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L'effort intellectuel chez Bergson

Publié le 18/03/2011

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     Comme le rêve, auquel il s'oppose, l'effort intellectuel peut être expliqué dans la théorie bergsonienne de la mémoire.

   Dans quelques passages de Matière et Mémoire, Bergson applique sa thèse au problème du travail intellectuel : « S'agit-il d'un travail intellectuel, d'une conception à former, d'une idée plus ou moins générale à extraire de la multiplicité des souvenirs ? Une grande marge est laissée à la fantaisie d'une part, au discernement logique de l'autre : mais l'idée, pour être viable, devra toucher à la réalité présente par quelque côté, c'est-à-dire pouvoir, de degré en degré et par des diminutions ou contractions progressives d'elle-même, être plus ou moins jouée par le corps en même temps que représentée par l'esprit. «

bergson

« Tout autre est l'intellection vraie.

Elle consiste en un mouvement de l'esprit qui va et vient entre les perceptions oules images et leur signification.

Contrairement aux apparences, ce n'est pas des images que nous partons, mais de lapensée. On ne peut suivre un calcul qu'en le refaisant pour son compte, comprendre une solution qu'en résolvant soi-mêmele problème.

Les chiffres que nous voyons, les phrases que nous entendons, « ne sont que des poteaux indicateursauxquels nous nous reportons pour nous assurer que nous ne faisons pas fausse route ».

Le long de ladémonstration, nous nous bornons à choisir des points de repère.

Des premières images visuelles ou auditives nousavons « sauté » à des représentations abstraites de relations.

Nous partons alors de ces représentations, et nousles déroulons en mots imaginés qui viennent rejoindre et recouvrir les mots lus ou entendus. De même (on l'a constaté déjà) nous ne voyons que quelques lettres, quelques jambages des mots lus, nousn'entendons qu'une partie des mots prononcés.

La vision et l'audition brutes se bornent à nous fournir des cadresque nous remplissons avec nos souvenirs.

La perception n'acquiert une forme distincte que par le souvenir lui-même,lequel s'insinue en elle et lui fournit la plus grande partie de sa matière.

C'est le sens qui nous guide dans lareconstitution des formes et des sons.

— Un premier contact avec l'image nous permet de nous placer d'embléeparmi les idées correspondantes ; nous les matérialisons en mots hypothétiques qui essaient de se poser sur ce quenous voyons ou entendons.

L'interprétation est une reconstruction.

La perception est complètement interprétéequand la superposition des images représentées aux images perçues est parfaite. Nous pouvons vérifier cette thèse par l'expérience que nous pouvons avoir des langues étrangères.

Il nous estdifficile, parfois impossible, de percevoir distinctement les mots mêmes d'une langue que nous ne connaissons pas.Et quand nous conversons dans une langue étrangère que nous possédons imparfaitement, nous nous rendonscompte que les sons distinctement entendus nous servent seulement de points de repère.

Les premiers sonsentendus nous placent dans un certain ordre de représentations plus ou moins abstraites : une fois adopté ce tonintellectuel, nous marchons à la rencontre des sons perçus. Même dans notre propre langue, les mots n'ont pas un sens absolu.

Chacun d'eux emprunte sa signification aucontexte.

L'intellection n'est franche et sûre que si nous partons du sens supposé. L'attention sensorielle elle-même, quand elle est volontaire, comporte des préperceptions, c'est-à-dire desreprésentations qui sont une image anticipée ou même une hypothèse relative à la signification de ce qu'on vapercevoir.

La partie positive, utile du travail, consiste à marcher du schéma à l'image perçue. « L'effort intellectuel pour interpréter, comprendre, faire attention, est donc un mouvement du schéma dynamiquedans la direction de l'image qui le développe.,.

Le sentiment de l'effort d'intellection se produit sur le trajet duschéma à l'image.

» Reste à vérifier cette loi sur la forme la plus haute de l'effort intellectuel : l'effort d'invention. Créer imaginativement, c'est résoudre un problème, c'est-à-dire le supposer d'abord résolu. « On se transporte d'un bond au résultat complet, à la fin qu'il s'agit de réaliser : tout l'effort d'invention est alorsune tentative pour combler l'intervalle par-dessus lequel on a sauté, et arriver de nouveau à cette même fin ensuivant cette fois le fil continu des moyens qui la réaliseraient.

Mais comment apercevoir ici la fin sans les moyens,le tout sans les parties ? Ce ne peut être sous forme d'image, puisqu'une image qui nous ferait voir l'effets'accomplissant nous montrerait, intérieurs à cette image même, les moyens par lesquels l'effet s'accomplit.

Forcenous est donc bien d'admettre que le tout s'offre comme un schéma, et que l'invention consiste à convertir leschéma en image.

» L'inventeur d'une machine se représente d'abord, abstraitement, le travail à obtenir ; puis, à force de tâtonnementset d'expériences, il découvre la forme concrète des divers mouvements composants qui réaliseraient le mouvementtotal, puis la forme des pièces et des combinaisons de pièces capables de produire les mouvements partiels.

Alorsl'invention a pris corps : la représentation schématique est devenue une représentation imagée.

— Le romancier, ledramaturge conçoivent une thèse à développer en événements, un sentiment, individuel ou social, à matérialiser enpersonnages vivants.

Le musicien, le poète veulent exprimer une impression neuve, la dérouler en sons ou enimages.

Tous vont du tout aux parties, de l'abstrait au concret, du schéma à l'image. En résumé, « travailler intellectuellement consiste à conduire une même représentation à travers des plans deconscience différents, dans une direction qui va de l'abstrait au concret, du schéma à l'image ». Il y a effort quand le travail est difficile, quand il éprouve une gêne ou rencontre un obstacle, quand il met plus detemps qu'on ne voudrait à toucher le but.

Les états par lesquels l'esprit passe correspondent à autant d'essaistentés par des images pour s'insérer dans le schéma et, parfois, aux modifications du schéma lui-même.

En cettehésitation toute spéciale se trouve la caractéristique de l'effort intellectuel. Comment un jeu de représentations et d'images peut-il entrer dans la composition d'un sentiment tel que celui del'effort ? pourquoi s'accompagne-t-il d'une nuance affective ?. »

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