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Des fleurs fanées

Publié le 25/04/2011

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Selon votre préférence, résumez le texte suivant en respectant son mouvement, ou bien analysez-le, en distinguant et ordonnant les thèmes et en vous attachant à rendre compte de leurs rapports.    Après ce résumé ou cette analyse, vous dégagerez du texte un problème auquel vous attachez un intérêt particulier : vous en préciserez les données, vous les discuterez s'il y a lieu et vous exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.    Des fleurs fanées    La France, on l'a dit souvent, est en grande mue, en pleine transformation. Depuis cinq ou dix ans, ses villes, ses paysages, son visage en un mot ont plus changé qu'au fil des cinquante, des cent années précédentes. Que des bouleversements aussi rapides et profonds la défigurent et commandent qu'on s'indigne, ou au contraire qu'ils l'embellissent, la rajeunissent et engagent à s'extasier, c'est une autre affaire.    A vrai dire, ces changements-là, comme tous et toujours, dérangent et ils inclinent tout naturellement à regretter ce qu'ils détruisent, à défendre ce qu'ils menacent, bien plus qu'à apprécier ce qu'ils apportent. Et puis, il faut en convenir, le sentiment d'être ainsi happé par un mouvement que personne ne contrôle plus, entraîné par une sorte de fatalité que nul ne parvient à dominer, n'incite guère à la sérénité ni à la mesure dans le jugement.    Les Français changent également, et vite, et beaucoup. Leur système de vie et de pensée, leur vision du monde, des autres et d'eux-mêmes, leurs mœurs et leurs croyances, leurs traditions et leurs espérances, sont bousculés, renversés, parfois même carrément inversés.    Là encore, les uns acceptent de bonne grâce, voire avec plaisir, ces révisions déchirantes; d'autres, au contraire, et c'est humain, s'arc-boutent de toutes leurs forces à ce qui fut, refusent.et même maudissent ce qui vient. Mais c'est un fait que, pour tous, tout bouge à la tois : le décor autour d'eux, leurs habitudes les plus enracinées, leurs idées les plus solidement ancrées.    Comment leur caractère, leur attitude, leur humeur ne s'en ressentiraient-ils pas?    Mettez un volant entre les mains d'un homme habituellement calme et courtois, il devient, c'est bien connu, un loup enragé. Donnez un képi, un sifflet et un bâton blanc à un garçon pacifique, et le voilà aussitôt rogue, impérieux, tyrannique; et c'est encore une chance qu'on ne luf confie pas un revolver pour régler la circulation ou distribuer des contraventions : il en est qui tireraient à la moindre algarade.    Bien sûr, ce n'est pas nouveau : il y a toujours eu des automobilistes hargneux et des agents autoritaires; et pas plus aujourd'hui qu'hier, tous les conducteurs et tous les policiers ne sont, Dieu merci, de cette espèce. Simplement, les furieux et les brutes sont, semble-t-il, de plus en plus nombreux et de plus en plus bruyants.    Oui, nous sommes entrés dans un monde dur, où les rapports humains sont régis de plus en plus par l'égoïsme, la nervosité, la sécheresse, et conduisent de plus en plus fréquemment à l'agressivité, à la brutalité, à la violence. Le caractère des Français tend à s'aigrir, leur attitude se durcit, leur humeur se gâte, ils deviennent vindicatifs, brutaux, méchants.    Certes, tout cela n'est rien au regard des drames et des tragédies qui secouent la planète : à peine un froncement de sourcils, est-ce que cela pèse en face des guerres et des révolutions, des oppressions et des répressions, des famines et des crimes? Qu'un peuple perde ainsi quelques-unes des qualités qui faisaient son charme, qu'un pays abandonne un peu de ce qui faisait la douceur d'y vivre, cela ne compte guère.    Pourtant, la vie en France était dominée traditionnellement par deux idées qui la soutenaient comme les poutres maîtresses tiennent debout l'édifice : l'idée d'équilibre, l'idée de civilisation. Ne pas déranger le rythme sacré de la vie. Pousser aussi loin que possible l'harmonie entre les êtres et avec les choses. Certes, c'étaient là parfois de commodes alibis pour les classes dominantes, d'exquis concepts réservés aux plus cultivés et aux plus favorisés. Mais aujourd'hui l'équilibre est menacé et la civilisation semble plutôt s'éloigner.    « Les Français ont en eux quelque chose de poli et de galant que n'ont pas les autres nations «, assurait Molière (1). « On dit que l'homme est un animal sociable «, exposait Montesquieu : « sur ce pied-là, il me paraît que le Français est plus homme qu'un autre, c'est l'homme par excellence, car il me semble être fait uniquement pour la société (2) «. Concluant une étude sur notre pays, deux gros volumes publiés en 1935-1937, simultanément en France et en Allemagne, un écrivain d'outre-Rhin, Paul Distel-barth, allait plus loin encore : « Ainsi est fait, écrivait-il, le peuple de France : sociable, accueillant, gai, modeste, pacifique, humain (1). «    Que de fleurs!... Hélas, elles sont fanées...    P. Viansson-Ponte, Le Monde. 30 décembre 1973    (1) Le Sicilien ou l'Amour peintre.    (2) Lettres persanes.   

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