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Droit des contrats spéciaux - commentaire d'arrêt : Cour de Cassation, 1ère civ, 7 mars 2006 (droit)

Publié le 14/07/2012

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La Cour a connue quelques hésitations quant au régime applicable aux chèques. Certaines décisions ont admis que l'endossement constituait un écrit, au sens de l'article 1347 du Code Civil, émanent de celui a qui le chèque est opposé (Cass. Civ. 1Ère 10 mai 1995). D'autres arrêt décident en revanche que « l'endossement de chèques démontre seulement la réalité de la remise des fonds et ne constitue pas un commencement de preuve par écrit des prêts invoqués « (Cass. Civ. 1Ère 3 juin 1998) ; c'est dans ce dernier courant jurisprudentiel que s'inscrit l'arrêt du 7 mars 2006 en rejetant la demande de remboursement au motif que « les chèques émis par M. X... (le demandeur) ne pouvaient faire preuve, même à titre de commencement de preuve, du prêt invoqué par lui «. 

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« que les choses ne sont pas remises, le prêt n'est pas formé.On pourrait ainsi penser qu'il n'est pas possible de concevoir de prêt tant que la chose n'est pas livrée, car l'obligation de la rendre, qui est l'essence de ce contrat, nepeut pas apparaitre avant qu'elle n'ait été reçue (R-J Pothier, op.

Cit, n°6 – J.

Domat, lois civiles, livre 1, titre 5, section 2, n°3 – L.

Guillouard, op.

Cit, n°8).

Maispourquoi faudrait-il que l'obligation de restituer ait pris naissance pour que le contrat se forme? On peut concevoir sans difficulté que l'obligation de restituer naissede l'accord des volontés sous condition suspensive de la remise de la chose.

Ainsi, certains comme G- Baudry Lacantitinerie et A.

Wahl (op.

Cit, n° 597) ou J.Mazeaud (op.

Cit, n° 1434) considèrent que la remise de la chose n'est pas une condition de la formation du contrat, mais davantage le premier acte de l'exécution ducontrat.

De plus, pour ces opposants, cette remise de la chose porterait atteinte au consensualisme et à l'autonomie de la volonté puisqu'elle remettrait en cause larestitution qui se doit d'être réalisée de bonne foi. Quoi qu'il en soit, nous pouvons dire que la remise de la chose constitue une partie du consentement du contractant.

Si la chose n'est pas remise, le contrat n'est pasformé.

En l'espèce, la Cour de cassation a constatée l'absence de cause de l'obligation du cocontractant (la remise de la chose), de telle sorte que le contrat de prêt nepeut être formé. l'article 1892 du Code Civil envisagé comme base légale du rejet formulé par la Cour. La décision de rejet du 7 mars 2006 se fonde sur l'article 1892 du Code Civil selon lequel « le prêt de consommation est un contrat par lequel l'une des parties livre àl'autre une certaine quantité de choses qui se consomment par l'usage, à la charge de cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et quantité ».

Cet articleimpose le caractère réel par l'emploi de l'expression « livre (...) une certaine quantité de chose » mais rien dans cette définition ne permet de dire qu'il faut traiterdifféremment le prêteur professionnel et le prêteur non professionnel.

Il est donc difficile de concevoir, en dehors de toute base légale que la Cour de cassation sefonde à priori entièrement sur la qualité d'une des parties pour déterminer la nature de l'opération effectuée.

Il aurait été plus raisonnable de concevoir que seulescertaines obligations accessoires comme l'obligation d'information ou de conseil puissent être mises à la charge d'une des parties à raison de sa qualité.

La démarchede la Cour peut donc paraitre contestable et un défaut d'unité d'interprétation entre les différentes juridictions nationales peut voir le jour et engendrer une perte deconfiance en la justice.Ainsi à travers leur décision du 7 mars 2006 on peut dire que le pouvoir d'interprétation des juges de la Haute juridiction est très étendu.De plus, à la lecture de l'article 1892 on peut souligner que le prêt de consommation est un contrat « par lequel une partie livre à l'autre...

»; cette formulation manquede netteté car la livraison dont il est question peut s'entendre comme une simple conséquence de la formation du contrat (J.

Combescure).Ainsi, le rejet formulé par la Cour de cassation dans l'arrêt étudié peut être contestable au regard de sa base légale. le prêt d'argent entre particuliers : un contrat réel aux conséquences étendues Le prêt d'argent entre particulier est un contrat réel, dont la qualification fait découler des conséquences non négligeable en matière de preuve (A) ; ces difficultésamènent à s'interroger sur le fait de savoir si l'intention de protéger le prêteur est toujours présente (B). A) la nécessité de prouver le versement des sommes litigieuses Une inversion de la charge de la preuve ? « La Cour d'Appel qui constate que M.

X (le demandeur)...

ne rapportait pas la preuve du versement de la somme litigieuse, a, sans inverser la charge de la preuve,légalement justifié sa décision ».

La Haute juridiction affirme donc que la charge de la preuve de l'existence du prêt incombe au demandeur.

Cette solution s'avèreinattendue puisque le demandeur défendait dans son moyen que la charge de la preuve incombe au demandeur en vertu des articles 1132 et 1135 du Code Civil.

Ilpensait en effet qu'un contrat restait valable bien que la cause ne soit pas exprimée.

