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La désobéissance

Publié le 04/03/2005

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Le fait que la désobéissance civile soit nécessairement publique, et recherche même la médiatisation la plus forte (ce qui la distingue nettement de l'infraction criminelle), s'inscrit dans ce même registre du civisme : l'acte vise à éveiller la conscience des autres citoyens, à susciter un débat. L'aspect « concerté » de l'action est également à souligner. Puisque la désobéissance civile se donne pour objectif d'obtenir des changements dans la loi ou la politique contestée, elle doit exercer une certaine force de pression sur les décideurs. Pour cela, il faut s'organiser afin de réunir un grand nombre de participants (ou des personnes qui, même peu nombreuses, jouissent d'un réel prestige moral dans l'opinion), choisir le meilleur moment, déterminer les modalités concrètes de la désobéissance, les modes de médiatisation, etc. Bref, il y a une « stratégie » de la désobéissance civile. On voit, sur ce point, la différence entre la désobéissance civile et la notion assez proche d'objection de conscience (calque de l'anglais « conscientious » objection, apparue en Grande-Bretagne vers 1898, lors d'un débat parlementaire sur la vaccination obligatoire). L'objecteur ne se pose pas la question de savoir si cette « loi des hommes », qu'il estime injuste pour lui, pourrait être modifiée pour tous. Au contraire, pour celui qui participe à une campagne de désobéissance civile, l'objectif premier est moins de rester fidèle à sa conscience que de faire changer, pour la société entière, la loi réputée injuste. La désobéissance civile est une objection de conscience qui se donne des objectifs et des moyens politiques.      b.

 Par devoir, on entend essentiellement l'obéissance à une loi, à un impératif, tel que le devoir consiste dans le respect de cette loi ou de cet impératif. Il serait alors paradoxal de faire de la désobéissance une obligation morale ou civile. Autant dire alors qu'il serait de mon devoir d'enfreindre les lois ou de transgresser les interdits moraux. Il n'est pas nécessaire de souligner l'absurdité d'une telle maxime. Cependant, si le devoir consiste bien dans le respect d'une loi, est-ce que j'agis nécessairement par devoir toutes les fois que j'obéis à une loi ? J'obéis bien à la loi de la gravitation : mais est-ce qu'une telle obéissance prend la forme d'un devoir ? J'obéis bien à la loi du plus fort, lorsque je suis contraint : mais, de même, puis-je parler de devoir ? Dans les deux cas, il semblerait bien saugrenu de parler de devoir. Ainsi, en définissant le devoir uniquement comme le fait d'obéir à une loi, ne risque-t-on pas de le confondre avec une soumission aveugle ?

« a.

La dégénérescence des régimes a, de manière général, une origine unique : la désobéissance, qu'il s'agisse de celle du citoyen qui voudrait « vivre selon sa propre complexion » et nonselon la loi de la cité, ou du souverain qui s'arrogerait « un droit suprême surla Cité » (cf.

Spinoza , Traité politique, III, 3 ; VI, 5).

Cette désobéissance s'exercerait à l'égard de la constitution même de l'Etat.

Dans le cas dernierd'usurpation, la multitude est conduite à se révolter, et naît une configurationde guerre civile qui met à bas l'Etat.

On entre dans cette situation dans laforme particulière de tyrannie lorsqu'un pouvoir oblige à croire des chosesabsurdes alors que « nul ne peut se dessaisir de sa faculté de juger » et êtreconduit au « délire », ce qui est contraire au droit de la Cité (ibid.

III, 8).

Laviolence de l'Etat est ainsi le plus sûre moyen de sa perte : « Mettre à mortles sujets, les dépouiller, user de violence contre les vierges, et autreschoses semblables, c'est changer la crainte en indignation, etconséquemment l'état civil en état de guerre » (ibid.

IV, 4).

b.

Le despotisme est la figure où se joue le pouvoir d'un seul, qui commande mais n'obéit jamais.

Il est seul « libre ».

Mais comment un seulpeut-il se faire obéir d'une foule ? La servitude volontaire, que La Boétie critique, est un exemple de commandement solitaire sans danger, puisque lepeuple s'assouvit lui-même.

Aussi la liberté des despotes est souvent caused'atrocités et d'injustices.

D'où le rêve d'un despotisme éclairé, d'un roi dontle pouvoir arbitraire et bienveillant n'ordonnerait que le bien du peuple.

Bon ou mauvais, le prince ou le roi enlève toute contestation au peuple.

Cependant, même si le peuple conteste mal unechose, cela présente leur liberté de citoyen.

Diderot critiquera le despotisme éclairé (in Réfutation d'Helvétius , 1775).

L'absence de liberté est plus dangereuse que la liberté de mal contester.

D'où par suite l'importance de laliberté de la presse et de ses attaques satiriques, car un chef dont on peut se moquer impunément ne sera jamais un tyran.

Mais la liberté de la presse, qui calomnie, voire insulte des particuliers, doit être aménagée pour ne pasbasculer dans sa destruction (voir Tocqueville , De la démocratie en Amérique , 1835, T.

I, 2 e partie, II). La tendance des démocraties au despotisme chez TOCQUEVILLELa « tyrannie de la majorité » (Tome I, 11, 7 et 8) : la majorité est censée incarner la volonté du peuple et peutdonc légitimement imposer ses décisions à la minorité.

Elle risque d'abuser de son pouvoir, en opprimant la minorité.Dans une société égalitaire, l'opinion publique toute-puissante exerce un « empire moral » sur les hommes : par peurde ne pas ressembler aux autres et convaincus que il y a beaucoup plus de sagesse dans beaucoup d'hommes quedans un seul », ils se rallient à la pensée dominante.Le despotisme tutélaire : l'égalisation des conditions engendre l'atomisation du corps social et l'individualisme.

Lescitoyens désertent l'espace public et ne se soucient que de leur bien-être.

Ils abandonnent l'exercice de leur libre-arbitre, en confiant à un pouvoir unique et central le soin d'administrer leur vie, de réglementer leur pensée et leuraction pour garantir leur bonheur et leur sécurité.

Considérablement étendu et renforcé, l'État exerce une tutelleabsolue sur des citoyens complices. Conclusion La désobéissance, on l'a vu, est d'abord cet acte fondamental de refus du sujet à l'égard d'une prescriptionhautement divine et juste.

Mais au regard de l'activité politique terrestre, il apparaît que la désobéissance est unmoyen pour les citoyens d'affirmer leur droit à la liberté, et donc de contester une forme d'un pouvoir injuste.

Mais ilsemble qu'il y a des limites à la désobéissance, puisqu'à la lumière de La Boétie par exemple, on remarque que les sujets d'un despote atroce entrent dans ce qu'il appelle une « servitude volontaire », c'est-à-dire une obéissancedocile et quasi évidente au tyran qui s'arroge une liberté absolue.

De surcroît, la liberté, soi-disant cri du cœuressentiel chez l'homme, mène les individus à un aveuglement sur les pratiques des dirigeants, et les dissuade, ausein d'un schéma pluri-idéologique bien agencé, de s'élever contre l'ordre établi.. »

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