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LE DESIR EST-IL PROPREMENT HUMAIN ?

Publié le 19/03/2009

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desir

LE DESIR EST-IL PROPREMENT HUMAIN ?

L'homme peut-il se définir par le désir c'est à dire comme un ensemble de tendance qui le pousse vers un objet capable de le satisfaire ? Toutefois si le désir renait sans cesse ne condamne-t-il pas l'homme à une insatisfaction sans fin, à l'agitation perpétuelle ? Ne faut-il pas plutôt définir l'homme comme un être proprement de raison et de volonté capable justement d'opposer contre son désir ? L'enjeu de cette réflexion, d'ordre anthropologique consistera à répondre à la question fondamentale : « qu'est ce que l'humain « ?

 

1) Le désir est ce qui défini l’humain.

 

2) Le désir est ce qui construit l’homme.

 

3) Le désir et le rapport au bonheur.

 

 

 

desir

« saurait porter que sur ce qui signifie un autre sujet, à savoir un désir étranger.

L'être humain n'a pas seulement besoin de substances matérielles dont il puisse se repaître ; il n'exige pas seulement un maître et des serviteurs : ilaspire, au tréfonds de lui-même, à cet alter ego dans les yeux duquel il puisse se voir et se connaître et par lequelil puisse se trouver signifié au temps même où il le signifie.

Si, en effet, autrui seul permet à mon regard de seréfléchir, il ne suffit pas que d'objet impersonnel il devienne sujet dépendant ; il faut qu'il acquière la qualitéd'homme libre, car la vérité, comme dit Hegel, est « quelque chose de libre, c'est-à-dire que nous ne dominons paset dont nous ne pouvons pas être dominés ».

Qu'autrui soit mon autre est indispensable, mais il est égalementnécessaire que je devienne l'autre de cet autrui, car la conscience de soi naît elle-même non pour un être choyéou pour un serviteur complaisant, mais pour une autre conscience de soi, reflétant une déchirure analogue à lasienne.

Ainsi, alors que le besoin crie et que la demande énonce, appartient-il au désir de révéler cette dimensionnon domesticable de l'homme qui fait d'autrui non l'objet ou le moyen, mais la cause du désir.

« Je désire, c'est-à-dire qu'il me manque quelque chose.

» Je suis, j'existe, mais moins que la cause de mon désir, cette idée du parfait qui fonde et englobe le sujet.

Et c'est à l'incompréhensible qu'il revient alors de déterminer le meilleur, puisque celui-ci ne saurait se comprendre ni à partir du seul sujet ni suivant des critères simplement logiques, mais qu'il renvoieaux « fins impénétrables » du Créateur, à un abîme dont rien ne saurait surgir sans passionnément.

Le désir ne peutporter que sur un autre désir, car il vise ce manque qui, dans l'autre, désigne un autre désir : manque que le faitd'être désiré restituerait, dans la figure du couple unique et fermé des désirants entrelacés.

Mais les désirs nepeuvent s'étreindre et l'un reste mythique.

Par-delà tout sujet apparemment déterminé se profile la cause infinie etincompréhensible du désir - ce que Descartes appelle « Dieu » et que Lacan nomme « le grand Autre » -, cause donttout attrait provient et à laquelle tout élan se rapporte.

Tel le Dieu d'Esther, dont Assuérus reconnaît la grandeursur le « front qui prête à [son] diadème un éclat qui le rend respectable aux dieux mêmes ».

3) Le désir et le rapport au bonheur.

Le bonheur est désirable, montrait Aristote, suprêmement désirable, et c'est ce qui le définit.

Mais qu'est-ce que ledésir ? Platon, dans Le Banquet , avait déjà répondu.

Le désir est manque : « Celui qui désire désire une chose qui lui manque et ne désire pas ce qui ne lui manque pas.

» Comment désirer être grand ou fort quand on l'est déjà ? Toutau plus peut-on désirer être plus grand ou plus fort - ce qui n'est pas.

On objectera qu'on peut, étant en bonnesanté, désirer la santé, étant riche, désirer la richesse.

Mais Platon répond qu'on veut alors « jouir de ces biens pourl'avenir aussi » : on désire, non la santé ou la richesse qu'on a, mais leur continuation, que l'on n'a pas.

Tout désir,par conséquent, est d'absence : « Ce qu'on n'a pas, ce qu'on n'est pas, ce dont on manque, voilà les objets dudésir et de l'amour » ( Le Banquet , 200, a-e).

Quel rapport avec le bonheur ? Celui-ci : parce que le désir est manque, et dans la mesure où il est manque, le bonheur, nécessairement, est manqué.

