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Elections à l'Académie française : Maurice Schumann et Robert Aron

Publié le 14/12/2011

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Deux élections à l'Académie française en ce printemps : M. Maurice ScHUMANN a pris le siège de Wladimir d'ORMESSON et M. Robert ARON celui de Georges IzARD. Maurice ScHUMANN est né le 10 avril 1911 à Paris où, après ses études, il s'orienta vers le journalisme. Engagé volontaire à la déclaration de la guerre, il devint agent de liaison auprès du corps expéditionnaire anglais. Fait prisonnier par les Allemands, il parvint à s'échapper et à gagner Londres où il allait désormais prendre tous les jours la parole à la « Francelibre «. Après le débarquement et jusqu'à la fin du conflit, Maurice Schumann reprendra les armes. Président du Mouvement républicain populaire dont il a été un des créateurs (1945-1949), élu député du Nord en 1946, Maurice Schumann commencera une earrière politique après l'affaire de Suez qui lui avait valu d'être rappelé sous les drapeaux.

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« guenl que leurs jeunes spectateurs ne com­ prennent plus la langue de Molière dont les plus belles trouvailles ou le parler populaire leur échappent, et ils se demandent s'il ne serait pas urgent de jouer les Fourberies dans une version renouvelée ...

Ce qui est vrai de Molière l'est naturellement encore davantage d'un au­ teur beaucoup plus ancien et dont le langage, avec ses prodigieuses accumulations verbales, ses inventions, ses tours grammaticaux, ses jeux, constitue souvent une sorte de devinette pour qui n'y est pas rompu.

Que vaut-il mieux ? Accepter de ne plus jamais lire Rabelais, et par conséquent perdre la richesse de son œuvre, condamnée rapidement à l'oubli, ou le lire dans une langue qui n'est pas la sienne mais qui tente, pour notre époque, d'en restituer la verve et l'authenticité ? Les avis seront certainement partagés, mais quand on lit l'édition de Guy Demerson, on se prend à penser que la solution est là et qu'il vaut mieux un texte compléte­ ment transcrit qu'une accumulation de notes venant rompre le fil de la lecture.

Ce qui n'est pas moins important, c'est que l'œuvre de Rabe­ lais doit traverser le temps parce qu'on y lit des choses qu'il est nécessaire de garder pré­ sentes à l'esprit sur la liberté, sur la guerre, sur l'homme, sur la vérité, pour ne rien dire des volées de bois vert qu'il avait coutume d'asséner à quelques hypocrites et autres contrefacteurs dont il sera toujours de bon usage de faire pro­ fit.

Qu'importe si la langue n'est plus exacte­ ment celle de l'auteur ! C'est la seule manière de sauver celui-ci de la désaccoutumance qui le menace, comme d'autres.

Les aveux de Baudelaire La Correspondance de Baudelaire est publiée dans la Bibliothèque de la Pléiade (Editions Gallimard, Tome I (1832-1860), tome II (1860- 1866), par les soins de Claude Pichois qui a pu rassembler plus de lettres qu'aucun des précé­ dents éditeurs de l'auteur des Fleurs du mal.

Cette correspondance couvre la majeure partie de l'existence de l'écrivain et, par là, nous ren­ seigne de première main sur ce que fut sa vie quotidienne et surtout sur son caractère.

Car on assiste ici à un étrange déballage de misères : ce ne sont que reproches, plaintes, soucis, obses­ sions, sans aucun répit dans le dénuement moral, alors que le dénuement physique se fait aussi souvent sentir.

La vie de Baudelaire a été seulement remplie par la solitude, et une solitude où on ne peut pas dire qu'il se soit complu, mais qui lui plaisait par ce qu'elle lui apportait d'occasions de clamer sa rancœur, son insatisfaction, son angoisse.

Qui l'écoutait ? Ses correspondants se tiennent, dirait-on, à dis­ tance de ce névrosé qu'ils admirent mais qui les trouble peut-être.

