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Le don peut-il être gratuit ou n'est-il qu'une forme de l'échange ?

Publié le 11/02/2011

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I. ANALYSE DU SUJET. CONSEILS REMARQUES DE MÉTHODE • Ce sujet, classique, fait appel à la notion d'échange dans toutes les acceptions de ce terme, aussi bien matérielles qu'intellectuelles ou morales. Leur examen permettra de répondre à la question posée. • Cette question contient, semble-t-il, une contradiction : un don est, par définition, gratuit. Le problème posé par la question paraît donc absurde. Nous le résoudrons en levant cette apparente absurdité. • L'analyse des trois termes importants, « don «, « gratuit « et « échange « doit être très soigneusement conduite. • C'est sur l'ambiguïté du mot « donner « bien évidemment lié à «don« (faire un don, c'est donner) que nous allons construire notre plan. Peut-on donner gratuitement? L'examen de cet acte dans les sociétés anciennes et modernes montre qu'il n'en est rien en général, qu'il s'agit en réalité d'un échange. Comment dépasser cette situation? Il faut que vraiment rien ne soit attendu du geste, comme dans un acte d'amour. Voici donc le plan proposé : A - Le don dans les sociétés archaïques : une forme de l'échange.

B - Le don dans les sociétés modernes : une forme de l'échange.

C - Le don gratuit de l'amour.   

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« Pour nous efforcer d'échapper à l'aporie initiale, tentons d'approfondir cette notion de «don» qui, des sociétésarchaïques à nos groupes sociaux contemporains, se présente de manière complexe, avec une significationéconomique, certes, mais aussi religieuse, psychologique, etc...

C'est un « phénomène social total » auxconnotations variées, multiples et riches. Le grand anthropologue Marcel Mauss s'est particulièrement attaché au don dans les sociétés et dans les droits quiont précédé les nôtres.

Or, dans ces sociétés dites « archaïques» ou «primitives», le don n'est précisément pasgratuit ou désintéressé.

Il est toujours réciproque, car celui qui offre quelque chose attend autre chose en échange.Mais qu'offre-t-on exactement? Des réalités très diverses, richesses, festins ou politesses, qui sont apportées etoffertes, non point par un individu en tant que tel, mais par des collectivités.

Le don ne saurait ici être gratuit, car,en retour, quelque chose est attendu, une contre prestation, qui est rigoureusement réglementée.

Le « primitif »donne, mais, pour, en échange, obtenir quelque chose.

Son don n'est donc, en aucune manière, désintéressé.Écoutons ici Marcel Mauss : « Ce que (les clans, tribus, familles) échangent, ce n'est pas exclusivement des bienset des richesses, des meubles et des immeubles, des choses utiles économiquement.

Ce sont avant tout despolitesses, des festins, des rites, des services militaires, des femmes, des enfants, des danses, des fêtes, desfoires...

où la circulation des richesses n'est qu'un des termes d'un contrat beaucoup plus général et beaucoup pluspermanent...

Ces prestations et contre-prestations s'engagent sous Une forme plutôt volontaire, par des présents,des cadeaux, bien qu'elles soient au fond rigoureusement obligatoires, à peine de guerre privée ou publique »(Marcel Mauss, Essai sur le don).

Ainsi, ce qui est important, c'est que le don, non seulement n'est pas gratuit etdésintéressé, mais s'insère dans un système d'obligations réciproques. Mais quoi, nous dira-t-on ici, pourquoi ces analyses et en quoi le don obligatoire du primitif nous concerne-t-il? Nousne sommes plus des primitifs, nous n'appartenons plus aux sociétés archaïques, mais aux sociétés civilisées! Erreur,nous allons bientôt voir que le primitif sommeille bien souvent en nous et que, loin d'être mort dans nos cœurs, il esttapi et veille chez l'homme moderne qui se croit le plus « évolué ». Donc, chez le primitif, le don n'est pas désintéressé, il s'agit de donner pour recevoir et pour gagner autre chose.Mais quoi? C'est ce que l'analyse du fameux potlatch va nous faire comprendre et saisir.

Le don, chez les Indiens dela côte Pacifique d'Amérique du Nord, prend la forme du « potlatch ».