C'est pourquoi Calliclès, quoiqu'il en dise, ne sera jamais heureux ( Gorgias , 491 sq.), ni personne dans ce monde.

Les vrais philosophes, même de leur vivant, sont déjà morts (Phédon, 64 sq.), et eux seuls sont heureux véritablement : le bonheur, pour Platon,est d'outre-tombe et suppose qu'on fuit, dès ici-bas, de ce monde dans l'autre...

On ne peut suivre ici les analysesde Platon, du Banquet au Philèbe ou au Théétète, du Gorgias au Phédon ou à La République.

Mais chacun peut sesuffire de son expérience.

Si le désir est manque, je manque toujours de ce que je désire (or le manque est unesouffrance), et je ne désire jamais ce que j'ai (puisque le désir est manque).

Tantôt, donc, je désire ce que je n'aipas, et j'en souffre ; tantôt j'ai ce que dès lors je ne désire plus.

De là la tristesse, pour l'enfant, des après-midi deNoël, quand le jouet tant rêvé, en son absence, échoue, puisqu'il est là, à maintenir vivace le désir qui le visait.

Delà aussi la tristesse des amants, quand la présence tant souhaitée de l'autre triomphe du désir que, en son absence,ils en avaient...

Albertine présente, Albertine disparue...

C'est la même femme pourtant, mais l'une est impossible àaimer, et l'autre à oublier.

On désire ce qu'on n'a pas, donc on ne désire plus ce qu'on a - qu'on désirera à nouveausi on le perd.

Souffrance du manque, indifférence de la possession, horreur du deuil...

La vue ferait le bonheur del'aveugle (puisqu'elle lui manque), mais échoue à faire le nôtre (puisque nous voyons).

Et la mort ou la fuite d'unêtre cher, lui rendant soudain son urgence et son prix, semble briser un bonheur que sa présence pourtant étaitincapable de donner...

Le piège est terrible où nous sommes enfermés : la vue ne pourrait rendre heureux (pourcombien de temps ?) que des aveugles, et l'amour, comme passion, que des amants malheureux.

C'est pourquoi,comme dit le poète, « il n'y a pas d'amour heureux », et il ne peut (tant que l'amour est manque) y en avoir.« Imaginez Madame Tristan », suggérait Denis de Rougemont, et chacun devine assez ce qu'il en fût advenu : lapassion d'Iseut ne se nourrit que du manque de Tristan, et le bonheur qu'elle souhaitait, comblant ce manque, se fûtaboli, par là même, comme bonheur...

Comment désirer ce qu'on a ? Comment ne pas souffrir de ce qui manque ? Iln'y a pas d'amour heureux, ni de bonheur sans amour : il n'y a pas de bonheur du tout.

Schopenhauer, mieux quePlaton ou que quiconque, a dit ici l'essentiel.

L'homme est désir et le désir est manque.

C'est pourquoi, pourSchopenhauer comme pour le Bouddha, toute vie est souffrance : « Vouloir, s'efforcer, voilà tout leur être ; c'estcomme une soif inextinguible.

Or tout vouloir a pour principe un besoin, un manque, donc une douleur...

» ( Le Monde comme volonté et comme représentation , IV, 57).

Bien entendu, si le manque est souffrance, la satisfaction est plaisir.

Mais cela ne fait pas un bonheur : « Tout désir naît d'un manque, d'un état qui ne nous satisfait pas ; donc ilest souffrance tant qu'il n'est pas satisfait.

Or nulle satisfaction n'est de durée ; elle n'est que le point de départd'un désir nouveau [...].

Pas de terme dernier à l'effort, donc pas de mesure, pas de terme à la souffrance...

»(IV, 56).

Il n'y a donc pas, il ne peut y avoir d'expérience du bonheur : ce que nous expérimentons, c'est d'abordl'absence du bonheur (le désir, le manque, la souffrance...), puis (satisfaction) l'absence de son absence.

Saprésence, donc ? Non, et c'est ici que Schopenhauer est le plus profond : ce que nous expérimentons, quand ledésir enfin est satisfait, ce n'est certes plus la souffrance (sauf quand un nouveau désir, et cela ne saurait tarder,aussitôt renaît...), mais ce n'est pas non plus le bonheur.

Quoi ? Au lieu même de sa présence attendue, le videencore de son absence abolie.

Cela s'appelle l'ennui : en lieu et place du bonheur espéré, le creux seulement dudésir disparu...

Pensée désespérante, dit Schopenhauer : le bonheur nous manque quand nous souffrons, et nous. »

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