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Enfance de Sarraute

Publié le 19/09/2010

Extrait du document

sarraute

 

Le livre que j'ai choisi est Enfance de Nathalie Sarraute, il a été édité par Gallimard en 1983, sa première date de parution fut en 1983. Mon choix s'est porté sur ce livre pour plusieurs raisons, tout d'abord l'idée d'un dialogue avec sa conscience m'a beaucoup plu, je trouve cela très original. J'aime aussi beaucoup la police de l'écriture utilisée, ce qui pour moi est important. J'ai trouvé la photo de la couverture plaisante. Et puis, le résumé m'a aussi plu, avec l'idée de raconter ses scrupules, ses interrogations etc.

 

      Enfance de Nathalie Sarraute est une autobiographie originale, car c'est un dialogue avec l'auteur et sa conscience. L'auteur y raconte la séparation de ses parents et ses premiers voyages, entre la Russie et Paris. Nathalie Sarraute nous parle de tous ce qui a marqué son enfance et ce qui est resté dans sa mémoire: sa vie, d'abord avec sa mère en Russie, et ensuite avec son père et sa belle-mère à Paris. Elle y parle aussi de sa petite sœur Lili, des promenades, des jardins, du peu d'amis qu'elle a… Mais surtout, à travers l'évocation, de ses mémoires, de ses sensations, et de ses impressions, l'auteur parle de sa manière à chercher le bonheur dans un environnement peu propice et la rencontre fascinante avec le monde des livres et de l'écriture, ce qui montre déjà le destin d'une futur grande écrivaine...

 

   La psychanalyse: Influencée par Freud , Sarraute décrit ses relations avec ses parents en insistant sur l'importance de la figure du père et l'éloignement de la mère. Le dialogue avec sa conscience relève lui aussi de la psychanalyse.

 

   L'écriture: L'auteur commence dès son plus jeune âge sa passion pour l'écriture. On voit à travers le récit de son enfance, se dessiner la future grande écrivaine qu'elle sera.

 

 

   La mémoire: Nathalie Sarraute, au fur et à mesure qu'elle se remémore ses souvenirs, en oublie des parties. Cela est très fréquent lorsque l'on écrit une autobiographie, la remémoration des souvenirs est à prendre en compte, surtout quand on parle de son enfance. L'écriture de Sarraute souligne le travail de mémoire, en juxtaposant des phrases simples, en jouant avec les pronoms et les points de vue.

 

   Le dédoublement: A cause du divorce de ses parents, Nathalie Sarraute est dédoublée entre Paris et Pétersboug. Le livre est basé sur cela. Sarraute est partagée entre la culture Russe ( sa mère a choisi de vivre en Russie avec son second mari) et la culture française ( son père et sa belle-mère y vivent ), et ce dédoublement se ressent aussi dans son écriture, avec le dialogue avec sa conscience tout au long du livre.  Le temps lui aussi est dédoublé : il y a le temps de l'enfance, et le temps adulte: le temps de l'écriture.

 

 

   «L'oncle m'a dit que Véra est bête« page 110

 

    Cette phrase que lui dira sa mère avant qu'elle aille vivre chez son père et son amie Véra, va beaucoup la perturber. Nathalie Sarraute va donc croire ce que sa mère le lui a racontée, et se faire une opinion toute tranchée de sa belle-mère, qui changera par la suite. Cette citation est importante dans le récit car elle concerne le jugement de l'auteur envers sa belle-mère, Véra.

 

   «Du lendemain il ne me reste que le quai gris sombre, les atroces sifflets, maman penchée à une fenêtre du train qui s'éloigne lentement et moi courant le long du quai, hurlant, sanglotant...« page 111

 

 Cette citation montre extrêmement bien le déchirement lorsque Nathalie fut amené chez son père à Paris. Cette citation évoque ainsi les répercutions du divorce sur les enfants. Ce moment l'a beaucoup marqué, mais par la suite sa relation avec sa mère va se dégrader.

