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Le désir mimétique selon Girard

Publié le 05/01/2011

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girard
« En observant les hommes autour de nous, on s’aperçoit vite que le désir mimétique, ou imitation désirante, domine aussi bien nos gestes les plus infimes que l’essentiel de nos vies». C'est Ainsi que René Girard nous présente cette notion nouvelle de désir mimétique. Selon lui, tout nos désir sont régis par une imitation des actions d'autrui, une recherche de plénitude d'être en nous calquant sur la manière avec laquelle un certain modèle semble atteindre ladite plénitude. Le texte présenté ici, extrait de La violence et du Sacré nous invite à nous poser bon nombre de questions. Quelle est la nature première du désir ? Quels sont les mécanismes qui nous poussent à désirer ? Le désir est-il toujours imitation de l'action d'autrui ? Avons nous besoin d'autrui pour désirer ? Enfin, le désir mimétique est-il au service de l'harmonie ou bien du chaos ?
Le sujet nous invite donc à débattre sur la question même du désir mimétique et de tenter de comprendre son importance dans les relations humaines, autrement dit entre les relations entre le sujet et autrui. Aussi la notion de désir mimétique est-elle ambiguë : Le désir est-il essentiellement mimétique, se claque-il toujours sur un désir modèle et quelles sont ses conséquences sur la société?
Dans un premier temps, il s'agira d'étudier la manière avec laquelle Girard a présenté le désir mimétique, en expliquant ses fondements et ses mécanismes. Ensuite, il sera question d'aborder l'hypothèse d'une mimésis qui s'étend à tout les sujets et qui est finalement le moteur même du désir. Enfin, nous allons avec l'auteur nous demander si cette recherche du même et du semblable ne peut-elle pas dans certains cas être dangereuse et menaçante de l'harmonie.
 
 
 
Avant de parler de désir mimétique, il faut expliquer ce qu'est le désir. Ce que réussi à faire rapidement Girard en posant quelques questions qu'il était important de soulever. L'homme est-il un être originairement désirant ? Le désir est-il inhérent à chaque homme qu'il soit conscient ou inconscient ? René Girard commence d'abord par exposer les bases des théories sur le désir pour les réfuter ensuite. Ainsi, il met avant les hypothèses de ses prédécesseurs et la première serait que l'homme connaitrait l'objet qu'il désire. Il y aurait donc une relation objective entre le sujet désirant et l'objet désiré. Par exemple, j'aime la pomme car j'aime son goût, il n'y a rien entre moi et la pomme, et donc mon désir de la pomme est direct. En revanche, dans le cas où l'homme serait incapable de savoir ce qu'il désire, il existerait alors des mécanismes inconscients qui lui permettent de désirer et de savoir ce dont il a besoin comme l'a d'ailleurs expliqué Descartes dans son exemple de la petite fille qui louche. Effectivement, on peut être intéressé par un trait particulier de la personnalité de quelqu'un sans se rendre compte que c'est ce trait-ci qui nous intéresse. Par exemple, je peux aimer les femmes maigres car ma nourrisse l'était, et je ne me rends qu'après longue réflexion de l'influence de la forme de la nourrisse sur mes gouts d'aujourd'hui. Ceci apparaît dans le textes aux lignes 1 à 3 : « L'homme un être qui sait parfaitement ce qu'il désire, ou qui, s'il paraît ne pas le savoir, a toujours un « inconscient » qui le sait pour lui ». L'auteur confirme donc ici la théorie selon laquelle on est connaissant, inconsciemment ou consciemment de l'objet désiré. Ensuite, L'auteur nous parle du désir comme originaire d'un manque, d'un besoin, d'une privation, ou encore de quelque chose dont nous souhaitons être pourvus, mais que nous ne pouvons atteindre. Cette pensée, empruntée au Banquet de Platon est mise en exergue aux lignes 5 à 6 : « C'est l'être qu'il désire, dont il se sent privé et dont quelqu'un d'autre lui paraît pourvu ». Par exemple, dans notre société de consommation, les ménages rivalisent sur les objets qu'ils possèdent et cherchent à avoir toujours plus et mieux que leurs voisins (réfrigérateur, voiture). Aussi, et contrairement à ce qu'avance nombre d'auteurs, L'homme n'est pas certain de ce qu'il désire, il ne sait pas ce qu'il faut désirer : il doit être guidé. Comment l'homme peut-il savoir ce qu'il faut désirer et comment peut-il sortir de « 'incertitude humaine la plus flagrante » ? C'est ici, que Girard apporte un concept nouveau, qui synthétise et ajoute sur ce que a été dit au par avant : Le désir mimétique. En réalité, c'est en contemplant le plaisir qu'a autrui en possession de l'être que l'on n'a pas, que l'autre est placé au dessus de nous comme un guide. Cet autre devient donc un modèle auquel il faut avoir recours pour gouter au désir et donc à terme atteindre pour reprendre les mots de Girard « une plénitude d'être encore plus totale ». Par exemple, quand on voit notre voisin jouir des plaisirs de la possession d'une voiture, qui lui permet de rétracter l'espace et le temps, on veut