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La discussion permet-elle de lever tous les obstacles qui nous empêchent de comprendre autrui ?

Publié le 27/09/2005

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Une telle critique sera constamment exposée par Bergson, qui estime, par ailleurs (« Le Rire »), que les mots du langage ne sont que des étiquettes collées sur les choses et par là qu'ils sont incapables d'exprimer les choses mêmes. Il s'agit ici d'une critique du langage et non de notre propre impuissance à exprimer notre vie intérieure. Si nous échouons à traduire ce que notre âme ressent, c'est parce que le langage est inadéquat. Il y a une différence de nature entre notre vie intérieure et le langage. Un sentiment (parmi les mille, évoqués ultérieurement) qui dit tout de la personnalité est, pense Bergson, l'amour (et son opposé, la haine), non pas traité en général, mais dans l'individualité (« chacun de nous ») qui nous appartient en propre (« sa » manière, « sa » personnalité) en tant que sujet. Cette particularité (que l'on sous-entend être différente de l'un à l'autre) exprime cependant à chaque fois la totalité (la personnalité « tout entière »). La richesse du concret d'un sentiment vécu, infiniment varié, s'oppose à la pauvreté abstraite du langage. Le langage n'exprime pas, il est, du dehors, un simple index (« il désigne »). Les états (à comprendre comme multiples, intérieurs et subjectifs) ne peuvent être rendus par le langage qui rate la différence par l'emploi du même (« les mêmes mots »), la particularité par la visée, réductrice, de termes s'appliquant à tous (« tous les hommes »). Comme le ferait un entomologiste collectionneur qui, dans un sous-verre, pique, dans son immobilité, un papillon jadis vivant, le langage fixe l'extériorité (« l'aspect objectif » qui n'est qu'un des multiples aspects du possible) et laisse là échapper -avec le bruissement de la vie- le caractère subjectif et personnel du sentiment.

La discussion est un mode de communication dialectique par le langage, qui permet d'exposer et d'échanger des idées. C'est l'efficace de la discussion qui est ici en question, puisqu'on interroge ce qu'elle rend possible, et, plus précisément, on demande quelles sont la portée et les limites de son efficace dans la compréhension d'autrui. La compréhension d'autrui, c'est la compréhension des idées qu'il exprime, mais aussi la compréhension de ses affects, de ses motivations, de ses modes de fonctionnement, choses qui ne sont peut-être pas évidentes à exprimer uniquement par le langage, d'autant que le langage est souvent insuffisant pour rendre compte de certaines choses, des sentiments par exemple.

« Un sentiment (parmi les mille, évoqués ultérieurement) qui dit tout de la personnalité est, pense Bergson, l'amour (etson opposé, la haine), non pas traité en général, mais dans l'individualité (« chacun de nous ») qui nous appartienten propre (« sa » manière, « sa » personnalité) en tant que sujet.

Cette particularité (que l'on sous-entend êtredifférente de l'un à l'autre) exprime cependant à chaque fois la totalité (la personnalité « tout entière »).La richesse du concret d'un sentiment vécu, infiniment varié, s'oppose à la pauvreté abstraite du langage.

Lelangage n'exprime pas, il est, du dehors, un simple index (« il désigne »).

Les états (à comprendre comme multiples,intérieurs et subjectifs) ne peuvent être rendus par le langage qui rate la différence par l'emploi du même (« lesmêmes mots »), la particularité par la visée, réductrice, de termes s'appliquant à tous (« tous les hommes »).Comme le ferait un entomologiste collectionneur qui, dans un sous-verre, pique, dans son immobilité, un papillonjadis vivant, le langage fixe l'extériorité (« l'aspect objectif » qui n'est qu'un des multiples aspects du possible) etlaisse là échapper –avec le bruissement de la vie- le caractère subjectif et personnel du sentiment.

L'après-coup dulangage (« n'a-t-il pu ») est trop tard.

Son impuissance (soulignée par la formule négative) s'étend à l'expression den'importe quel sentiment, alors qu'il y en a tant et tant dans l'intériorité foisonnante et contradictoire de la vie del'âme (« mille sentiments qui agitent l'âme »). III.

Les modalités limitées de la compréhension par la discussion.

Rôle de l'expérience partagée Une des solutions serait d'envisager un arrière-plan indispensable à toute discussion, mais qui ne serait pas pourtanttotalement exprimé par elle.

Cet arrière-plan serait fait de la conscience d'une expérience commune aux hommes,qui fait qu'ils peuvent se représenter ce que vit et exprime l'autre sans que cela passe par une expression par laconfrontation de paroles. Nietzsche, Par delà le bien et le mal Qu'est-ce en fin de compte que l'on appelle « commun » ? Les mots sont dessymboles sonores pour désigner des idées, mais les idées sont des signesimagés, plus ou moins précis, de sensations qui viennent fréquemment etsimultanément, de groupes de sensations.

Il ne suffit pas, pour secomprendre mutuellement, d'employer les mêmes mots ; il faut encoreemployer les mêmes mots pour désigner la même sorte d'expériencesintérieures, il faut enfin avoir en commun certaines expériences.

C'estpourquoi les gens d'un même peuple se comprennent mieux entre eux queceux qui appartiennent à des peuples différents, même si ces derniers usentde la même langue ; ou plutôt, quand des hommes ont longtemps vécuensemble dans des conditions identiques, sous le même climat, sur le mêmesol, courant les mêmes dangers, ayant les mêmes besoins, faisant le mêmetravail, il en naît quelque chose qui « se comprend » : un peuple.

Dans toutesles âmes un même nombre d'expériences revenant fréquemment a pris ledessus sur des expériences qui se répètent plus rarement : sur elles on secomprend vite, et de plus en plus vite l'histoire du langage est l'histoire d'unprocessus d'abréviation.

[...] On en fait l'expérience même dans toute amitié,dans toute liaison amoureuse : aucune n'est durable si l'un des deux découvreque son partenaire sent, entend les mêmes mots autrement que lui, qu'il yflaire autre chose, qu'ils éveillent en lui d'autres souhaits et d'autres craintes.[...] A supposer à présent que la nécessité n'ait depuis toujours rapproché que des gens qui pouvaient indiquer pardes signes identiques des besoins et des expériences identiques, il en résulte au total que la facilité avec laquelleune nécessité se laisse communiquer, c'est-à-dire, au fond, le fait de n'avoir que des expériences médiocres etcommunes, a du être la plus forte de toutes les puissances qui ont jusqu'ici déterminé l'homme. Autre piste possible pour la troisième partie : une étude de la fonction poétique du langage, comme seulemodalité du langage qui soit en prise avec les affects.

Mais alors il ne s'agit plus de discussion : dans tous les cas, l'efficace de la discussion est très limitée.. »

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