Le devoir coûte-t-il ou rapporte-t-il ?
Publié le 24/05/2012
Extrait du document
A la première question que nous nous étions posée, nous devons donc répondre par la négative : si le devoir nous coûte souvent ou même ordinairement, il ne nous coûte pas toujours; il ne lui est pas essentiel de càûter; par suite, on ne peut pas le définir comme ce qui coûte...
«
grossières aberrations des peuples sans culture.
Il n'y a pas
de moralité possible sans une maîtrise de soi dont la conquête
et la conservation exigent bien des sacrifices, sans une répres
sion toujours pénible des penchants naturels.
Le devoir coûte : il est inutile d'insister sur une affirma
tion qui
fait figure de truisme.
B.
Mais il ne lui est pas essentiel de coûter.
- Au con
traire, précisément
à cause de l'évidence de l'affirmation précé
dente,
il ne sera pas inutile de s'arrêter plus longtemps à la
restriction qu'il convient de lui apporter : si la vie morale n'est
pas une partie de plaisir et si normalement le devoir coûte,
i
1 ne lui est pas essentiel de coûter.
De cette thèse, il serait facile de fournir une preuve ration
nelle et a priori : ce que la conscience nous demande et ce que
la loi morale nous impose, c'est la réalisation d'un certain ordre
et non la peine que nous éprouvons à le réaliser ; je dois, par
exemple, aider ceux qui sont dans
la misère, mais non obliga
toirement par les moyens les plus difficiles pour moi ; c'est le
résultat qui importe et non la difficulté à l'obtenir.
La difficulté
est
un accident sur le chemin; ce n'est nullement le but.
Par
suite, si le devoir coûte, il ne lui est pas essentiel de coûter,
et celui qui ferait son devoir sans qu'il lui en coûte ne sortirait
pas pour autant de la ligne de la moralité.
On pourrait dire, il est vrai, que, cette hypothèse étant
chimérique et le devoir étant toujours pénible, on peut le définir
comme ce qui coûte.
Mais c'est seulement par un étrange
préjugé qu'on
tient pour chimérique l'hypothèse d'un devoir
agréable
à accomplir.
Observons les faits: nous verrons que
l'expérience, comme la raison, montre qu'il n'est pas essentiel
au devoir de coûter, il est même des devoirs auxquels il coû
terait de renoncer.
En effet.
si la vie morale des êtres que nous sommes im
plique une
lutte contre les tendances naturelles, elle ne se
réduit pas à cette lutte.
Si certaines tendances doivent être
réprimées parce
qu'elles nous portent à des actes opposés au
devoir, il en est d'autres, au contraire, qui nous poussent dans
le sens du devoir bien compris qui, alors,
ne nous coûte plus.
Il n'est pas pénible pour une mère normale de se priver, de
s'oublier, de veiller pour son enfant.
Il ne lui en coûte pas
d'accomplir
fidèlement ses devoirs de mère ; c'est plutôt de
s'en décharger sur d'autres qui lui coûte..
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