posséder cet objet pour pouvoir jouir nous aussi des avantages qu'il procure. Aussi, comment ce guide fait-il pour nous permettre de désirer ce que lui il désire ? Ce n'est pas avec la parole que le pouvoir de conviction de l'être désirant s'opère. En effet, c'est par le simple désir que le modèle aura pour un objet, que le sujet va être poussé à désirer l'objet. Nul besoin de communiquer sur l'objet désiré : il suffit de voir que celui que l'on tient au dessus de nous désire quelque chose pour que nous aussi nous la désirions. Ainsi : « Ce n'est pas par des paroles, c'est par son propre désir que le modèle désigne l'objet suprêmement désirable » écrit René Girard aux lignes 10 et 11. Eu égard à cet extrait, le désir est non plus une relation entre un sujet et un objet, mais une relation triangulaire entre un sujet un modèle et un objet. Le modèle étant ce qui permet d'accéder au désir.
Il se pose ensuite la question de savoir si le désir mimétique est une condition du monde moderne, ou bien seulement un épiphénomène. Le désir mimétique s'observe avec évidence chez l'enfant. En effet, on peut constater chez chaque enfant l'envie d'avoir le même objet que son pair, suffit-il d'observer un petit garçon dans un supermarché pour s'en rendre compte. Cette évidence est clairement montrée par l'auteur qui ne s'y attarde pas « le mimétisme du désire enfantin est clairement reconnu ». Mais qu'en est-il du mimétisme du désir adulte ? Selon Girard le mimétisme est inhérent à tout homme, qu'il soit adulte ou enfant. La seule différence entre ces deux sujets c'est que l'un assume le mimétisme et l'autre non. En effet, L'adulte refuse de se considérer comme un sujet qui imite : quel homme avoue ne pas être indépendant et libre, et quel homme abandonne qu'il ne fait une chose ou l'autre que parce que ses pairs font la même chose ? Pierre dit-il qu'il achète une voiture seulement parce que Paul en a une ? Non, il est rare que pareille chose puisse être observée car chaque personne se revendique comme étant unique, aux choix propres et libres. Ainsi on se retrouve dans une société d'adulte où chacun essaye de cacher son manque d'être, où chacun cache qu'il a besoin d'un modèle pour pouvoir désirer et posséder et qu'enfin chaque décision est modelée sur la décision d'autrui. Autrement dit, une société où chacun refuse que son désir ne soit que le calque du désir d'autrui. De fait, Girard écrit aux lignes 18 à 21 que L'homme adulte « A honte, de se modeler sur autrui; il a peur de révéler son manque d'être. Il se déclare hautement satisfait de lui même, il se présente en modèle aux autre; chacun va répétant « imitez-moi » afin de dissimuler sa propre imitation. » Quelque soit la situation, le désir est donc fondamentalement mimétique. On imite le modèle pour pouvoir accéder à l'objet désiré et finalement au bonheur et à la plénitude.
Cependant, le désir est-il toujours dans son mimétisme source de bonheur et d'harmonie ? La confrontation de plusieurs désirs ne peut-elle pas à terme nuire aux désireux ? La réponse de Girard est que si l'on aspire au même désir que notre modèle, alors celui-ci devient un obstacle. En effet, dans notre recherche de l'objet désiré nous allons être en conflit avec avec un autre sujet désirant. Par exemple, si je désire une femme mariée, je risque fort d'être en conflit avec son mari qui la désire tout autant que moi. De cette manière l'idée d'harmonie dans la mimésis est tout aussi bien réfutable comme tend a l'expliquer implicitement René Girard dans son dernier paragraphe. Si le désir mimétique est source de rivalité, rares sont les hommes qui la voient. Ils sont « aveugles » et ne voient pas que la source de leurs conflits avec leurs pairs réside dans le fait qu'ils recherchent la même choses qu'eux. Par exemple deux pays qui se font conflit pour une ressource naturelle, se battent car ils ont tout deux le désir d'accéder à cette ressource naturelle. Ainsi, on pourrait se demander avec l'auteur si le « même, le semblable » dans les rapports humains est contrairement à ce que prônent nombre de pensées utopiques quelque chose de positif. En effet, imaginons que l'on soit tous égaux, nous serions fondamentalement égaux devant le désir. Aussi, si nous avons les mêmes désirs, nous pouvons par cela avoir les mêmes choix et donc déboucher sur une entente. Par exemple, je décide de voter pour un politique et que mon modèle en décide ainsi aussi, ça ne peut être négatif. En revanche, dans un autre cas on peut penser que cela est générateur de conflit et de chaos et donc à terme dangereux. La recherche de l'harmonie est en fait le meilleur moyen de la briser, et c'est ce qui pourrait se passer si nous avions les mêmes désirs comme expliqué par Orwell dans 1984. Le désir mimétique est donc finalement un désir de conflit et de combat entre les sujets et les modèles. C'est en bref une recherche de supériorité par rapport à autrui. Alors qu'on pourrait penser que cette recherche du même est positive, il en ressort qu'il n'en est rien et qu'elle est au contraire dangereuse.
