Devoir de Philosophie

Education purement livresque

Publié le 19/07/2013

Extrait du document

Sujet : Montaigne a dit : « Fâcheuse éducation qu'une éducation purement livresque «. Auteur avec « Les Essais « d'un monument de la littérature française , Montaigne est une figure fondamentale de la pensée de la Renaissance. Au cours du XXème siècle, de nombreux critiques ont érigé Montaigne au rang de père de la pédagogie car au cours de l'élaboration de son oeuvre majeure, il a réfléchi sur l'éducation et sur l'apprentissage des enfants. Comme chez Rabelais, l'éducation est pour Montaigne le moyen de réaliser la nature humaine. Les deux prônent l'éducation contre l'instruction, l'acquisition d'un savoir utile et maîtrisé contre un savoir imposé et mal digéré. Dans les Essais, dans le chapitre de l'Education, Montaigne dénonce ce qu'il appelle l'éducation purement livresque, c'est-à-dire qui ne consiste pour l'élève qu'à savoir p ar coeur ses leçons sans jamais chercher à les comprendre, « Fâcheuse éducation qu'une éducation purement livresque «. Sur ses bases, il convient de définir se que l'on entend par « éducation «. Elle ne se limite pas à l'instruction relative seulement aux p urs savoirs et savoir-faire, mais vise aussi à assurer à chaque individu le développement de toutes ses capacités physiques et intellectuelles. Le terme très restrictif « purement « donne à cette affirmation un caractère d'exclusivité dont nous exposerons les dangers Nous aborderons dans un second temps la nécessité de s'enrichir via divers moyens autres que les livres. Enfin, nous ouvrirons notre réflexion à l'éducation via internet qui présente autant d'avantages que de dangers. Une éducation exclusivement livresque, qui ne serait qu'un pur récit des livres et des manuels scolaires, n'aurait pour ainsi dire aucune vocation d'apprentissage ni de compréhension. Si un élève connaît sa leçon par coeur, cela ne veut pas dire pour autant qu'il la comprend. Il ne développera pas d'ouverture d'esprit par un tel apprentissage et sera conditionné par la façon de penser des auteurs . Dans ce cas, l'esprit du lecteur est centré non plus sur sa propre pensée mais sur celle d'autrui ne laissant ainsi plus de place pour une conceptualisation et une expression personnelle : l'élève apprend des pensées et non à avoir sa propre pensée Pour argumenter, le lecteur se limite à citer l'auteur en rapportant exacteme nt ce qu'il dit. Ceci ne laisse donc aucune ouverture vers un jugement personnel. Un tel apprentissage pose également le problème de l'absence de rapports humains et de contacts sociaux, ce qui peut entraîner un risque d'isolement et d'enfermement de l'élève. La transmission de l'éducation est assurée par l'institution qu'est l'école, et pas seulement par les livres qui y sont utilisés. La sphère sociale joue également un rôle important, voire primordial, dans le développement de sa culture propre. Ainsi, l'être humain éduqué doit devenir une entité responsable dans la société dans laquelle il évolue, capable de réfléchir pour le bien de celle -ci. Eduquer c'est donc mettre en oeuvre des moyens propres à assurer la formation et le développement d'un être humain, y compris ses aptitudes sociales. L'enseignement livresque ne permet pas de préparer aux réalités du monde, car il ne rend compte que de façon partielle de la réalité , qui peut être très éloignée de la théorie. Ainsi Rousseau, dans Emile ou De l'éducation, propose de retarder au maximum la fréquentation des livres : « il ne faut point d'autre livre que le monde, point d'autre instruction que les faits «. Cette vision de l'éducation se trouve être l'antithèse de l'éducation purement livresque, puisque basée sur la seule expérience. Les dangers de cette éducation purement livresque étant ainsi détaillés, nous allons voir que d'autres moyens d'apprentissage peuvent pallier à ce déficit de diversité, tout en gardant à l'esprit la distinction entre éducation et enseignement. L'éducation est, étymologiquement, l'action de « guider hors de «, c'est-à-dire développer, faire produire. On confond souvent enseignement et éducation. En effet, ce dernier terme correspond à la formation globale d'un individu, à divers niveaux (religieux, moral, social, technique, scientifique, ...). L'éducation ne se limite pas à l'instruction, qui serait relative