. Fou de marionnettes à 7 ans, il acquiert une caméra amateur à 14 ans et fabrique un premier film d'animation et des scénettes de fiction. À 18 ans il monte à Paris où il intègre l' école de cinéma de la rue de Vaugirard. Attiré par les arts plastiques il visite les musées : « La peinture c est ma référence d'origine «1 dira-t-il plus tard. À 18 ans, il monte à Paris où il intègre l'école de cinéma de la rue Vaugirard. À travers deux rencontres s'esquisse une esthétique à deux pôles. D'une part la créativité manuelle : il assiste Paul Grimault sur des dessins animés publicitaires. D'autre part le goût du documentaire : quand il propose à Georges Rouquier le scénario du Sabotier du Val de Loire, le réalisateur de Farrebique le convainc de le tourner lui-même. Comme l'artisan le bois, le cinéaste creuse le temps pour donner naissance à une forme. La poursuite de cette recherche sur la durée dans les plans-séquences du Bel Indifférent (1957) impressionne JeanLuc Godard, critique aux Cahiers du cinéma. Demy fréquente assidûment les « jeunes-turcs « de la Nouvelle Vague, Godard, Truffaut, Chabrol et Rivette. En 1960, Georges de Beauregard, le producteur d'À bout de souffle, finance son premier long métrage, Lola, portrait d'une chanteuse de cabaret nantaise qui attend le retour de son grand amour. Mais pour s'adapter au budget, Demy doit supprimer chant, danse et couleur. Michel Legrand, rencontré après le tournage, signe la musique. C'est le début d'une collaboration fructueuse, et de la « méthode Demy « : le réalisateur se concerte en amont du tournage avec le compositeur et le décorateur. Marxiste, tendance Broadway Sur le tournage des Demoiselles - Ciné-Tamaris 2 1963 est l'année de la maturité. Après le noir et blanc forcé de Lola et de La Baie des anges (1962), sons et couleurs éclatent dans Les Parapluies de Cherbourg. Malgré ses dialogues que Demy disait « en-chantés « et ses références à la guerre d'Algérie, c'est un succès mondial, sélectionné aux Oscars et récompensé par la Palme d'or. Le cinéaste nourrit un espoir balzacien, tourner « 50 films qui seront tous liés les uns aux autres [...] à travers des personnages communs «2. Pour l'heure, il trouve le budget d'une comédie musicale en couleurs, Les Demoiselles de Rochefort. En 1968, Demy s'installe aux États-Unis avec sa compagne, la cinéaste Agnès Varda. Mais l'âge d'or hollywoodien est mort, et Model Shop (1968), dans lequel Lola vivote à Los Angeles, égrène une « histoire d'amour sans amour «3. C'est dans une France de conte de fées (les châteaux de la Loire) que Demy revient tourner son troisième film avec Catherine Deneuve, Peau d'âne, au printemps 1970. L'hommage musical à La Belle et la Bête creuse une thématique présente dès La Luxure (1962) : la menace de l'inceste, que prolongeront Lady Oscar (1978) et Trois Places pour le 26 (1988). Mais après 1973, Demy accumule les échecs, en salle avec L'Événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune, ou avant même le tournage pour un vaste projet russe. Une chambre en ville (1982), passion chantée sur fond de grève, marque le retour de la lutte des classes, estompée depuis Les Parapluies. « Vous êtes un cinéaste marxiste, tendance Broadway «4 : cette remarque des Cahiers souligne le paradoxe d'un cinéma à la fois spectaculaire et taraudé par les inégalités sociales. En 1989, affaibli par la maladie, Jacques Demy guide Varda dans un film inspiré par son enfance, Jacquot de Nantes (1990), qui alterne fiction « d'époque « et extraits de films. Après sa mort le 27 octobre 1990, Les demoiselles ont eu 25 ans (1993) et L'Univers de Jacques Demy (1995) de Varda poursuivent l'évocation d'un cinéaste qui a suivi le conseil de Cocteau : « Tournez. Tournez. Projetez. Projetez-vous hors de vos ténèbres. Surtout n'oubliez pas que le cinématographe est réaliste et que le rêve l'est aussi. «5. 