 
 
 
Dans le texte présenté ici, René Girard fait référence à plusieurs notion et concepts qu'il est peut-être important de présenter; Tout d'abord, il nous parle du désir comme étant un manque. Souvenons-nous du Banquet de Platon, où six discours faisant l'éloge d'Éros sont présentés. Aristophane, qui pour une rare occasion arbore un discours sérieux, présente le mythe de l'Androgyne. En effet, il est dit que les hommes étaient autrefois doubles et qu'ils ont à cause de leur vanité été coupés en deux par Zeus. Ainsi, le désir amoureux qui existe entre les hommes résiderait dans cette recherche de notre autre moitié, fut-elle mâle ou femelle. Dans la même Œuvre, Diotime prend parole à travers Socrate et nous explique quelle est la nature réelle de cet Éros qui avait été présenté comme un Dieu. Il serait né selon la prêtresse de l'union entre l'indigence et l'opulence, il n'est donc pas un Dieu mais un Daimon, cet à dire un dieu intermédiaire. Le désir dans le sens d'Éros serait donc selon Diotime et par cela Socrate entre la richesse et la pauvreté, entre ce que l'on possède et ce que l'on ne possède pas, bref il est dans la recherche de ce que nous n'avons pas comme l'exprime Girard dans le premier paragraphe. Cet idée de Dieu intermédiaire est d'autant plus intéressante si elle est mise en regard avec ce que l'auteur appelle le désir triangulaire. Ce désir consiste en l'introduction d'un intermédiaire; un troisième sujet mis à part le désirant et le désiré. C'est un modèle qui nous guide vers l'être à désirer. En outre, le Daimon est non seulement un dieu intermédiaire, mais aussi un intermédiaire entre les hommes et les dieux. Ainsi, quand avec Platon on considère que le désir ultime serait celui d'immortalité, alors le Daimon Éros serait le moyen, le modèle que peuvent suivre les hommes pour atteindre cette plénitude de l'être ultime. L'homme a donc besoin de quelqu'un d'extérieur qui désire quelque chose pour être guidé dans son désir car il est incertain. L'individu ne sait pas quoi faire car il est en réalité perdu dans le monde sans autrui pour le guider. En effet, on peut penser à Robinson qui sans autrui était complètement perdu dans l'ile où il s'était échoué. La raison de cette perte est que le sujet a besoin d'autrui pour ouvrir de nouvelles lumières sur le monde, de voir autre chose que ce qu'il voit en réalité et d'accéder à une structure du possible comme l'expliquera Gilles Deleuze dans La logique du sens. En effet, l'homme a besoin d'autrui pour que le monde autre que celui qu'il connait par le biais de ses sens puisse exister : autrui est comme un projecteur qui éclaire plusieurs lieux et qui nous rassure de leurs possible existence. Ainsi, je sais que le France existe seulement parce que je sais que des personnes autres que moi y vivent. On pourrait donc, pour se rapprocher du texte penser qu'autrui est aussi une structure du désir possible : plusieurs objet sont désirés grâce à autrui car il nous ouvre des voies vers des désirs qui lui sont propres, ou qu'il s'est approprié à partir d'individus tiers. Le noir qui constituerait l'incertitude du désir disparaît peu à peu car on a un modèle qui nous guide, mène nos désirs et les fait converger vers les siens. Par exemple, quel français serait un inconditionné des Sushi si il n'avait pas vu ce désir chez un Japonais ? Dans ce désir triangulaire, il ressort que les relations entre désirant, sujet et objet désiré sont harmonieuse, car tout le monde tend vers un même idéal. Mais désirer les mêmes choses est-ce quelque chose de réellement positif ? Qu'en est-il si il y a un rapprochement entre le désirant et le modèle ? On constate que les sujets qui convergent vers les mêmes objets se font obstacles, qu'un conflit apparaît entre eux. Le sujet désirant s'attend au départ à être guidé par le modèle, mais en réalité il est rejeté par ce dernier qui se présente alors comme un obstacle. C'est ce que Girard appelle la « scandalisation ». Si l'on prend l'origine grecque du mot : « skándalon », scandaliser c'est lancer un piège sur le chemin pour faire trébucher. En effet, on constate dans notre société moderne et plus particulièrement en bureaucratie que l'accomplissement personnel et primé par rapport à l'efficacité collective. Alors