seulement aux purs savoirs et savoir-faire Elle vise également à assurer à chaque individu le développement de toutes ses capacités (physiques, intellectuelles et morales). Ainsi, cette éducation lui permettra d'affronter sa vie personnelle, de la gérer en étant un citoyen responsable dans la société dans laquelle il évolue. Il faut savoir qu'une grande partie de l'action éducative des adultes sur les enfants se déroule sans que ni les uns ni les autres n e s'en rendent vraiment compte : on éduque plus par ce qu'on est que par ce qu'on fait. Les savoirs et les savoir-faire ne sont pas ici lettrés, mais acquis par l'enfant en observant et en écoutant. Il apprend, par mimétisme, en calquant sur ce qu'il voit faire et entend dire. Autrement dit, l'apprentissage s'effectue de façon implicite ou « informelle «, dans l'environnement familial. L'expérience personnelle et l'observation induisent l'implication de l'étudiant dans la réalisation d'essais, ce qui lui permet d'apprendre de ses erreurs. Par ce biais, l'apprenant peut percevoir un problème sous différents angles, lui permettant de développer une imagination fertile. La combinaison de la théorie et de la pratique permet de mesurer l'écart entre un document théorique « livresque « et la donnée concrète, par l'expérimentation, la mesure, la confrontation.... Cette double connaissance est indispensable pour inciter à développer un esprit critique chez les élèves. N'oublions pas l'apprentissage des métiers manuels qui, bien que nécessitant un minimum d'enseignement théorique, est avant tout basé sur la pratique de gestes et de savoir-faire. Une autre composante majeure de l'éducation est l'ouverture sur le monde, qui passe dans un premier temps par les médias, que ce soit les journaux, la radio ou la télévision. En effet, ceux-ci permettent d'avoir un aperçu du monde, et ceci est d'autant plus important aujourd'hui que nous vivons dans un monde globalisé, ou les échanges sont facilités. Dans un même esprit les voyages, chers à Montaigne, « forment la jeunesse «. En 1751, cette idée est à nouveau développée dans l'Encyclopédie : « Aujourd'hui les voyages dans les états policés de l'Europe, sont au jugement des personnes éclairées, une partie des plus importantes de l'éducation dans la jeunesse, et une partie de l'expérience dans les vieillards. Choses égales, toute nation où règne la bonté du gouvernement, et dont la noblesse e t les gens aisés voyagent, a des grands avantages sur celle où cette branche de l'éducation n'a pas lieu. Les voyages étendent l'esprit, l'élèvent, l'enrichissent de connaissances, et le guérissent des préjugés nationaux. C'est un genre d'étude auquel on n e supplée point par les livres, et par le rapport d'autrui ; il faut soi-même juger des hommes, des lieux, et des objets «. Ainsi les voyages, qui sous-tendent la découverte d'autres façons de vivre et de penser, sont utiles et même nécessaires à la connai ssance, l'initiation, et l'éducation. Ils apprennent l'autonomie et ouvrent l'esprit sur la nature, sur les civilisations et les peuples du monde avec leurs coutumes, leurs religions, leurs richesses culturelles Aujourd'hui, le développement des technolog ies et des médias ouvrent encore de nouveaux horizons en termes d'éducation et d'information, offrant la possibilité d'effectuer virtuellement les voyages vantés par Montaigne notamment . Nous nous attacherons plus particulièrement à la place primordiale qu 'internet est voué à prendre dans le modèle éducatif. Le réseau internet donne accès à un très grand nombre de ressources didactiques et documentaires, inaccessibles par d'autres moyens. Cet usage bouleverse les pratiques de recherches documentaires, pour lesquelles il s'agit d'apprendre l'utilisation raisonnée des nouvelles techniques d'information et de communication, la nature et le nombre des ressources disponibles étant importants et diversifiés. C'est aussi un espace d'échanges et de partage d'expériences et de savoirs entre les usagers, invitant à la coopération. Aujourd'hui il n'est plus rare que l'échange entre élèves et enseignants se poursuive hors du temps scolaire grâce à internet ... l'unité de temps (l'heure de cours), l'unité de lieu (la class e), l'unité d'action (l'objet du cours) ont disparu. Nous pouvons aussi mentionner quelques réalisations comme la correspondance