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DEUXIÈME ACTE - SCÈNE 2 du Tartufe de Molière (analyse)

Publié le 22/02/2012

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Dorine ne coupe pas seulement la parole à Orgon, elle la coupe surtout à Mariane, silencieuse tout au long de cette scène qui a cependant son avenir pour objet. Cet effacement de Mariane met d'autant plus en valeur, par contraste, la virulence de Dorine face à Orgon. Le renversement des rôles Exaspérée autant par la passivité de Mariane que par- l'inconscience d'Orgon qui s'apprête à faire le malheur de sa fille, Dorine intervient pour défendre les intérêts de la famille. Elle va faire la leçon à son maître pour essayer de le ramener à la raison. Le comique de la scène repose sur ce renversement des rôles. Alors que le père de famille vient justement de faire une démonstration brutale de son autorité paternelle, Dorine, en bravant cette autorité, en relève à la fois la fragilité et l'absence de fondement moral.

« «Gros et gras, le teint frais et la bouche vermeille.» Il est vrai que les indications données par Dorine dans la tirade qui précède restent vagues.

On ne peut en reteniravec certitude qu'une évidente disparité entre Tartuffe et Mariane, mais il serait abusif d'en déduire que Tartuffeétait vieux et laid.L'important reste la répugnance de Mariane pour l'époux que son père veut lui donner.Ce thème des mariages imposés et des unions mal assorties avait déjà été traité par Molière dans L'Ecole desfemmes..

Il le reprendra plus tard dans Georges Dandin. Des maris et des cocusIl faut rappeler à ce propos que Molière s'était marié le 23 janvier 1662 avec Armande Béjart, officiellement la sœur,mais plus probablement la fille de son ancienne maîtresse, Madeleine Béjart.

La calomnie accusait l'auteur deTartuffe d'avoir épousé sa propre fille.Armande avait effectivement vingt ans de moins que lui.

Est-ce un hasard si le mariage a eu lieu six mois aprèsL'Ecole des maris, un mois à peine avant L'Ecole des femmes? Il est permis en tout cas de supposer que lespréoccupations personnelles de Molière n'ont pas été étrangères au contenu de ces deux pièces.Molière s'y élève contre les abus de l'autorité maritale et de l'autorité paternelle qui avaient cours à son époque.Il soutenait que seules la tolérance et la confiance réciproque peuvent assurer le bonheur conjugal.

Ainsi le vieilAriste sera récompensé de sa douceur et de sa compréhension.

En dépit de leur énorme différence d'âge, la jeuneLéonor accepte de l'épouser.

Il lui permet de mener une vie de plaisirs et de divertissements et de « fréquenter lesbelles compagnies »; aussi leur union s'annonce sous d'heureux auspices.

En revanche, Sganarelle a sur l'éducationdes filles les vues les plus rétrogrades.

Il cloître sa pupille Isabelle qu'il veut forcer à l'épouser, mais celle-ci saura leberner et s'unir à celui qu'elle aime.Le personnage de Sganarelle préfigure celui d'Arnolphe dans L'Ecole des femmes, qui enferme sa pupille Agnès dont ilveut faire sa femme.

En la tenant dans l'ignorance la plus totale, Arnolphe croit pouvoir éviter le sort de la plupartdes maris : être cocu.

Mais Agnès trouvera dans l'amour que lui inspire Horace, l'esprit nécessaire pour déjouer lasurveillance de son tuteur.Molière a toujours défendu les droits de la nature, des sens et du coeur, contre les fausses bienséances sociales etles intérêts de caste ou les arrangements hypocrites.

Il revendique la liberté de choix face aux partisans d'unetradition autoritaire qu'il n'est pas difficile d'identifier aux positions adoptées par les dévots de la Compagnie duSaint-Sacrement.La soumission aveugle qu'Orgon exige de sa fille s'apparente aux idées de Sganarelle et d'Arnolphe.

Et quand Dorinedéclare qu'« une femme a toujours une vengeance prête », elle tient le même discours que Lisette, la suivante deLéonor qui, dans L'Ecole des maris, reconnaît aux femmes le droit de tromper leurs maris, quand ceux-ci secomportent en despotes : « Et si par un mari je me voyais contrainte,J'aurais fort grande pente à confirmer sa crainte.» L'égocentrisme de la passionToutefois Orgon est mu avant tout par le désir de faire entrer Tartuffe dans sa famille et de s'unir à lui par des liensindissolubles.

Mariane dans l'affaire n'est qu'un prête-nom, un intermédiaire obligé.

Molière met ici à nul'égocentrisme de la passion qui écarte d'emblée tous les obstacles qu'elle rencontre.

C'est donc en toute bonne foisqu'Orgon vante à Mariane les joies pieuses du mariage avec Tartuffe.Quand il aborde le sujet épineux de la parole donnée à Valère, il résout la difficulté sans état d'âme.

Comme dansDom Juan, le Ciel a réponse à tout; or le Ciel a choisi Tartuffe.

Il n'y a donc pas d'hésitation possible entre ce sainthomme et Valère, un libertin qui ne hante pas les églises : « Enfin avec le Ciel l'autre est le mieux du monde, Et c'est une richesse à nulle autre seconde.Cet hymen de tous biens comblera vos désirs, Il sera tout confit en douceurs et plaisirs;Ensemble vous vivrez, dans vos ardeurs fidèles, Comme deux vrais enfants, comme deux tourterelles.A nul fâcheux débat jamais vous ne viendrez, Et vous ferez de lui tout ce que vous voudrez.» En dépit de certains commentateurs qui ont voulu voir absolument dans Tartuffe l'apologie de la vraie religion, il estdifficile de ne pas déceler dans les insinuations doucereuses de ce passage, dans le choix des termes (« confit », «tourterelles ») et des intonations, une parodie qui ridiculise le discours dévot.Orgon apparaît comme un croyant sincère mais contaminé par l'esprit du temps qui mêlait aisément la sensualité à ladévotion.

Comme on l'aperçoit dans les peintures et les sculptures religieuses de cette époque, dans les Madeleinelangoureuses et éplorées, les saint-Sébastien percés de flèches, une certaine complaisance voluptueuse n'était pasabsente de cette propagande de la foi destinée à séduire autant qu'a « diriger » les âmes des fidèles.Mais si cet aspect de la charge anticléricale désigne de toute évidence le laxisme encouragé par les jésuites, ordre« mondain », on ne peut manquer d'observer également dans le raisonnement une caricature des arguments tenuspar les contempteurs du monde, pour inciter les pécheurs à fuir les tentations et à se retirer au «désert ».

Pascal,. »

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