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Deviances et sanctions à l'école

Publié le 26/09/2011

Extrait du document

La mauvaise conduite en cl'asse est également sanctionnée.
La punition la plus courante et, semble-t-il, la plus efficace consiste à faire
honte à l'enfant en l'Isolant du reste de la classe et en dressant les autres élèves contre lui. On s'efforce de le ridiculiser et de le culpabiliser aux yeux de ses camarades.
La moindre infraction déclenche un flot de reproches moqueurs de la part de l'Institutrice qui prend la classe à témoin. Si un visiteur se trouve présent, il est pris lui aussi à témoin.

« - Tu vois, Marie, même Alain le sait et pourtant il n'est pas aussi intellig~nt que toi.

Tu n'as pas appris ta table de multiplication, n'est-ce pas, sinon tu la sauraiS ? - Non, Madame.

- Eh bien, tu ne sortiras pas en récréation et tu apprendras la table de sept ; et si tu ne la sais toujours pas, tu resteras Ici après la classe .

Tu as compris ? - Oui, Madame .

Pour les cas mineurs d'indiscipline, l'élève est généralement mis au piquet, puni­ tion qui combine un léger ridicule à l'Immobilisation dans une position Inconfortable.

L'élève doit se mettre à genoux devant la classe, la tête appuyée contre le mur, les mains sur la tête et rester ainsi jusqu'à ce qu'on lui dise de se relever.

Les élèves considèrent la punition plus sévère quand ils sont mis au piquet dans la position debout.

L'Institutrice peut aussi obliger le coupable à marcher en rond dans un coin de la cour, les mains sur la tête, pendant la récréation .

JI n'est pas rare de voir ainsi six à huit élèves passer leur récréation à décrire un cercle, les mains sur la tête, sous les quolibets de leurs camarades.

S'il arrive qu'un élève plus grand oublie ses obligations et se rende coupable d'une conduite proche de celle des enfants plus jeunes , on lui fait honte en le punissant comme s'il était encore 1,m petit enfant.

Un jour, dans la classe de Mme Vernet, Odette et Alphonse Peretti ne cessaient de bavarder.

L'institutrice les rappela plusieurs fois à l'ordre, sans résultat.

Elle finit par leur dire qu'ils se conduisaient comme des bébés et elle les envoya à Mm• Girard où ils.

furent mis au piquet à côté du petit Léon Pascal, âgé de cinq ans, et qui se trouvait être puni à ce moment-là.

Un élève puni ne peut espérer de pitié de la part de quiconque .

Ni les larmes ni les grimaces de désespoir ne suscitent la moindre sympathie.

Au contraire, les larmes déclenchent un nouveau torrent de sarcasmes de la part de l'institutrice et des épithètes moqueurs de la part des autres élèves.

Le coupable n'éveille pas la compassion s'il est puni avec juste raison.

Même les parents participent à la réprobation générale, à moins que l'enfant soit en mesure de prouver qu'il a été victime d'une injustice ou d'une discrimination particulière.

Lorsque la punition est justifiée, le coupable se retrouve complètement seul.

JI ne peut chercher de réconfort qu'en lui-même .

Même en dehors de l'école et de la surveillance des adultes, les enfants pris en groupe semblent tenir à préserver le code social qui leur a été inculqué .

Joseph Ma­ riano, dont nous avons déjà parlé plusieurs fois, est l'élève le plus fréquemment puni de l 'école, car il paraît résolu à n'appliquer aucune des normes en vigueur .

Eh bien, lorsque les enfants jouent dans la rue, ils continuent à le mortifier et à l'isoler du groupe, à l'instar de ce qu'ils ont vu faire par l'institutrice.

Les enfants prennent visiblement plaisir à isoler l'un des leurs et à lui faire honte lorsque son comportement dévie un tant soit peu de la normale (p.

108) .

Les élèves se voient attribuer un bon point chaque fois qu'ils ont accompli quelque chose de méritoire.

Au bout de vingt bons points, ils ont droit à une récompense particulière.

Pour les petits, il s'agit habituellement d'un bonbon ; quant aux plus grands, on estime qu'ils doivent être récompensés d'une • manière plus sérieuse •.

On les envoie vérifier l'heure à l'horloge, par exemple, ou porter un message à une autre Insti­ tutrice, ou on leur confie la distribution de matériel scolaire dans la classe.

Mme Girard fera peut-être figurer leur nom ·dans le cahier des récompenses exceptionnelles.

Dans la classe de Mm• Vernet, son nom figurera au tableau d'honneur de la semaine, affiché au mur.

Aux dires des Institutrices, le système des bons points est un stimulant pour les élèves, qui les incite à surpasser leurs camarades, tant sur le plan du travail que sur le plan de la conduite .

JI semble pourtant, aux yeux de l'observateur, que l'enfant obéit à deux motivations plus puissantes que les bons points .

Pour l'enfant qui a de l'ambition et une intelligence supérieure à la moyenne, c'est l'orgueil qui sera son principal stimulant.

On attend de lui des résultats toujours plus brillants, l'institutrice lui consacre plus de temps qu'aux autres.

JI ne reçoit pas plus de louanges que ses camarades, car l'institutrice lui a fixé un niveau à atteindre légèrement plus élevé que son niveau réel.

JI ne jouit d'aucune faveur spéciale.

En fait: Il doit passer plus de temps à son travail que les autres élèves, car on est plus exigeant à son égard.

On le met à part.

Les Institutrices, les parents et les camarades lui disent qu'il est plus Intelligent que les autres et qu'il doit par conséquent se conduire d'une manière plus responsable.

Sa famille a décidé que s'il continue à bien travailler on l'enverra apprendre un métier, une profession libérale ou se préparer à un post~ de fonctionnaire.

Cela supposera des sacrifices pécuniaires et on le lui fait bien sentir.

Sa responsabilité devient telle qu'il ne peut plus y échapper et d'ailleurs, tant à l'école qu'à la maison, on se charge bien de le lui rappeler.

Cette pression constante exercée sur l'enfant fournit une motivation amplement suffisante pour l'Inciter à faire de son mieux à l'école (p.

117).

Laurence WYLIE.

Un village du Vaucluse.

1957.

Traduction française 1968.

Ed.

Gallimard.. »

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