que l'on pourrait tous travailler ensemble pour une meilleure productivité, le désir de pouvoir de chacun oblige les individus à faire de la rétention d'information, à handicaper leurs collègues, bref à « se mettre des bâtons dans les roues » pour assouvir leur soif de pouvoir et pour empêcher leurs collègues d'assouvir la leur comme l'a très bien expliqué le sociologue Michel Crozier. Finalement, avoir les mêmes goûts, les mêmes aspirations, les mêmes désirs, c'est entrer dans le mimétisme conflictuel et donc se séparer au lieu de s'unir autour de mêmes désirs. Ainsi, le constat que l'on peut apporter est que dans notre monde moderne, contrairement à ce qu'a expliqué Platon dans son Banquet, l'Éros ne nous mène pas vers le bonheur, il nous rend au contraire plus malheureux. Effectivement, on sera plus malheureux que nos modèle-obstacles qui ont plus de plénitude que nous. Ainsi, nous entrons dans un combat perpétuel pour atteindre une richesse d'être. Par exemple, le monde capitaliste permet de brosser l'image du malheur inhérent à chaque homme dans sa recherche du profit. On est pauvre en bonheur car l'on sait qu'il existe plus profitable que nous et que même si on arrive au niveau que notre modèle-obstacle, il y aura un nouveau désir qui va naitre à la vue d'un nouveau modèle-obstacle qui va nous rendre encore plus malheureux. C'est ici que l'expression de rejet et de peur qui suit la satisfaction de « nos besoins primordiaux » prend toute son ampleur : « et après » se dit-on après avoir accomplit notre désir. On pensait en effet pouvoir être heureux, avoir touché l'objet mais il n'en est rien. Nous sommes perdus, nous ne savons plus quoi désirer et il nous faut chercher à imiter pour désirer de nouveau. Aussi, la recherche acharnée du désir peut-elle nous faire oublier l'objet même que l'on désire. Nous n'allons non plus désirer un objet, mais seulement désirer ce que désire le modèle-obstacle et le dépasser : il en ressort que paradoxalement, l'objet n'est pas essentiel au désir. D'autres questions se posent alors, sommes nous libres si nous ne sommes qu'êtres imitateurs ? La première réponse serait de dire que l'on n'est aucunement maitre de nos désirs et qu'ils sont, pour suivre la théorie girardienne, dictés par des individus tiers, comme on le remarque dans Don Quichotte. En effet, le personnage éponyme de Cervantès, renonce en faveur d'Amadis de Gaule à la prérogative fondamentale de l'individu : il ne choisit plus les objets de son désir, c'est Amadis qui le fait pour lui. Ainsi, d'un point de vue anthropologique, il ressort que l'homme est un être fondamentalement imitateur, mais ceci ne menace-t-il pas l'essence de l'Homme, qui par nature, est un être innovant ? Girard apporte lui même une réponse à cette question. Selon lui, il existerait un «moi autonome » capable de prendre des décisions et de décider par lui même. Ce moi autonome serait notre conscience immédiate qui nous distingue des animaux et qui nous permettrait d'avoir des choix raisonnables. Mais la dans plus part des cas et Girard le dit, le désir mimétique prend le dessus sur le « moi autonome » : « Je ne dis pas qu'il y a pas de moi autonome. Je dis que les possibilités de moi autonome, d'une certaine manière, sont presque toujours recouvertes par le désir mimétique et par un faux individualisme ». Par exemple, si j'aime la musique, c'est parce que j'ai choisi de manière autonome d'aimer le son des notes dan mon oreille, mais si j'aime la musique classique c'est pour imiter le désir d'un de mes pairs. Nous sommes donc des être qui s'imitent, et qui dans nos désirs sommes semblables. Mais qu'en est-il du fait que certains individus essayent de distinguer leurs désirs des autres ? On peut répondre que le fait que des personnes essayent de se distinguer revient à dire qu'ils ont un désir de distinction. Donc la distinction n'est qu'une mimesis du désir de distinction d'autrui, pour en se distinguant le dépasser en distinction. Dans ce cas, si tout ce que l'on accomplit dans notre existence n'est que fruit d'imitation du désir du modèle-obstacle dans le but de le surpasser, ne sommes nous pas pris dans une spirale infernale ? Si on part de l'hypothèse qu'il y a toujours désir supérieur à un autre, alors