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Discuter ee jugement de Voltaire sur Rabelais

Publié le 13/02/2012

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voltaire

 

Notre curé de Meudon, dans son extravagant et inintelligible livre a répandu une extrême gaîté et une plus grande impertinence. Il a prodigué l'érudition, les ordures et l'ennui. Un bon conte de deux pages est acheté par des volumes de sottises. Il n'y a que quelques personnes d'un goût bizarre qui se piquent d'entendre et d'estimer cet ouvrage. Le reste de la nation rit des plaisanteries de Rabelais et méprise le livre : on le regarde comme le premier des bouffons. On est fâché qu'un homme qui avait tant d'esprit en ait fait un si misérable usage. C'est un philosophe ivre, qui n'a écrit que dans le temps de son ivresse.

voltaire

« son obscenite qui lui defend a jamais de devenir « classique ».

Veuillot, grand styliste, puissant railleur, amateur de vieux langage, l'a en hor- reur.

Taine emet, apres un eloge motive, les plus graves reserves...

non moins motivees : « Rabelais avait in tete epique, et serait le poete national par l'espece des idees et la grandeur des conceptions, si la fate de l'imagination, l'enormite de l'ordure et la bizarrerie de la langue ne l'avaient retina a un auditoire d'ivrognes et d'erudits. Le xx° siecle semble avoir adopte a regard de Rabelais une attitude sage et toute scientifique.

Sans doute it a encore des admirateurs hyperboliques, tel celui qui s'affubla de son anagramme Alcofribas Nasier, mais la plupart se contentent de le comprendre - ce qui n'est pas une petite besogne - et de l'expliquer a autrui.

Notre temps a vu naitre une Societe des Etudes rabelaisiennes qui a fait plus pour nous renseigner sur l'ceuvre et sur l'homme que toutes les appreciations grandiloquentes de nos romantiques, plus ferventes que precises. It*Ir Cette longue revue nous aidera dans in discussion que l'on nous demande d'entreprendre; elle renferme une lecon precieuse, un peu semblable a celle de la dent d'or, administree par Fontenelle a ceux qui admirent sans bien savoir. Voltaire 'ne pouvait se taire sur Rabelais, qu'il n'avait point, comme nos contemporains, etudie a la loupe.

Son appreciation ressemble plus a celle de La Bruyere et de Taine qu'a celles de Victor Hugo et de Michelet.

Ce n'est d'ailleurs pas son appreciation qu'il faudrait dire, mais plat& ses. Car en beaucoup de choses Arouet a eu des memes choses des visions succes- sives et tres diverses, voire diametralement opposees.

Au fort de sa lutte contre « infame », it ecrit a in libre-penseuse Mr"' du Deffand : « J'avais (alors) un souverain mepris pour Rabelais.

Je l'ai repris depuis et, comme j'ai approfondi toutes les choses dont it se moque, j'avoue qu'aux bassesses pros, dont it est trop rempli, une bonne partie de sort here m'a fait un extreme plaisir.

» Ce qui lui causait cet « extreme plaisir », une derniere citation nous le revelera : « Son livre, a la verite, est un ramassis des plus impertinentes et des plus grossieres ordures qu'un moine ivre puisse vomir, mais aussi ii faut avouer que c'est une satire sanglante du Pape, de l'Eglise et de tons les evenements de son temps.» Nous connaissons maintenant toute la pensee de Voltaire sur Rabelais; nous avons entendu les siecles s'exprimer tour a tour; essayons de « discuter », en nous rappelant nos propres lec- tures et les analyses de textes faites en commun. Ig*gr Dans le jugement initial, comme dans les deux autres, nous trouvons une part d'eloges et tine de blame.

Le dosage differe, du premier an iroisieme; mais it ressort de tons que la grossierete, la bassesse de ce moine ne revient pas a Voltaire Examinons tour a tour eloges et reproches. Extreme gaiete, erudition, art de conter, esprit : voila ce qui ressort l'inventaire des premiers.

Extravagance, obscurite, impertinence, ordures, ennui, propos de philo- sophe ivre; voila pour les seconds. **-t Rabelais composa Pantagruel (1532) et Gargantua (1534), pour recreer ses malades, a l'hopital de Lyon on it exercait la medecine.

De fait, ce conte hila- rant ne peut guere pretendre qu'a dilater in rate et expulser la bile.

Afin que nul n'en ignore, l'auteur nous avertit des le debut: ...Voyant he dueil, qui vows mine et consomme, Mieulx est de ris, que de larmes escrire : Pour ce que rise est le propre de l'homme. Le Tiers et le Quart livres, parus douze ans plus tard, s'adressent surtout a des lettres libertins; les premiers sont, dans l'ensemble, d'une gaiete toute populaire : franche, spontanee, irresistible, elle est aussi un peu grosse, peu delicate sur l'emploi des moyens.