1) Entretien avec Laura Conti cité par Camille Taboulay, Le Cinéma enchanté de Jacques Demy, Paris, Cahiers du cinéma, 1996. 2) Ibidem. 3) J. Demy, dans Michel Delahaye, « Lola in L.A. «, Cahiers du cinéma n° 206, novembre 1968. 4) Thierry Clech, Frédéric Strauss et Serge Toubiana, « D'un port à l'autre, entretien avec Jacques Demy «, Cahiers du cinéma, n° 414, décembre 1988. 5) Jean Cocteau, La Gazette des lettres, 1948, cité par A. de Baecque, Godard, biographie, Grasset, 2010. FILMOGRAPHIES Sélection de films non cités dans le texte ACTRICES Les soeurs Dorléac, fausses jumelles de cinéma Françoise Dorléac (21 mars 1942 - 26 juin 1967) La Peau douce - MK2 1960 Ce soir ou jamais de Michel Deville 1962 Arsène Lupin contre Arsène Lupin d'Édouard Molinaro 1964 La Chasse à l'homme d'Édouard Molinaro La Ronde de Roger Vadim 1967 Un cerveau d'un milliard de dollars de Ken Russell Les Parapluies de Cherbourg - Ciné-Tamaris « Je m'appelle Françoise Dorléac. J'ai 24 ans. Je mesure 1 m 72. J'ai tourné dix films. - Je m'appelle Catherine Dorléac, mais j'ai pris pour pseudonyme le nom de jeune fille de ma mère, qui est Deneuve. J'ai 22 ans et demi. Je mesure 1 m 70. J'ai tourné quatorze films. - Comment, ma vieille, tu as fait plus de films que moi ? - Cela signifie simplement que j'ai fait plus de c... «1. Ainsi commençait un entretien avec les soeurs Dorléac sur le tournage des Demoiselles. L'émulation ludique conjure la rivalité entre deux soeurs d'une fratrie de quatre. De même que Delphine et Solange ont un rapport à l'amour qui idéal, qui impromptu, Françoise et Catherine révèlent des tempéraments aussi opposés que leurs voix, diaphane et presque sourde pour la cadette, puissante et sensuelle pour l'aînée (un contraste que Demy a parfaitement maintenu dans le choix des chanteuses qui les doublent dans Les Demoiselles). Françoise danse (elle jouera pourtant la musicienne du film), Catherine pas (le coaching londonien ne lui ôtera pas une certaine raideur). Élève au Conservatoire, Françoise affirme sa vocation avec une énergie stakhanoviste, enchaînant pièces (Gigi d'après Colette) et films (Tout l'or du monde de René Clair). Engagée dans Les portes claquent de M. Fermaud et J. Poitrenaud (1960), elle suggère Catherine, 15 ans, pour jouer sa soeur. En 1966, lorsque Demy les réunit à nouveau à l'écran, Dorléac vient d'ajouter à sa filmographie internationale le succès de L'Homme de Rio (P. de Broca), La Peau douce de F Truffaut et Cul-de-sac de R. Polanski. Elle ignore que le film . de Demy sera son avant-dernier : elle meurt dans un accident de voiture le 26 juin 1967. Dans un hommage écrit, Truffaut souligne le contraste entre sa « personnalité forte, éventuellement autoritaire « et son « physique fragile et romantique «2. Vierge mythique, épouse perverse Ironie du sort, Catherine, qui n'a jamais eu le désir de jouer, a rattrapé sa soeur dès l'immense succès des Parapluies de Cherbourg, Palme d'or à Cannes où La Peau douce est snobé. Actrice par hasard, elle se prend au jeu ; c'est en effet comme un jeu avec des règles strictes qu'elle décrit Les Parapluies de Cherbourg, où chaque geste est minuté en fonction de la bande-son. Elle tourne deux