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ECKHART : Le Livre de la consolation divine

Publié le 23/02/2013

Extrait du document

La pensée d' Eckhart a souffert à plusieurs reprises de mauvaises interprétations. Au xixe siècle, en particulier, A. Rosenberg, un théologien, détourna les doctrines du Maître pour faire de celui-ci le champion d' une religion purement aryenne et germanique. Ce détournement est une véritable aberration et ne correspond en rien au contenu de l'ouvrage....

« Prédicateur.

Gravure sur bois tirée de La Nef des fous de Sebastian Brandt , Allemagne, xve siècle EXTRAITS ----- - -- Les trois souffrances humaines Le grand maître saint Paul dit dans son épître : « Loué soit Di eu, père de Notre­ Seigneur Jésus-Christ, père de la miséri­ corde et Dieu de toute conso lation, qui nous c onsole dans toutes nos afflic tions » .

Or, il y a trois sortes de tribulations qui assaillent l'homm e et le mettent dans cette misère.

La première, ce sont les dommages causés à un bien extérieur ; la seconde lui vient de ses plus chers amis ; la troisième réside en lui­ même sous forme de hont e, d 'ennui , de dou­ l eurs physiques ou de c h agr ins intimes.

L'homme bon et la Bonté Il faut d'abord savoir que le sage et la Sages­ se, l' homm e vrai et la Vérité , l'homme bon et la Bonté, l'homme juste et la Justice se regardent dans les yeux.

La Bont é n'est pas faite, ell e n'est pas créée, e ll e n'est pas née ; elle est génératrice et engendre l'homme bon ; et l'homme bon, dans la mesure où il est bon , n 'est pas fait, n'est pas créé, et pourtant il est né à la fois enfa nt et fils de la Bonté.

La Bonté s 'engendre elle-même avec tout ce qu'e ll e est, dans l'être bon.

Connaissance, amour et action, ell e déverse tout cela dans l'h omme bon, et l'homme bon reçoit du tr éfonds de la Bonté, et de là seu lement, tout son être: savoir, amour et action.

L'homme bon et la Bon té ne so nt qu'une seule et unique Bont é, avec cette restrict ion que le premier est enge ndr é, tandis que la seconde enge ndr e.

Et l'enfan temen t de la B onté et la naissance de l'homm e bon ne sont qu'un seu l et même êtr e, une seule et même vie.

Tout ce qui lui apparti ent, l'homme bon le reçoit de la Bonté et dan s la Bonté.

C'est là qu'il est, qu'il vit et demeure, et c' est là qu'il se conn aît lui-m ême.

Et tout ce qu'il connaî t et aime, il l'aime et le fait par la Bont é et dans la Bon t é, et la Bont é le fait par lui et en lui dans toutes ses action s, ainsi qu'il es t écrit dans les par oles du Fils: «Le Père qui demeure et habite en moi fait les œuv res » .

« L e P ère agit jusqu'à ce jour et moi aussi j'agis.

» « Tout ce qui appartient au Père m'appartient égal ement; tout ce qui m 'ap­ partient appartient à mon Père », à Lui parce qu'il donne, à moi parce que je reço i s.

Le monde est indigne de la souffrance Saint Jean pa rle quelque part des afflictions multiples que les saints ont eues à tra verse r et ajoute que le monde n'e n éta it pas digne .

Cette parol e, po ur qui veut la com prendre pleinement, recè le trois significatio n s.

D'abo rd, q ue ce monde ne mérite pas qu'il ex is te beau­ coup d'homm es bons .

D euxiè me sens qui est meilleur.

La bonté que ce monde estim e odieuse et sans val e ur n'est digne que de Di eu; c'est pour­ quoi les saints sont ch ers à Di eu et dignes de Di e u.

Quant au troisième sens , voici comme nt je l'e n­ tends : les gens de ce monde (c'est-à- dire qui aiment ce qui est de ce monde) ne méritent pas du tout de souff rir des peines et des misères pour Dieu.

C'est à ce propos qu'il est écrit que les apôtres se réjouissaient d'avoi r été jugés dignes de souffrir des maux et des misères pour l'amour de Di eu.

Éd.

Montaigne , 1942 Couples.

Gravure sur bois tirée de La Nef d es fous de Sebastian Brandt , Allemagne, xve siècle NOTES DE L'ÉDITEUR fonctionnelle, plus encor e la perp étuelle opposition de l'être à l'avoir.

Si l'on né g lige ces perspectiv es, on accusera trop facilement le prédic ateur de se contredir e.

C'est ai nsi qu ' il [affirm e] en plu s d' un endroit que la créature péc here sse n'ex is te pas .

( ...

) Il re ste que l'import ance de Maître Eckhart est considérable, no n se ulem ent p arce qu'il s'ag it d' un gra nd écrivain et d ' un fondateur de la pro se allemande -non se ule m ent parce qu'à travers son gé nie propr e cer tain s thèm es néo- platonici ens vont passer dans la plus essentielle tradition en s'y réfr actant selon l'e s prit du créateur d 'une race plus métaphy sicienne peut-être qu 'aucune a utre- , mai s éga lement sur le plan de la pure spiritualité, car nulle part sa ns doute ailleur s, d ans l'immen se trésor de la my stique chrétienne, on ne trouv e un certain to n qui révè le une profondeur iné gala ble de " dépouillement '', de " nu­ dit é", de " re noncement à soi".

»Maurice de Gandill ac, introduction aux Œuvres «E n lisant le Livre de la conso latio n divine, on verra mieux 'qu' à trav ers tous les commentaires quelle est l' imm édiat eté de cette foi; d e cette union indivisible du "Je " et du " Tu" , combien e lle est l oin de toute dialec tiqu e formelle .

On reconnaîtra au p assage certa ins de s thème s les plu s constants de la philo sophie contemporaine : l a pr ése nce s ubstitu ée à la reco nna issa nce , l 'en gage ment d'ami tié à l'a ppart en an ce 1 Giraudon 2.

3 Edi méd ia de Maître Eckhart, Éd.

Montaign e, 1942.

EC KH A RT02. »

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