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DE L'ELLIPSE A L'ÉLOQUENCE

Publié le 06/09/2012

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En 1957, dans la revue Les Temps Modernes, Georges Monnin, s'interrogeant sur le point de savoir qui est le plus grand poète français de notre époque, ne voyait personne à mettre en compétition avec René Char. N'est-ce pas aller un peu loin? Nous vivons en vérité, en poésie comme ailleurs, sous le double signe de la surenchère et de l'ambiguïté. René Char ou la poésie accrue, dit Mme Greta Rau ... Nous dirions plutôt : «restituée«, car il est hien vrai qu'avec Char - et quelques autres - la poésie retrouve aujourd'hui de pleins pouvoirs dont elle s'était amputée, soit qu'elle se réduisît comme le voulait Voltaire, à une sorte d'« éloquence harmonieuse «, soit qu'elle s'interdît de penser, comme le voulaient les Surréalistes....

« 366 une infaillibilité de longue haleine et la faculté de fine manœuvre.» ...

en remplaçant toutefois «hors la poésie» par : sur• tout en poésie.

Surenchère et amhieuïté ne sont pas l'apanage de M.

Georges Motmin.

Ainsi peut-on voir la critique offi.

cielle et même académique recevoir princièrement, depuis quelque temps, dans le rez-de-chaussée des hebdomadaires, ce René Char dont, il y a un lustre à peine, elle ne citait le nmn que pour s'en gausser, quand elle ne le confondait pas avec Henri Michaux l Ce qui, sous la plume de M.

Mou• nin, est sans doute un excès d'entJwusiasme, n'est ici qu'opportunisme, désir de ne pas manquer le dernier train, Mais l'ambiguïté? Eh bien, elle est patente en ceci que nos « officiels» découvrent avec la même admiration suspecte un René Char, poète de l'ellipse, et un Saint-John Perse, poète de l'éloquence, alors que l'un et l'autre sont devenus des « classiques » pour les jeunes générations littéraires.

Mais Saint-John Perse 1 n'a-t-il pas fait de l'ambiguïté un des ressorts de sa }JOésie ? Dès le titre d'un récent livre: Amers•, qui est une immense ode à la mer, il y a ambiguïté ; les « amers » sont en effet, aux termes du Littré, « des marques apparentes sur les côtes, telles que clochers, tours, rochers propres à guider les navigateurs » ; cette définition, l1ien peu de terriens la connaissent et, assurément, il ne s'est pas trouvé un leeteur d'Amers Rur mille pour songer à autre chose qu'à l'adjectif «amer» et à tout ce qu'il évoque d'ondes mouvantes, de salures et, au figuré comme au propre, d'amertume.

En vérité, toute poésie tire nombre de ses prestiges d'un singulier mais tout à f'lit légitime décalage de la pensée, que le rythme et la mélodie fassent de la moindre énoncia• tion prosaïque une abstraite musique («La fille de Minos 1.

Pour une étude approfondie de ce poète, ee reporter à l'ouvrage de Georges-Emmanuel C!ancler: Panorama critique de Rimbaud art :surréalisme et au Saint-John Perse d'Alain Bosquet (Collection ) ; ces deu.x livres parus aux éditions Seghers.

2.

Gallimard.. »

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