Désirer est-ce nécessairement vouloir l'impossible ?

« • Pour la philosophie stoïcienne, le désir est dangereux, et il vaut mieux yrenoncer.

C'est la seule voie possible pour qui veut atteindre la sagesse quiconsiste en l'«ataraxie» ou absence de trouble, obtenue par lareconnaissance rationnelle de la nécessité qui gouverne le monde.• D'après Épictète, il y a deux sortes de désirs: les premiers portent sur «cequi ne dépend pas de nous»: notre corps, la richesse, la célébrité, lepouvoir...

Désirer ces choses-là, c'est s'exposer aux plus grands malheurspuisque ce sont des choses qui nous échappent complètement et qui sonttrès changeantes.

On pourrait donc désirer au moins «ce qui dépend denous», c'est-à-dire désirer la sagesse.

Mais celle-ci ne peut être l'objet qued'une décision et non d'un désir: celui qui se contente de la désirer souffrirade ne pas y parvenir.

Mieux vaut donc renoncer à tous les désirs et s'efforcerd'être purement rationnel.• On peut remarquer toutefois qu'Épictète précise «...pour le moment».

Lesage pourra laisser libre cours à son désir de sagesse lorsqu'il sera parvenu àcelle-ci.

Mais ce «désir» aura changé de signification et se confondra avec lasagesse. De même, pour Descartes, il s'agit de « changer la nature de ses désirs » etde ne rien désirer que l'on ne puisse avoir.

Pour lui, « un objet que l'on nepeut pas atteindre est difficilement l'objet d'une désir ».Cependant, la nature du désir ne le conduit-elle pas à s'opposer à ces conceptions ? Le désir n'est-il pas par définition incontrôlable ? 2-L'impossible, expression du désir humain : Cependant, nous allons voir que le désir de l'impossible est la forme la plus accomplie du désir.Exemple : l'amour romantique montre que le désir est suscité par l'impossible.

Plus la personne aimée estinaccessible, plus elle est désirée.

Souvent, l'amour meurt quand cette personne rejoint la réalité.

Le désir unefois assouvi, l'objet désiré perd de son intérêt.

On peut entre autre penser à l'amour de Julien Sorel pourMadame de Rénal dans Le Rouge et le Noir de Stendhal. Plus encore que l'amour romantique, pour Gilles Deleuze, l'amour courtois du Moyen Age est la forme la plusaccomplie du désir.

C'est un désir qui ne se consomme jamais, qui reste à l'état de désir.· Sartre : la conscience humaine ne peut pas ne pas désirer devenir Dieu ou son égal.

Or, c'est d'autant plus impossible que pour lui, Dieu n'existe pas.Stephan Zweig : « Rien ne trouble plus puissamment quelqu'un que la réalisation subite de son ardent désir ».L'homme ne s'attend pas à ce que son désir soit réalisé.

Il se complet dans l'état de désir et le bonheur nevient pas forcément de l'assouvissement de son désir mais du fait de désirer en lui-même.

Ainsi, commel'affirme Spinoza au livre III de son Ethique , on ne désire pas une chose parce qu'elle est bonne mais c'est parce qu'on la désire qu'elle devient bonne.

Le désir est producteur de valeur, il précède son objet et leproduit.Ainsi, le désir de l'impossible est la plus parfaite expression du désir.

Par ailleurs c'est aussi un moyen pourl'homme de partir à la conquête de son humanité et de se perfectionner, ce qui nous mène au troisièmemoment. 3- Désirer et vouloir l'impossible : un moyen de se dépasser : L'expression « vouloir l'impossible » exprime un dépassement de nos propres limites.

Vouloir l'impossible, c'est semotiver pour réussir quelque chose qui semble insurmontable.

De plus, l'expression populaire affirme que« impossible n'est rien ».

L'impossible devient donc un but à atteindre.Par exemple : Importance de la passion qui est une forme que peut prendre le désir.Ainsi, selon Hegel « rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion », exemple la révolutionfrançaise : désir de renverser l'ordre social, chose qui paraissait impossible. La passion est une ruse de la Raison, le moyen dont use la Raison absolue pour faire progresser l'Histoire vers sapropre réalisation en s'arrachant à ses déterminations particulières.

Dans la passion, en effet, l'homme « se projettesur un objectif avec toutes les fibres intérieures de son vouloir et concentre dans ce but ses forces et tous sesbesoins ».

Et c'est parce que le grand homme est passionné qu'il « ne se disperse pas dans une multituded'objectifs, mais est entièrement voué à la fin qui est sa véritable fin ».

Les passions humaines constituent doncl'élément actif de l'histoire, celui qui met en branle les événements de portée universelle.

Aussi peut-on dire que «rien de grand ne s'est accompli dans le monde sans passion ». L'énergie des désirs peut donc être utilisée pour se dépasser.

De l'excès peut naître la nouveauté, l'insolite.Rousseau : « Quoiqu'en disent les moralistes, l'entendement humain doit beaucoup aux passions.

Nouscherchons à connaître parce que nous désirons jouir ».. »