Victor Hugo se contente de le féliciter pour la condamnation des Fleurs du mal, « une des rares décorations que le régime peut accorder », tandis que Flaubert, un jour que Beaudelaire avait proposé sa candida­ ture à l'Académie, lui adresse un encouragement qui n'est qu'une basse méchanceté : « Je vous rêve entre Villemain ct Nizard ».

Mais ce n'est pas avec le milieu littéraire que Baudelaire est le plus à l'aise.

Son mono- logne épistolaire s'adresse à des femmes, et à sa mère.

Quand il parle aux femmes, on ne sait trop s'il ne se donne pas le change à lui­ même en leur donnant la comédie à elles, et si la passion, ou du moins le désir qu'il dit éprouver à leur égard ne sont pas simples poses littéraires.

La seule femme qui ait réellement compté pour lui, c'est sa mère, Madame Aupick, pour qui, au cours des ans, il continua à éprou­ ver de singuliers sentiments, entretenus volon­ tairement par celle-ci d'ailleurs, qui avait as­ treint son fils à la surveillance d'un conseil judiciaire et qui, le tenant ainsi en tutelle, sous prétexte qu'il avait dépensé en deux années la moitié de son héritage paternel, continuait à le dominer.

Baudelaire, près de Madame Aupick, était toujours le petit garçon d'autre­ fois, qui quémandait de l'amitié en même temps que de l'argent.

Lien très fort dont il ne se libéra jamais et dont il refusa même, si on en juge par ce qu'il en écrit, de se libérer.

Il savait trop bien qu'il était pris à son propre piège et que la liberté qu'il réclamait sans cesse, il aurait été incapable de l'assumer.

La tutelle et l'argent étaient son alibi.

On peut douter qu'il en ait été dupe lui-même : « Je ne vou­ drais pas que la tutelle fût levée, la béatitude créerait la paresse », écrit-il un jour, dans un moment de lucidité.

II accepte donc son per­ sonnage, tout en proclamant qu'il voudrait en changer; il accepte ses douleurs cérébrales, comme la gêne de sa syphilis; il accepte d'être le solitaire, le rejeté.

Ce qui lui permet de pro­ tester hien fort contre le destin, ce fameux « guignon » qui s'inscrit comme une marque d'infâmie sur le front de certains hommes et, tout en maugréant, d'en tirer, mystérieusement, toute son œuvre.

Dans cette longue litanie, on peut puiser quelques exemples de ce que fut l'empoison­ nement quotidien de cet homme : « Je souf­ fre de grandes douleurs et mon esprit est mal­ sain...

L'âme n'ira jamais bien...

Je crois que ma vie a été damnée dès le commencement.

..

Il y a peut-être une force méchante extérieure à nous ...

».

Derrière ce masque se découvre une impuissance à agir, à vivre même, puisqu'il est hanté par le suicide : « Je me tue parce que je suis inutile aux autres et dangereux à moi-même ».

II ne se tue pas mais cherche d'autres moyens d'échapper à lui-même; il y aura les paradis artificiels.

Cette correspondance haletante, « horrible­ ment malheureuse », comme il le dit, est véri­ tablement dramatique; on y découvre un homme pris sous une chape de plomb où il étouffe.

On ne peut pas dire non plus que l'époque était exactement adaptée à un esprit comme le sien et il en ressentait profondément l'oppres­ sion.

La condamnation de ses poèmes n'était pas faite pour le réconcilier avec le réel.

Du moins trouvait-il dans la pesante présence de sa mère le moyen de retrouver une vieille innocence et surtout ce qui lui semblait à la fois insupportable et nécessaire, l'irresponsabi­ lité de ses premiers ans.

Cette irresponsabilité, c'est sans doute ce qui constitue le fond même d'un caractère dévoilé par une correspondance encore plus morbide qu'on aurait pu le sup­ poser.. »

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