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Désirer, est-ce naturel ?

Publié le 23/08/2005

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Ainsi il donne un fondement métaphysique au présupposé de la thèse nietzschéenne selon laquelle il est impossible de ne rien désirer (quitte à désirer le rien ou un état impossible de non-désir) : chaque chose naturelle désire ou persévère dans son être, et réciproquement, tout ce qui désire ou persévère dans son être est naturel (est un mode exprimant la puissance de Dieu ou de la nature).   Transition : ·         On vient de voir qu'il n'y a pas, du point de vue de la nature, de disjonction possible entre être et désirer. ·         Mais si tous nos désirs sont naturels, comment pourrait-il être naturel de désirer des choses vaines comme l'immortalité ? Pour le dire autrement, est-il naturel de désirer ce qui nous fait souffrir, ou, pour parler comme Spinoza, ce qui diminue notre puissance d'agir ? Ne faut-il pas considérer que certains désirs sont plus naturels que d'autres au sens où ils seraient plus sensés que d'autres ?   2-      Désirer n'est pas forcément naturel, ne va pas de soi :   a)      il faut un objet au désir (critique de Spinoza) Poser que le désir est sensé, c'est l'envisager sous son caractère de processus finalisé. Or quand Spinoza dit que c'est parce que nous désirons une chose que nous la jugeons bonne et non l'inverse, il tend à faire du désir sa propre justification : rien n'est désirable en soi mais n'est désirable que ce qui est effectivement désiré. Mais dans ce cas, le désir est alors sans limite, sans finalité propre, et peut ainsi se porter indifféremment sur tout ce que bon lui semble. Or une telle extension du désir est problématique : comment nos désirs, étant sans terme, sans fin, pourrait-ils échapper au non-sens ? Comment leur existence peut-elle s'expliquer[1] ?

Remarque sur l'intitulé :

-          La question semble paradoxale : se demander s'il est naturel de désirer revient à supposer que désirer n'aille pas de soi ; or le désir est un donné, et il désigne bien souvent un mouvement irrépressible.

-          Cependant, on sait que tous nos désirs ne sont pas d'égale valeur : que je désire manger parce que j'ai faim ou que je désire cette paire de chaussure parce qu'elle me plaît, ou parce que je la trouve jolie, sont deux choses bien différentes.

-          Finalement, le sujet invite à s'interroger sur le rapport que le désir entretient avec le besoin : seul ce dernier semble naturel.

 

Problématique : il semble évident que nous désirons des choses dont nous n'avons pas besoin. Cependant, il reste alors à déterminer comment un désir peut-il ne pas être naturel. Quelle est sa « nature « ? Comment distinguer, parmi nos désirs, ceux qui sont naturels de ceux qui ne le sont pas, et de quel droit (ou selon quel principe) opérer une telle discrimination ?

 

« doit avaler une potion amère : celle-ci, bien que désagréable, n'en est pas moins bénéfique.

Aussi, plaisir et bien necoïncident pas nécessairement.

A la lumière de la distinction socratique, il apparaît qu'il n'est pas naturel de tout désirer : si mon désir n'a pour seul but qu'un plaisir immédiat, il ne vise alors que « ce qui paraît être le meilleur » et non ce qui est réellement bon, ce qu'il me faut vouloir (c'est-à-dire ce qui convient naturellement à mon désir).

Transition : - Mais s'il va de soi que seul le bien mérite d'être désiré, pourquoi peut-on lui préférer le plaisir ? Comment se fait-il que ce qui est naturellement désirable n'apparaissent pas comme tel aux yeux de tous ?(Socrate n'est-il pas excessivement idéaliste ?) - Difficulté : Pourquoi ne parvient-on pas à reléguer ces désirs vains au rang de simples penchants ou de basses inclinations? Pourquoi, bien qu'étant subordonnés à des biens apparents, ne manquent-ils pas de faireleur effet, d'apparaître comme naturels ? 3- DÉSIRER EST NATUREL POUR AUTANT QUE NOUS SOMMES , PAR NATURE DES ÊTRES FINIS Pour répondre au problème soulevé, il semble qu'il faille préciser ce que nous avons admis jusqu'à présent comme étant « naturel ».

Dans un 1 er temps, « naturel » allait de pair avec l'activité de désirer (celle-ci apparaissant alors pour le sujet désirant comme à la fois essentielle et irrépressible).

Dans un 2 nd temps, « naturel » = le désirable seulement (est naturel, ce qu'il convient de désirer).

Or, dans les deux cas, nous avons implicitementsupposé le fait qu'un désir naturel — envisagé d'abord dans son déploiement, puis, selon sa finalité — est un besoin . Ainsi, désirer serait naturel parce que seuls les dieux ne manquent de rien et sont bienheureux – et par là même, ne désirent pas.

a) désirer : la marque de notre finitude Le Banquet : le mythe de l'androgyne (385) : nos désirs sont le signe de notre incomplétude et ils sont, en leur fond, désirs d'éternité et nostalgie du divin . Or, la conception platonicienne du désir ne peut être complète sans qu'il soit fait mention de sonprésupposé métaphysique : notre âme est « embourbée » dans le corps, subit sa loi et peine à s'en débarrasser(Phédon , 66b).

Ainsi, la logique du désir consiste à envoyer promener le corps ; le désir est d'abord une tension spirituelle, un besoin de l'âme : le désir est présenté dans le Phédon comme une sorte d'apprentissage de la mort car, une fois le corps anéanti, l'âme ainsi libérée pourra retrouver sa véritable « patrie ». b) La consommation est elle aussi une pratique idéaliste : Aussi paradoxal que cela puisse sembler, nous sommes, en tant que consommateurs, des platoniciens : il n'y a pas de contradiction entre acheter tel objet vus dans un spot publicitaire et l'enseignement du Phédon selon lequel il faut apprendre à mourir – à ce titre, ce n'est pas pour rien que la consommation a la même racine que leverbe « se consumer ». Comme l'explique Jean Baudrillard dans Le système des objets (1968), le modèle de la consommation n'est ni celui de l'absorption, ni du simple besoin physiologique (car si tel était le cas, « on devrait arriver à une saturation »ou « s'acheminer vers une satisfaction »), mais celui d'un désir marquant un manque porté à l'absolu et qui nesaurait prendre fin. La thèse peut sembler provocante.

Néanmoins, elle n'est pas sans fondement : sous son apparente perversité, la logique de la consommation actuelle reste naturelle pour autant qu'elle ne s'inscrit pas en faux contre la nature du désir.

Parce que nous sommes des « machines désirantes » (Deleuze) et que nos désirs manifestentune « incurable insuffisance d'être » (Deleuze et Guattari, L'anti-Oedipe ), Baudrillard peut écrire que « "Tempérer” la consommation ou vouloir établir une grille de besoins propre à la normaliser relève donc d'un moralisme naïf ouabsurde ».

[1] Aristote, Ethique à Nicomaque , L.

1, ch.1 : « on ne désire pas indéfiniment une chose en vue d'une autre car on procèderait ainsi à l'infinie de sorte que le désir serait futile et vain ».. »

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