autres films avec Demy (dont Peau d'âne, 1970). Malgré cette fidélité, elle n'a pas eu le temps de se laisser enfermer dans le « Demy-monde «. Roman Polanski, « qui le premier a senti une potentialité de violence en moi «3, la choisit pour Répulsion (1966). Par la suite, les cinéastes étrangers privilégient le contre-emploi avec son apparente ingénuité. La « vierge mythique « (dixit le Maxence des Demoiselles) oscille entre innocence et perversion chez Luis Buñuel (Belle de jour, 1967, Tristana, 1970) et chez Dino Risi, Marco Ferreri ou Mauro Bolognini. En France, Deneuve noue une amitié fidèle avec François Truffaut malgré l'échec de La Sirène du Mississippi (1969). Le cinéaste théorise sur le débit ultrarapide des soeurs Dorléac (« il y avait une telle concurrence pour placer un mot dans les conversations familiales qu'il y avait eu une accélération «4). De lui, Deneuve apprend la stylisation des gestes et l'importance du son. Dès 1969, Truffaut repère dans son regard une lucidité et une sévérité qui l'amènent dix ans plus tard à lui proposer le rôle de l'autoritaire Marion Steiner, directrice de théâtre dans Paris occupé : Le Dernier Métro marque un tournant. Elle reçoit dès lors des propositions plus audacieuses. Parmi elles, Hôtel des Amériques d'André Téchiné, avec qui elle n'a cessé de tourner jusqu'à La Fille du RER (2009). À partir des années 1990, elle jouit d'un statut unique en France : vedette de grosses productions (Indochine de Régis Wargnier, 8 Femmes de François Ozon), elle accepte ou suscite des projets plus expérimentaux avec des cinéastes de sa génération (Raoul Ruiz, Philippe Garrel) ou plus jeunes (Lars von Trier, Léos Carax, Arnaud Desplechin). Est-ce sa carrière initiée malgré elle qui confère à Deneuve la « neutralité « d'un « vase dans lequel on peut mettre toutes les fleurs « (Truffaut) ? 1) L'Express, 4 juillet 1966. 2) « Elle s'appelait Françoise... «, Cahiers du cinéma n° 200-201, avril 1968, repris dans Le Plaisir des yeux [1987], Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma, 2000. 3) Entretien de 1984 cité sur le site www.toutsurdeneuve.com 4) Ibidem. Catherine Deneuve (22 octobre 1943) 1966 Les Créatures d'Agnès Varda 1968 La Chamade d'Alain Cavalier 1972 Un flic de Jean-Pierre Melville Liza de Marco Ferreri 1973 L'Événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune de Jacques Demy 1974 Touche pas à la femme blanche de Marco Ferreri 1975 La Grande Bourgeoise de Mauro Bolognini 1976 La Cité des dangers de Robert Aldrich 1977 Les Âmes perdues de Dino Risi 1986 Le Lieu du crime d'André Téchiné Pourvu que ce soit une fille de Mario Monicelli 1993 Ma Saison préférée d'André Téchiné 1995 Le Couvent de Manoel de Oliveira Les Cent et une nuits d'Agnès Varda 1996 Les Voleurs d'André Téchiné 1999 Le Temps retrouvé de Raoul Ruiz Pola X de Leos Carax Le Vent de la nuit de Philippe Garrel 2000 Dancer in the Dark de Lars von Trier Je rentre à la maison de Manoel de Oliveira 2004 Rois et Reine d'Arnaud Desplechin 2008 Un conte de Noël d'Arnaud Desplechin 3 Document GENÈSE Le dur labeur de la joie Jacques Demy et Michel Legrand - Ciné-Tamaris La place de Rochefort vue du ciel et l'organisation de l'espace dessinée par Jacques Demy - Ciné-Tamaris. Entre jardin à la française et métropole américaine, l'architecture militaire de Rochefort convient aux chassés-croisés et aux ballets des Demoiselles. Le café Garnier, un décor de verre tout en transparence, est érigé sur la place Colbert. Il fonctionne comme un prisme, un point de