 

   «- Alors, tu vas vraiment faire ça? «Évoquer tes souvenirs d´enfance«... Comme ces mots te gênent , tu ne les aimes pas. Mais reconnais que ce sont les seuls mots qui conviennent. Tu veux «évoquer tes souvenirs«... il n´y a pas à tortiller, c´est bien ça.  Page 7

 

 J'ai choisi cette citation, qui fait partie de l'incipit, car dès les premières lignes l'auteur révèlent ses préventions contre le genre autobiographique. Il y a une certaine méfiance dans ces paroles. Cela explique peut-être l'originalité de son récit autobiographique, qui est là pour changer, en quelque sorte, les règles du genre autobiographique. Avec la périphrase «évoquer tes souvenirs«, Nathalie Sarraute  utilise ses souvenirs, pour éviter,  pour exprimer, d’une manière non-explicite, le mot «autobiographie«. 

 

   «- Mais comment, par où la saisir pour la faire tant soit peu revenir, cette nouvelle«- Mais comment, par où la saisir pour la faire tant soit peu revenir, cette nouvelle vie, ma vraie vie …- Fais attention, tu vas te laisser aller à l’emphase…« page 166

 

 Cette citation montre le choix de Nathalie Sarraute qui est le refus de ne pas embellir le souvenir par la recherche de l'effet littéraire. Elle souhaite être la plus sincère possible, c'est pour cela qu'elle évoque des oublis dans sa mémoire.

   « Maintenant que c´est en moi, il n´est pas question que je le lui cache, je ne peux pas à ce point m´écarter d´elle, me fermer,  m´enfermer seule avec ça, je ne peux pas le porter à moi seule, c´est à elle, c´est à nous deux que ça appartient... si je le garde, comprimé en moi, ça deviendra plus gros, plus lourd, ça appuiera de plus en plus fort, je dois absolument m´ouvrir a elle, je vais le lui montrer... comme je lui montre une écorchure, une écharde, une bosse... Regarde, maman, ce que j´ai la, ce que je me suis fait... «Je trouve qu´elle est plus belle que toi«... et elle va se pencher, souffler dessus, tapoter, ce n´est rien du tout, voyons, comme elle extrait délicatement une épine, comme elle sort de son sac et presse contre la bosse pour l´empêcher de grossir une pièce de monnaie... «Mais oui, grosse bête, bien sur qu´elle est plus belle que moi... et ça ne me fera plus mal, ça disparaîtra, nous repartirons tranquillement la main dans la main...

 Mais maman lâche ma main, ou elle la tient moins fort, elle me regarde de son  air mécontent et elle me dit: « Un enfant qui aime sa mère trouve que personne n'est plus beau qu'elle «  page 95

 

 Le chapitre commence in media res et présente d’abord la beauté de la poupée qui en même temps peut incarner celle de la mère : « Comme elle est belle... je ne peux m’en détacher «, puis l'auteur poursuit sa contemplation en essayant d’expliquer ce que c’était que la beauté. C’est comme le calme avant la tempête, car la petite Natacha se sent mal « à l’aise « avec sa mère, elle compare celle-ci à cette poupée, qu’elle trouve plus belle que maman. Elle ose le dire : «Je trouve qu’elle est plus belle que toi «... , Natacha rêve d’une réponse et d'une réaction normales, pareil à ce qu’on aurait pu attendre d’une maman.  Mais la réaction méprisante et négative de la part de sa mère ne se laisse pas attendre : « Mais maman lâche ma main, ou elle la tient moins fort, elle me regarde de son air mécontent et elle me dit : ‘Un enfant qui aime sa mère trouve que personne n’est plus beau qu’elle.‘ « . Cette réaction montre la supériorité de la mère. L’enfant a jusqu’à présent ressenti de l’adoration auprès de sa mère, « je ne m’étais jamais demandé si maman était belle. « dit-elle, mais grâce à la vue de cette poupée contemplée dans la vitrine, elle se demande ce qu’être belle signifie. C’est la poupée qui force l’enfant à poser sur sa mère son premier jugement : « Son regard était assez étrange... fermé et dur parfois et parfois vif, naïf... Souvent comme absent... «.  