scolaire, le travail coopératif entre élèves, entre enseignants, qui connaissent aujourd'hui, grâce aux réseaux d'établissements et aux espaces numériques de travail, un fort développement au sein de différents systèmes éducatifs dans de nombreux pays. Il existe des sites pédagogiques très bien conçus, dont le fonctionnement permet à l'élève de s'adapter, et d'assimiler les comportements ou raisonnements corrects très rapidement, offrant en outre la possibilité d'avoir un retour instantané et personnalisé : par exemple, lorsque l'utilisateur fait une erreur dans un exercice, le service lui envoie un signal et un moyen pour se corr iger. Ce mode de formation s'adapte au rythme de l'utilisateur, alors que dans une classe d'école, le bon élève comme le mauvais sont obligés de s'adapter au rythme du cours dicté par le professeur. Ils peuvent de plus offrir une méthode d'apprentissage plus ludique, avec des tâches a priori ennuyeuses rendues plus attrayantes à travers des jeux et des récompenses, permettant d'obtenir un travail plus assidu et impliqué de la part de l'utilisateur. Il convient néanmoins de garder à l'esprit qu'une mauvaise utilisation de cet outil peut entraîner des conséquences néfastes dans le domaine de l'éducation. Un usage peut constituer un danger pour les enfants qui ne sont pas initiés, leur donnant par exemple accès à des informations fausses ou offensantes . Les obstacles abondent, liés à la maîtrise des contenus, aux nouvelles formes de communication et de partenariat qui peuvent se mettre en place entre les enseignants, les parents, l'administration et les sociétés privées. Ainsi les risques les plus souvent cités sont la confiscation des contenus par quelqu'un, l'asservissement à des circuits de communications dominés par quelques multinationales, le changement dans les équilibres entre le service public d'éducation et les marchés privés en expansion, vendant directement aux parents des savoirs et des services à destination de leurs enfants. Ces mauvaises pratiques nous interrogent sur la manière d'ini tier nos enfants à internet, afin d'intégrer en pratique les technologies dans des organisations pédagogiques aux marges de manoeuvres étroites. Nous avons évoqué les dangers que pouvait induire une éducation exclusivement livresque. La véritable instruction suppose la présence de la conscience dans la connaissance, et il ne faut surtout pas confondre la connaissance avec l'érudition. Néanmoins, Montaigne n'exclut donc pas les livres de l'éducation mais il veut qu'on en use avec discrétion et toujours en vue de former le jugement . Il faut donc utiliser les livres avec méthode, raison et intelligence, comme tout autre moyen d'apprentissage d'ailleurs. Dans cette optique, il est effectivement possible d'éduquer l'esprit par le biais de nombreux moyens faisant intervenir l'observation, l'expérience, l'échange , l'ouverture, sans oublier le modèle éducatif proposé par les parents. Cependant, il convient aussi de pouvoir étendre ces méthodes alternatives à l'ensemble du monde éducatif. Ainsi, alors qu'internet influence d'ores et déjà la manière d'apprendre, l'enseignement ne fournit pas encore de pistes valables sur l'utilisation de ces outils. L'enjeu d'une présentation n'est plus de chercher dans des livres, de synthétiser les résultats de la recherche, mais de reprendre à sa manière l'information trouvée sur internet. Mais devant cette masse d'informations numériques, une utilisation raisonnée de ces nouveaux outils est nécessaire, sinon elle peut s'avérer contre productive. Comme dans beaucoup de domaines, tout est question de mesure, et l'enjeu aujourd'hui est de construire un mode d'éducation équilibré, où se mêlent référ ences livresques, observation du monde et de la nature qui nous entourent, et usage efficace de la technologie mise à disposition. Finalement, o n voit donc que les questions que les enseignants ont à se poser n'ont pas changé depuis Montaigne, même avec l'avènement de la technologie comme média éducatif : il relève de leur responsabilité de se demander comment construire leur enseignement pour que les élèves acquièrent au mieux l'ensemble des compétences, des savoirs être, qui leur permettront de devenir des citoyens actifs et responsables, capables aussi de faire évoluer leur connaissance au cours de leur vie.

Liens utiles