à cause du désir mimétique nous serons aliénés. En effet, nous devrons courir d'objet en objet, recherchant ainsi une plénitude d'être ultime, qui en réalité est maléfique comme le renseigne l'état de Raphaël le personnage de La peau de chagrin de Balzac. René Girard, pour résumer le résultat du dépassement du modèle-obstacle dira que « la victoire ne fait qu'accélérer l'évolution vers le pire en somme », car même si nous gagnons la bataille pour l'objet, nous perdons toujours la guerre métaphysique qui visait à nous faire atteindre le statut divin du médiateur. Mais enfin, et en suivant la structure du texte, que se passerait-ils si nous avions tous les mêmes désirs ? La philosophie politique apporte des réponses au sujet, bien avant que Girard ne pose les questions. Selon Hobbes, il est proscrit de désirer la même chose qu'autrui car cela mènerait vers le désordre et le chaos. L'être désiré devient donc une arène, un lieu de rivalité entre les sujets. Ainsi l'auteur du Léviathan écrit que « si deux hommes désirent la même chose, alors qu'il n'est pas possible qu'ils en jouissent tous les deux, ils deviennent ennemis ». Par exemple, dans l'Éternel Mari de Dostoïevski, l'amant et le mari, qui désirent la même chose, la femme, sont en conflits et sont ennemis. Dans cette perspective, les désirs sont un moyen de déclencher une violence entre les hommes. Ainsi et comme nous l'avons expliqué plus haut, la raison pour laquelle on désire l'objet, finit par se faner au profit de la seule rivalité qui s'alimente constamment. Finalement, ce qui compte n'est pas de rentrer en possession de l'objet mais que l'autre concurrent ne puisse jouir de celui-ci. C'est ainsi, que par amour-propre certains individus préfèrent détruire l'objet plutôt que de le laisser à l'autre. On peut par exemple penser aux deux prostituées qui avaient été entendues par Salomon au sujet de la garde d'un enfant et qui avaient préférées le voir mort que chez l'autre femme, leur rivale. Une dernière question se pose alors, celle de savoir si l'harmonisation des désirs est bénéfique. Dans une société démocratique, tout le monde peut désirer n'importe quel être car il n'y a plus de privilèges. Ainsi, quand la modernité nivelle les désirs des citoyens en les déclarants « égaux en droit », ils deviennent des concurrents de façon de plus en plus radicale. Les places qui autrefois étaient « réservées » sont à présent convoitées par tous. Tocqueville dira d'ailleurs dans La démocratie en Amérique que les hommes « ont détruit les privilèges gênant de quelques-uns de leurs semblables ; ils rencontrent à présent la concurrence de tous ». Par exemple, n'importe quelle personne peut désirer chasser de nos jours et elle rentrera en concurrence avec d'autres chasseurs, qui eux même verront leurs gibier menacé par d'autres, alors qu'autrefois la chasse était le seul privilèges des nobles et le gibier était en leur seule possession. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, il ressort que finalement l'harmonisation apparente du monde qui pourrait avoir lieu si le monde tendait vers les mêmes désirs est impossible car cette recherche irrémédiable d'égalité n'est en soi que génératrice de conflit et de chaos entre les hommes, chose qui répond à la question posée par l'auteur à la fin de l'extrait.
 
 
Selon Girard, le désir est le résultat d'un manque que l'on comblerait en imitant le désir d'un modèle qui nous semble posséder bonheur et plaisir. Ainsi, il ressort que les individus, en ne sachant pas quoi désirer, voire même comment désirer, calquent leur désir sur ceux d'autrui. Enfin, il est montré par l'auteur que contrairement à ce que l'on pourrait penser, la recherche du même et du semblable n'est pas bénéfique mais génératrice de conflits.
Aussi, avons-nous avancé que dans nos société modernes, le désir mimétique ou triangulaire prend le dessus sur un Désir direct. De plus, en nous basant sur la philosophie politique nous avons essayé de montrer que le désir mimétique était générateur de violence.
Toutefois, l'homme peut-il après s'être rendu compte de l'existence de cette mimésis essayer d' en réchapper, de se priver pour pouvoir être dans une « austérité joyeuse ».
 

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