Le Désert des Tartares
Publié le 28/03/2013
Extrait du document
Le Désert des Tartares est paru en France en 1949, deux ans avant Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq. Tous deux sont des romans militaires qui content la même histoire d'un officier qui perd son temps dans l'attente improbable d'une guerre à faire.
«
...
l'amour domestique
pour les murs quoti diens.
~------- EXTRAITS
A son arrivée au fort, Drogo,
encore libre et inconscient du poids
de la routine, observe et analyse
le comportement de ses compagnons
du fort
C'est du désert du Nord que devait leur
venir leur chance, l'aventure, l'heure mira
culeuse qui sonne une fois au moins pour
chacun .
A cause
de cette vague éventualité
qui , avec
le temps , semblait se faire toujours
plus incertaine, des hommes faits consu
maient
ici la meilleure part de leur vie.
Ils ne s'étaient pas
adaptés à l' exis
tence commune,
aux joies de tout le
monde, au destin
moyen ; côte à
côte, ils vivaient
avec la même espé
rance, sans jamais
parler de celle-ci,
parce qu'ils n'en
étaient pas cons
cients ou, tout sim
ple me nt, parce
qu'ils étaient des
soldats avec la
jalouse pudeur de
leur
âme.( .
.
.)
Drogo avait compris leur facile secret et il
pensa avec soulagement qu'il était en
dehors, spectateur non contaminé.
Dans
quatre mois, grâce à Dieu, il les quitterait
pour toujours.
Les obscurs attraits de
la
vieille bâtisse s'étaient ridiculement éva
nouis.
Voilà ce
qu'il pensait .
Mais pour
quoi le petit vieux continuait-il de le
regarder fixement avec cette expression
ambiguë
? P ourquoi Drogo éprouvait-il le
désir de siffloter un peu , de boire du vin,
de sortir au grand air ? Peut-être pour se
prouver à lui-même qu'il était vraiment
libre et tranquille
?
Drogo essaie d'analyser les raisons
qui
le retiennent au fort
Dro go a décidé de rester, retenu au fort
par un désir, mais aussi par autre chose :
!'héroïque pensée n'eût peut-être pas suffi
à
une aussi grande décision.
Pour le
moment, il croit avoir fait une chose noble,
et,
de bonne foi, il s'en étonne, se décou
vrant meilleur
qu'il ne le croyait.
C'est
seulement plusieurs mois plus tard que,
regardant derrière lui, il reconnaîtra les
misérables choses qui le lient au fort.
(.
..
)
Il y avait déjà en lui
la torpeur des habi
tudes,
la vanité militaire, !'amour domes
tique pour les murs quotidiens.
Au rythme
monotone du service , quatre mois avaient
suffi pour !'engluer.
De temps en temps, le narrateur
analyse l'effet de la fuite du temps
Cependant , le temps passait , toujours plus
rapide ; son rythme silencieux scande la
vie , on ne peut s'arrêter même un seul ins
tant , même pas pour jeter un
coup d' œil en arnere.
« Arrête ! Arrête ! » voudrait-on
crier , mais on se rend compte
que
c'est inutile.
Tout s'enfuit,
les hommes , les saisons, les
nuages ; et il est inutile de
s '
agripper aux pierres, de se
cramponner au sommet d'un
quelconque rocher, les doigts
fatigués se desserrent, les bras
retombent inertes, on
est tou
jours entraîné dans ce fleuve qui
semble lent, mais qui ne s'arrête
jamais.De jour en jour, Drogo sentait aug
menter cette mystérieuse désagrégation, et
en vain cherchait -il à
s'y opposer .
Dans la
vie uniforme du fort, les points de repère
lui faisaient défaut et les heures lui échap
paient avant qu'il eût réussi à les compter.
T.F Michel Arnaud, éd.
R.
Laffont, 1949
Cependant, le temps
passait, toujours plus
rapide ...
NOTES DE L'ÉDITEUR
Dino Buzzati, écrivain italien, est né à
Belluno en
1906.
Après des études de droit
à Milan, où son père est professeur de droit
international,
il se tourne vers la littérature
et écrit des poèmes.
A vingt-deux ans, il est
nommé correspondant du
Corriere della
Sera
en Éthiopie, puis correspondant de
guerre dans la marine.
Son premier roman
est
Le Désert des Tartares, paru en 1940; il
obtient un immense succès.
Parallèlement,
Dino Buzzati consacre son temps à la peinture
; il expose régulièrement à
Paris.
Il
meurt à Milan en 1972.
«C 'est un livre d'une grandeur exception
nelle non seulement dans la littérature ita
lienne actuelle, mais même dans la littéra
ture mondiale.
Peut-être faut-il remonter
jusqu'au Château et jusqu'au Procès
(Kafka) pour trouver une interrogation
aussi dramatique et aussi passionnée (
...
)
sur la fatalité du destin humain .
»
Le fort Bastiani n'est pas localisé .
Il faut
de s journées de cheval depuis la ville pour
l'atteindre alors que, pourtant
,on le voit de
la
ville: c'est un mirage.
A l'ab surdit é du
temps qui passe, Buzzati ajoute l'absurdité
d
'un lieu véridique et illusoire à la fois.
Isolé dans l'espace,
à 30 kilomètres du
village le plus proche, le fort est le lieu de
tous les possible s
et de tous les rêves.
- Marcel Brion,
L' Art fantastique .
Photo (a) AFP ; (b , c, d) illustra tions de Gu y Mich e l B UZZATI 02.
»
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