 Cette partie du récit est représentative du reste du livre car c'est à ce moment là que Nathalie commence à se détacher de sa mère, et à se faire son propre esprit critique. Cela est une grande étape dans sa vie. Sa mère, qui auparavant l'influençait grandement, n'a maintenant presque plus d'emprise, elle a compris la véritable nature de sa mère, à travers cette poupée dans la vitrine.

 

    Dans son livre Enfance, Nathalie Sarraute rassemble des souvenirs de ses onze premières années. La narration s’arrête au moment où la petite fille sort de l'enfance pour rentrer dans l'adolescence: «  C'est peut-être qu'il me semble que là s'arrête pour moi l'enfance... Quand je regarde ce qui s'offre à moi maintenant, je vois comme un énorme espace très encombré, bien éclairé... Je ne pourrais plus m'efforcer de faire surgir quelques moments, [...] pour se dégager de cette couche protectrice qui les conserve, de ces épaisseurs blanchâtres, molles, ouatées qui se défont, qui disparaissent avec l'enfance... «

    L’une des grandes originalités de ce récit réside dans le dédoublement de la narratrice. Deux « voix « dialoguent, qui représentent l’une et l’autre l'auteur, mais qui incarnent des positions différentes à l’égard du travail de mémoire. L’une de ces voix assume la conduite du récit, l’autre représente la conscience critique. Selon les moments, cette seconde voix freine l’élan de la première. Grâce à ce système des deux voix, nous avons deux livres en un : d'une part un récit d'enfance, de l'autre un témoignage sur l'évocation des souvenirs élaborée par l’auteur afin de déjouer les pièges traditionnels de l'autobiographique. Le récit évoque un dédoublement du personnage : entre deux parents, entre deux cultures (russe et française) et entre deux langues. Le livre relate les souvenirs d’enfances de l’auteur. Nathalie Sarraute veut éviter les "replâtrages" dans son récit, comme le font certains auteurs pour combler les manques et permettre une continuité de leurs souvenirs. 

    Le personnage principal est Natasha/Nathalie, elle est surnommée Tachok, Tachotchek et Pigalitza.. C'est l'auteur de ce livre. Il y a aussi deux personnages très importants pour Nathalie: ses parents, mais aussi ses beaux-parents et enfin Lili sa petite sœur. L'atmosphère du livre est parfois déchirante, notamment lors de la séparation entre la mère et la fille: «Du lendemain il ne me reste que le quai gris sombre, les atroces sifflets, maman penchée à une fenêtre du train qui s'éloigne lentement et moi courant le long du quai, hurlant, sanglotant...«, mais parfois aimante, notamment avec le père. J'ai beaucoup aimé la différence d'atmosphère entre certains chapitres. L'auteur se pose parfois des questions très étranges, comme avec Véra, «  Véra qui tient légèrement soulevée sa longue jupe et je lui demande ce qui s'appelle à brûle-pourpoint: « Dis-moi, est-ce que tu me détestes ? « « page 272, cette interrogation est forte, elle montre qu'elle est très inquiète du jugement de Véra, qui est pour elle devenue une personne importante, malgré les mises en garde de sa mère. 

    Sarraute s'est inspirée d'un roman de Tolstoï, qui s'appelait également Enfance. Le récit de Nathalie Sarraute s'inscrit en effet dans la tradition littéraire russe. Sarraute peut aussi être comparée à Michel Leiris, avec son autobiographie L'âge d'homme, il retrace comme elle son enfance à la lumière de la psychanalyse. Enfance fait partie du courant littéraire du Nouveau Roman, ce mouvement littéraire repousse toutes les conventions traditionnelles.

 

    Je pourrais appeler cette œuvre «Dédoublement«, car tout d'abord il y a un dédoublement entre Nathalie Sarraute et sa conscience, ce qui crée un dialogue. Mais aussi, l'auteur est partagée entre la culture Russe ( sa mère a choisi de vivre en Russie avec son second mari) et la culture française. Ce dédoublement se ressent aussi dans son écriture. Le temps lui aussi est dédoublé : il y a le temps de l'enfance, et le temps adulte, le temps de l'écriture.

 

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