rencontre. Autour, dans le sens des aiguilles d'une montre, l'appartement des jumelles (en haut à gauche), l'école, le magasin de musique, la maison de l'assassin, la partie de la place où a lieu la kermesse, et la caserne aperçue au début du film. 4 En 1960, Lola, écrit comme une comédie musicale, avait dû être tourné faute d'argent sans prise de son sur le tournage, sans danse ni couleur. En 1964, grâce au succès des Parapluies de Cherbourg, sa productrice Mag Bodard peut donner à Demy les moyens d'une vraie comédie musicale. Six millions de nouveaux francs, le budget est considérable quoique cinq fois moindre qu'à Hollywood. La participation de Gene Kelly permet un cofinancement américain qui impose à Demy de tourner simultanément deux versions, française et anglaise. À l'été 1964, Demy esquisse le scénario de ce qu'il intitule encore Boubou. Sur la couverture, un proverbe de son cru : « Un film léger parlant de choses graves vaut mieux qu'un film grave parlant de choses légères «. Le fil conducteur sera donc « LA JOIE «1. Comment la traduire musicalement ? Pour le compositeur Michel Legrand, qui s'attelle très tôt aux airs, « Écrire des choses joyeuses a été un vrai martyre, ça a été très douloureux pour trouver ce ton... «2. La joie demande aussi maints efforts au décorateur Bernard Evein. L'équipe repeint 40 000 m2 de façades à Rochefort, ville choisie par Demy pour son architecture militaire propice à l'ordonnancement des ballets. Bientôt, Demy doit abandonner l'idée de faire revenir des personnages de ses films précédents à la manière d'une Comédie humaine : Nino Castelnuovo, le Guy des Parapluies, ne pourra pas jouer le forain Bill. Lola, évoquée dans Les Parapluies, ne subsiste dans Les Demoiselles qu'à l'état... fragmentaire : la LolaLola coupée en morceaux. Pour ses demoiselles, Demy songe d'abord à associer la blonde Brigitte Bardot à une brune, Géraldine Chaplin ou Audrey Hepburn. Mais il note dans son cahier : « Les deux soeurs peuvent être jouées par les petites Dorléac. « Pour Yvonne, il choisit Danielle Darrieux, inoubliable interprète de Madame de... et du Plaisir de Max Ophuls, à qui Lola était dédié. Elle chantera elle-même ses chansons, contrairement aux autres acteurs, convoqués aux enregistrements afin « qu'ils parlent avec les chanteurs, qu'ils leurs demandent [...] quand ils respirent, de façon à ce que tout puisse s'intégrer, se fondre. «3 Quant aux danseurs, la tradition de Broadway n'ayant pas cours en France, Demy auditionne à Londres. Inventer sur (la) place Après six mois de travail sur le scénario et la musique, le tournage commence le 31 mai 1966. Il s'achèvera le 31 août. Demy ne détermine les angles et mouvements de caméra qu'une fois sur le plateau : « J'écris un film comme une pièce de théâtre : seulement le dialogue et les lieux, pas d'indication technique, je ne fais pas de découpage, je préfère inventer sur place. À l'écriture je ne pense jamais : travelling, panoramique... «4. Catherine Deneuve se souvient d'un tournage joyeux mais très exigeant, surtout pour les danseurs. Le film sort le 8 mars 1967. « Evénement du mois « selon L'Express, alors que sortent aussi Mouchette de Robert Bresson et Deux ou Trois Choses que je sais d'elle de Jean-Luc Godard, Les Demoiselles trouve son public. Mais en marge d'une presse enthousiaste de nombreux critiques prennent sa joie pour de la mièvrerie : « rêve en bleu pastel et rose bonbon, en flonflons et entrechats... «5 La presse ignore alors que ...

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