Les tribus de cette région sont riches etpassent leur temps en fêtes et banquets (d'ailleurs potlatch signifie consommer).

Or, dans le potlatch, la tribu, àtravers les dons, s'efforce de conquérir le prestige le plus grand.

Ces Indiens donnent ici pour surpasser les rivauxdans le « luxe », de manière telle que ces derniers ne puissent, en retour, satisfaire de manière identique auxobligations.

Certes, le rival doit rentrer dans le circuit, car le don, c'est l'échange, mais ce rival sera écrasé par ledonateur.

Le don a pour finalité fondamentale de surpasser et de dominer l'Autre.

« Ce qui est remarquable, dansces tribus, c'est le principe de la rivalité et de l'antagonisme qui domine toutes ces pratiques.

On y va jusqu'à labataille, jusqu'à la mise à mort des chefs et nobles qui s'affrontent ainsi » (Mauss, op.

cité).

Ainsi va-t-on mêmejusqu'à détruire les richesses accumulées de manière à éclipser le chef rival. Par conséquent, on donne ici de manière non gratuite, profondément intéressée, pour acquérir de la puissance et dupouvoir, dans un circuit qui est celui d'échanges réciproques.

Mais qu'en est-il dans nos sociétés moderne? B) Le don dans les sociétés modernes: une forme de l'échange. Dans nos sociétés modernes, le « don » intervient souvent.

Nous faisons des « dons », nous offrons cadeaux, repas,plaisirs divers, souvent à date fixes et selon des règles bien établies.

Or, à ce niveau d'analyse, le don a exactementla même signification que dans les sociétés primitives.

Quand nous « rendons » un repas ou une réception, nousfonctionnons exactement comme ces peuples dits primitifs auxquels nous nous croyons étrangement supérieurs.

Demême que, dans le potlatch, le groupe archaïque brûle ses richesses pour acquérir du prestige, de même nousdonnons et rendons des fêtes pour nous intégrer le mieux possible dans le grand circuit des échanges.

Que faisons-nous exactement? Ce foulard offert, ce cadeau somptueux, ces fêtes de Noël où nous brûlons de l'argent, quemanifestent-ils? La forme la plus élémentaire de notre « volonté de puissance ».

Le riche qui organise une fêtefastueuse donne à voir et exprime son pouvoir; en dilapidant ses biens, il a barre sur autrui, auquel il est supérieur.Certes, ce don destiné à marquer sa place dans le monde s'exprimait mieux dans la société aristocratique que dansla nôtre, la collectivité d'essence bourgeoise.

Tous les historiens qui ont étudié la société médiévale et la noblessesavent que l'aristocrate est celui qui dilapide et brûle, qui donne par goût de la gloire.

Mais cette tendance seretrouve aussi dans nos sociétés bourgeoises moins désireuses de dilapider pour l'honneur.

Que faisons-nous? Nousdétruisons, lors d'une fête, l'objet devant autrui.

Or, en ce processus (non gratuit), nous nous affirmons, ce queseuls, dans notre intimité, nous ne saurions faire.

Le don engendre le lien social et la puissance.

Comme l'écritjustement Georges Bataille « le don ne pourrait acquérir seul un pouvoir fait d'un abandon de pouvoir : s'il détruisaitl'objet dans la solitude, en silence, nulle sorte de pouvoir n'en résulterait, il n'y aurait dans le sujet, sanscontrepartie, que détachement du pouvoir.

Mais s'il détruit l'objet devant un autre, ou s'il le donne celui qui donne 1a pris effectivement aux yeux de l'autre le pouvoir de donner1 ou de détruire.

Il est riche désormais d'avoir fait desa richesse l'usage voulu dans l'essence de la richesse » (G.

Bataille, La part maudite, Minuit). Ainsi, je donne face à un autre, non point gratuitement, mais pour manifester qui je suis et « gagner » quelquechose.

Gagner quoi exactement? Ma place dans le monde.

Je suis le plus fort, le plus riche, celui qui peut détruireles richesses et les biens et éclipser ainsi Autrui...

Sommes nous vraiment et réellement aussi sots et naïfs? C'estbien ce que semble prouver une anthropologie de l'homme moderne, dans sa quotidienneté et son vécu.

Certes, il y. »

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