Ainsi ce serait au débiteur a qui incomberait la charge de la preuve de l'absencede cause afin de se soustraire de son obligation. En effet, en vertu de l'article 1132 du Code Civil, l'existence de la cause du prêt est présumée.

Le créancier peut donc poursuivre le paiement sans avoir a établir laraison pour laquelle le débiteur s'est engagé à son égard.

Il appartient donc au débiteur de prouver l'absence de cause, ce qu'il peut faire par tout moyen (art 1341Cciv), le billet n'étant pas causé.

Cette interprétation était celle communément admise, d'ailleurs la Cour de Cassation a même affirmé « qu'il incombe aux signatairesd'une reconnaissance de dette de prouver la réalité de l'absence de remise des fonds » (Cass.

Civ.

1ère 7 avril 1992).

Ainsi, c'est l'emprunteur qui doit démontrer queles fonds ne lui ont pas été versés.

Cependant dans l'arrêt en question de 2006 la Haute juridiction adopte un tout autre raisonnement.L'arrêt de 2006 va à l'encontre de l'article 1132 du Code Civil, puisque dans sa décision, la Cour établie l'absence de présomption de cause du prêt jusqu'à preuve ducontraire.

Ce renversement de situation semble découler de la nature réelle du contrat de prêt entre particuliers.

Il est possible de penser que puisque le contrat réel nese forme que par la remise de la chose et que la reconnaissance de dette ne mentionnait aucun versement préalable, le contrat ne pouvait être présumé conclu.

Or,sans contrat de prêt il n y a pas d'obligation de restitution.

C'est donc à celui qui réclamait l'exécution de cette obligation de la prouver en rapportant la preuve duversement des fonds nécessaires à la formation du contrat.

Il en découle que la reconnaissance de dette fondée sur un contrat de prêt qui n'existe pas (puisque pas deversement de fonds) est nulle pour absence de cause.

Il est possible de penser que la Haute Juridiction a suivi ce raisonnement approuvant ainsi la Cour d'appel.Cette solution peut paraitre critiquable puisqu'elle prive la reconnaissance de dette du peut d'autonomie dont elle disposait.

En revanche, il est possible d'approuvercette décision en ce qu'elle pallie aux difficultés probatoire susceptibles d'être rencontrées par le débiteur.

Il est plus difficile de prouver un fait négatif (l'absence deversement des fonds) qu'un fait positif (le versement des sommes par le prêteur).

Il est plus aisé pour le créancier de prouver qu'il a effectivement versé les fondsnotamment par le biais de relevés bancaires.

Il semble donc qu'il s'agit là en réalité d'une faveur faite au débiteur bien que la Haute juridiction affirme ne pas avoirinversé la charge de la preuve. L'impossible présomption d'une obligation de restitution du fait de la remise de chèques La Cour a connue quelques hésitations quant au régime applicable aux chèques.

Certaines décisions ont admis que l'endossement constituait un écrit, au sens del'article 1347 du Code Civil, émanent de celui a qui le chèque est opposé (Cass.

Civ.

1Ère 10 mai 1995).

D'autres arrêt décident en revanche que « l'endossement dechèques démontre seulement la réalité de la remise des fonds et ne constitue pas un commencement de preuve par écrit des prêts invoqués » (Cass.

Civ.

1Ère 3 juin1998) ; c'est dans ce dernier courant jurisprudentiel que s'inscrit l'arrêt du 7 mars 2006 en rejetant la demande de remboursement au motif que « les chèques émis parM.

X...

(le demandeur) ne pouvaient faire preuve, même à titre de commencement de preuve, du prêt invoqué par lui ».En effet, Le prêteur, pour démontrer l'existence du contrat de prêt se prévalait de la remise de deux chèques à la prétendue emprunteuse.

Les juges du second degréavaient considéré qu'ils démontraient un paiement mais qu'ils ne peuvent faire preuve, même au titre d'un commencement de preuve, du prêt dès lors que le prêteurétait le signataire des deux chèques et que l'écrit pour faire preuve doit émaner de celui auquel on prétend l'opposer.Il est vrai qu'un chèque doit rester un acte puisqu'il ne peut révéler une intention particulière.

Il ne prouve que le versement d'une somme d'argent, fait matériel, maisne fournit aucune indication sur la cause de ce versement : est ce une libéralité, un prêt, ou même le paiement d'honoraires? Il s'ensuit que l'intention de prêter ne peutse présumer, c'est au créancier de la prouver.La cour décida que le moyen invoqué par le demandeur selon lequel l'endos devait constituer un commencement de preuve par écrit était « surabondant » et refusa, àl'image de la Cour d'appel de Versailles, de reconnaitre les chèque comme moyen de preuve. Cependant, il faut souligner la vision des choses nuancée de la Cour de Cassation qui emploie la formulation « abstraction faite du motif erroné », indiquant sondésaccord avec la motivation des juges du fond.

Le professeur Piedelièvre estime même que la Cour d'appel de Versailles « s'était située dans le droit fil de l'arrêt du3 juin 1998 ».

Et que la Cour de Cassation, quant à elle, aurait davantage choisie d'opérer un retour vers la position qu'elle avait adoptée le 10 mai 1995 puisque parl'expression « abstraction faite du motif erroné », elle ne se bornerait pas seulement à retenir que les chèques démontraient la réalité de la remise des fonds, mais elleconsidèrerait qu'ils pourraient constituer un commencement de preuve par écrit.. »

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