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Doit-on dire que l'on cherche le bonheur ou qu'on le trouve ?

Publié le 27/02/2008

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Doit-on dire que l'on cherche le bonheur ou qu'on le trouve ?

« Schopenhauer, a dit ici l'essentiel.

L'homme est désir et le désir est manque.C'est pourquoi, pour Schopenhauer comme pour le Bouddha, toute vie estsouffrance : « Vouloir, s'efforcer, voilà tout leur être ; c'est comme une soifinextinguible.

Or tout vouloir a pour principe un besoin, un manque, donc unedouleur...

» ( Le Monde comme volonté et comme représentation , IV, 57). Bien entendu, si le manque est souffrance, la satisfaction est plaisir.

Maiscela ne fait pas un bonheur : « Tout désir naît d'un manque, d'un état qui nenous satisfait pas ; donc il est souffrance tant qu'il n'est pas satisfait.

Ornulle satisfaction n'est de durée ; elle n'est que le point de départ d'un désirnouveau [...].

Pas de terme dernier à l'effort, donc pas de mesure, pas determe à la souffrance...

» (IV, 56).

Il n'y a donc pas, il ne peut y avoir d'expérience du bonheur : ce que nous expérimentons, c'est d'abordl'absence du bonheur (le désir, le manque, la souffrance...), puis(satisfaction) l'absence de son absence.

Sa présence, donc ? Non, et c'est icique Schopenhauer est le plus profond : ce que nous expérimentons, quand ledésir enfin est satisfait, ce n'est certes plus la souffrance (sauf quand unnouveau désir, et cela ne saurait tarder, aussitôt renaît...), mais ce n'estpas non plus le bonheur.

Quoi ? Au lieu même de sa présence attendue, levide encore de son absence abolie.

Cela s'appelle l'ennui : en lieu et place dubonheur espéré, le creux seulement du désir disparu... Pensée désespérante, dit Schopenhauer : le bonheur nous manque quand nous souffrons, et nousnous ennuyons quand nous ne souffrons plus.

La souffrance est le manque du bonheur, l'ennui son absence (quand il ne manque plus).

Car l'absence d'une absence, c'est une absence encore.« Ah ! que je serais heureux, disait-il, si j'avais cette maison, cet emploi, cette femme !...

» Voici qu'il les a ; etcertes il cesse alors (provisoirement) de souffrir - mais sans être heureux pour autant.

Il l'aimait quand il ne l'avaitpas, il s'ennuie quand il l'a...

C'est le cercle du manque : tantôt nous désirons ce que nous n'avons pas, et noussouffrons de ce manque ; tantôt nous avons ce que nous ne désirons plus (puisque nous l'avons), et nous nousennuyons...

Schopenhauer conclut, et c'est la phrase la plus triste de l'histoire de la philosophie : « La vie doncoscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l'ennui...

» (ibid., IV, 57).

Misère de l'homme.

Lechômage est un malheur, mais chacun sait bien que le travail n'est pas pour autant, en tant que tel, un bonheur.

Etil est affreux de n'avoir pas de domicile ; mais qui serait heureux, simplement, d'en avoir un ? On peut mourird'amour, enfin, mais point en vivre : déchirement de la passion, ennui du couple...

Il n'y a pas d'expérience dubonheur, il ne peut y en avoir.

C'est que le bonheur, explique Schopenhauer, n'est rien de positif, rien de réel : iln'est que l'absence de la souffrance, et une absence n'est rien.

« La satisfaction, le bonheur, comme l'appellent leshommes, n'est au propre et dans son essence rien que de négatif...

Le désir, en effet, la privation, est la conditionpréliminaire de toute jouissance.

Or avec la satisfaction cesse le désir, et par conséquent la jouissance aussi »(IV, 58).

Le désir s'abolit dans sa satisfaction, et le bonheur se perd dans ce plaisir.

Il manque donc toujours(souffrance), même quand il ne manque plus (ennui).

Il n'existe qu'en imagination : tout bonheur est d'espérance ;toute vie, de déception.

Le bonheur n'est que l'objet d'une recherche et rien d'autre, recherche qui n'aboutit pas.

Vouloir l'impossible, est-ce le bonheur ? Est-ce à dire qu'il n'est de bonheur que pour le sage ? Ce serait faire du bonheur - et d'ailleurs aussi de lasagesse - un absolu qui nous l'interdirait.

En vérité, personne n'est sage tout entier, ni fou, et tout bonheur en celaest relatif : on est plus ou moins heureux, et c'est ce qu'on appelle être heureux.

Qui voudrait l'être absolument nele serait jamais, et c'est en quoi le bonheur se distingue de la félicité (si l'on entend par là un bonheur absolu) etsuppose qu'on y renonce.

On ne peut donc accepter ce qu'écrit Kant, à savoir que, « pour l'idée du bonheur, untout absolu, un maximum de bien-être dans mon état présent et dans toute ma condition future, est nécessaire »(Fondements de la métaphysique des mœurs, II).

À ce compte-là, on ne serait jamais heureux, et il ne s'agirait toutau plus que d'être digne de le devenir (dans une autre vie) : il n'y aurait plus que la morale et la religion.

Cettefélicité illusoire et impossible (« idéal, comme dit Kant, non de la raison mais de l'imagination ») est peut-êtrel'obstacle principal qui nous sépare du bonheur réel, toujours relatif, et qui ne va pas sans une part de deuil ou derenoncement.

Cela est vrai, certes, des félicités paradisiaques que la religion promet : « L'abolition de la religion entant que bonheur illusoire du peuple, dira Marx, est l'exigence que formule son bonheur réel » (Critique de laphilosophie du droit de Hegel, « Introduction »).

Mais cela est vrai aussi, et peut-être surtout, des rêves terrestresque chacun se fait (la fortune, la gloire, le prince charmant...), rêves qui ne seraient que dérisoires s'ils ne faisaientde notre vie, par contraste, comme un long et douloureux purgatoire.

« Nous ne vivons jamais, nous espérons devivre...

» L'abolition de l'espérance, en tant que bonheur illusoire du sujet, est ainsi, pourrait-on dire pourparaphraser Marx, l'exigence que formule son bonheur réel.

Ce chemin de la désillusion est le chemin même de la philosophie, dans ce qu'il a de paradoxal : il faut cesser de croire au bonheur (comme félicité) pour pouvoir le vivre(comme bonheur).

Pas de bonheur, ici encore, en tout cas pas de bonheur réel (car on peut être heureux sansdoute, dans la foi, par la simple pensée d'un bonheur attendu ; mais le bonheur ne vaut alors que ce que vautcette pensée...) ; pas de bonheur, donc, pas de bonheur réel, sans une part de désespoir : le bonheur n'estpossible (comme bonheur relatif) qu'à qui comprend qu'il est impossible (comme bonheur absolu).

C'est aussi laleçon de Freud : pas de bonheur sans deuil, et sans le deuil, d'abord, du bonheur.Conclusion.

A la vue de ces arguments, on comprend que le bonheur est plus l'objet d'une recherche, et que finalement on letrouve rarement, le bonheur est une visée, un objectif que l'on donne à ses actions, but finalement jamais atteint.. »

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