Elle rappelle celle des paysans tourangeaux au milieu desquels ecut Rabelais enfant.

Elle fait conger son obscénité qui lui défend à jamais de devenir « classique ».

Veuillot, grand styliste, puissant railleur, amateur de vieux langage, l'a en hor­ reur.

Taine émet, après un éloge motivé, les plus graves réserves ...

non moins motivées : « Rabelais avait.

la tête épique, et serait le poète national par l'espèce des idées et la grandeur des conceptions, si la folle de l'imagination, l'énormité de l'ordure et la bizarrerie de la langue ne l'avaient réduit à un auditoire d'ivrognes et d'érudits.» Le xx• siècle semble avoir adopté à l'égard de Rabelais une attitude sage et toute scientifique.

Sans doute il a encore des admirateurs hyperboliques, tel celui qui s'affubla de son anagramme Alcofribas Nasier, mais la plupart se contentent de le comprendre -ce qui .n'est pas une petite besogne - et de l'expliquer à autrm.

Notre temps a vu naître une Société des Etudes rabelaisiennes qui a fait plus pour nous renseigner sur l'œuvre et sur l'homme que toutes les appréciations grandiloquentes de nos romantiques, plus ferventes que précises.

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Cette longue revue nous aidera dans la discussion que l'on nous demande d'entreprendre; elle renferme une leçon précieuse, un peu semblable à celle de la dent d'or, administrée par Fontenelle à ceux qui admirent sans bien savoir.

Voltaire 'ne pouvait se taire sur Rabelais, qu'il n'avait point, comme nos contemporains, étudié à la loupe.

Son appréciation ressemble plus à celle de La Bruyère et de Taine qu'à celles de Victor Hugo et de Michelet.

Ce n'est d'ailleurs pas son appréciation qu'il faudrait dire, mais plutôt ses.

Car en beaucoup de choses Arouet a eu des mêmes choses des visions succes­ sives et très diverses, voire diamétralement opposées.

Au fort de sa lutte contre l' « infâme», il écrit à la libre-penseuse Mm• du Deffand : «J'avais (alors) un souverain mépris pour Rabelais.

Je l'ai repris depuis et, comme j'ai approfondi toutes les choses dont il se moque, j'avoue qu'aux bassesses près, dont il est trop rempli, une bo1zne partie de son livre m'a fait un extrême plaisir.

» Ce qui lui causait cet « extrême plaisir », une dernière citation nous le révélera : « Son livre, à la vérité, est un ramassis des plus impertinentes et des plus grossières ordures qu'un moine ivre puisse vomir, mais aussi il faut avouer que c'est une satire sanglante du Pape, de l'Eglise et de tous les événements de son temps.

» Nous connaissons maintenant toute la pensée de Voltaire sur Rabelais; nous avons entendu lès siècles s'exprimer tour à tour; essayons de «discuter», en nous rappelant nos propres lec­ tures et les analyses de textes faites en commun .

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** Dans le jugement initial, comme dans les deux autres, nous trouvons une part d'éloges et une de blâme.

Le dosage diffère, du premier au troisième; mais il ressort de tous que la grossièreté, la bassesse de ce moine ne revient pas à Voltaire Examinons tour à tour éloges et reproches.

Extrême gaieté, érudition, art de conter, esprit : voilà ce qui ressort à l'inventaire des premiers.

Extravagance, obscurité, impertinence, ordures, ennui, propos de philo­ sophe ivre; voilà pour les seconds.

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Rabelais composa Pantagruel (1532) et Gargantua (1534), pour récréer ses malades, à l'hôpital de Lyon où il exerçait la médecine.

De fait, ce conte hila­ rant ne peut guète prétendre qu'à dilater la rate et expulser la bile.

Afin que nul n'en ignore, l'auteur nous avertit dès le début: ...

Voyant le dueil, qui vous mine et consomme, Mieulx est de ris, que de larmes escrire : Pour ce que rire est le propre de l'homme.

Le Tiers et le Quart livres, parus douze ans plus tard, s'adressent surtout à des lettrés libertins; les premiers sont, dans l'ensemble, d'une gaieté toute populaire : franche, spontanée, irrésistible, elle est aussi un peu grosse, peu délicate sur l'emploi des moyens.

Elle rappelle celle des paysans tourangeaux au milieu desquels vécut Rabelais enfant.

Elle fait songer. »

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