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Epictète: Liberté et Esclavage

Publié le 26/03/2005

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Est libre l'homme qui ne rencontre pas d'obstacles et qui a tout à sa disposition comme il veut. L'homme qui peut être arrêté, contraint, entravé ou jeté malgré lui dans quelque entreprise est un esclave. Mais quel est celui qui ne rencontre pas d'obstacles ? C'est celui qui ne désire rien qui lui soit étranger. Et qu'est-ce qui nous est étranger ? C'est ce qu'il ne dépend pas de nous d'avoir ou de ne pas avoir, ni d'avoir avec telle qualité dans telles conditions. Ainsi le corps nous est-il étranger, étrangères ses parties, étrangère notre fortune ; si tu t'attaches à l'une de ces choses comme à ton bien propre, tu subiras le châtiment que mérite celui qui convoite des choses étrangères. Telle est la route qui conduit à la liberté, le seul moyen de nous affranchir de l'esclavage. EpictèteCe texte est essentiel à la compréhension de la liberté chez Épictète. Celui-ci donne de la liberté une définition qui peut sembler de prime abord de nature juridique : la liberté est en effet conçue comme absence d'entrave. Cette définition ne se restreint cependant pas à la liberté juridique, puisque par la liberté nous nous délivrons de tout désir de ce qui nous est étranger. De cette définition négative ressort ainsi une définition positive de la liberté qui fonde celle-ci dans notre être même. Être libre, c'est vouloir ce qui nous appartient vraiment, c'est vouloir être ce que nous sommes vraiment : de là découle une conception de la liberté comme autonomie, comme refus de ce qui nous affecte passivement, du pathologique comme le dira plus tard Kant, dont il peut être intéressant de comparer les positions avec celles d'Épictète.
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« intérieurement de sa liberté.Ainsi la rupture avec l'opinion commune est-elle consommée, et les deux routes qui se dessinent suivent-elles desdirections radicalement opposées : l'espoir vain de satisfaire tous ses désirs quels qu'ils soient conduit à l'esclavage,et la liberté implique la ferme résolution d'être le maître absolu de soi-même. Pour prolonger l'explication Ce texte présente une thèse radicale, qui distingue on ne peut plus nettement le sage du reste des hommes.

Voilàun aspect de la pensée d'Épictète qu'il ne faut pas édulcorer, mais au contraire il ne faut pas hésiter à faireremarquer que personne ou presque ne se conduit comme le stoïcisme le demande.

Ne s'attacher à rien de ce quiest étranger, c'est faire voeu permanent de pauvreté.

Face à cette radicalité, il faut éviter de se retrancherderrière une position dite de juste milieu, qui autoriserait un petit attachement de temps en temps, mais sansabuser, et ne parviendrait d'ailleurs probablement pas à marquer les limites à ne pas dépasser.

En effet, Épictètetrace des directions, et démontre la nécessité de choisir entre elles, et ceci ne laisse guère que trois possibilités :ou bien son choix est le bon, ou bien c'est le mauvais, ou bien en réalité il n'y a pas à choisir et il faut changer lamanière de poser le problème.

Il faut également éviter de prononcer toute une série de jugements moralisateurs,d'abord parce que c'est toujours malvenu, ensuite parce que la position d'Épictète n'est pas morale au sens devenuordinaire du terme, car c'est le souci de soi qui prédomine.

Ce qui mérite alors de constituer l'essentiel de ladiscussion critique, c'est la réflexion sur le rapport entre le désir et la liberté.Être libre, c'est pouvoir faire ce que l'on veut, dit-on d'ordinaire.

Cela, nous l'avons vu, Épictète ne le nieabsolument pas.

C'est donc faire tout ce que l'on a envie de faire, continuera-t-on en croyant simplement serépéter.

Or, cette deuxième définition est en réalité incompatible avec la première, dès lors que ce que nousdésirons ne s'identifie pas à ce que nous voulons, et c'est bien ce qui arrive d'ordinaire.

L'expérience qui le montreest celle de la tentation, qui nous met en présence d'un objet de désir dont nous ne voulons pas.

Sur ce point,Épictète a donc raison : il faut choisir.Qui est le plus libre, celui qui ne peut résister à son penchant ou bien celui qui a toujours la volonté de choisir ce quiest le meilleur pour lui ? Pour prendre un exemple un peu caricatural, l'alcoolique est-il un homme libre ? N'est-il pasplutôt l'esclave de sa dépendance, et en cela le modèle inverse de celui qu'il faut suivre ? Voilà ce qui peut justifierla thèse d'Épictète.

Si donc est libre celui qui a la possibilité de faire ce qu'il veut, le principal obstacle à cetteliberté est la faiblesse que chacun manifeste à l'encontre de ses propres désirs, et l'on voit par-là que le stoïcismeest une école de volonté et de fermeté d'âme, bien qu'il semble prôner la résignation.En réalité, s'il faut être prêt à accepter tout ce qui arrive, ce n'est pas comme un vaincu qui cède aux conditions deson vainqueur.

Le vrai combat, c'est celui que nous devons mener contre nos opinions qui nous font approuver cequi ne nous apporte aucun bien, ou contre nos attachements qui entravent la liberté de notre jugement.

Ainsi lavertu, caractéristique du sage, est-elle avant tout force d'âme, comme l'indique d'ailleurs son étymologie latine, devirtu, qu'on pourrait traduire par virilité et qui signifie la valeur de l'homme courageux au combat.Toutefois, est-ce seulement une sorte de mollesse ou de vain attendrissement sur soi-même qui fait que l'on soitattaché à ses désirs ? Remarquons à ce sujet un paradoxe : on aime désirer.

Qui en effet souhaiterait pour êtreheureux ne plus jamais rien désirer ? Pourtant, le désir est d'abord un manque, et donc s'apparente à la souffrance.Il serait alors logique de se représenter le plaisir comme un simple soulagement du manque, ce qui reviendrait à ne lesouhaiter que comme un remède à cette sorte de maladie que constituerait le désir, et Épictète aurait alors lemérite de prendre le mal à sa racine en enseignant à l'âme de ne s'attacher à rien qui lui soit étranger.Mais ce n'est pas ainsi que nous éprouvons le désir, mais bien plutôt comme ce qui donne son prix à la vie, au pointqu'à rebours de ce que nous venons de dire ce serait plutôt au plaisir que nous ferions le reproche d'éroder le désir.On peut bien entendu ne voir dans cet attachement au désir que le signe de la folie humaine, et se représenter lesage sur le modèle de la parfaite austérité.

Mais il est permis également, et sans doute plus fécond, de se demanderquelle peut être la raison d'être du désir.

Ce dont il est la sanction, c'est de l'impossibilité de se suffire à soi-même.C'est bien pour cette raison d'ailleurs qu'Épictète y voit une dépendance à vaincre.

Mais cette impossibilité estsurtout: une ouverture sur l'horizon infini de nos aspirations.

Quand nous désirons la vérité, c'est parce que nousl'ignorons, mais c'est aussi parce que nous sommes attirés par elle comme par ce qui viendra combler l'aspirationnaturelle de notre intelligence.La joie de désirer n'est donc pas un simple esclavage, mais la promesse d'une découverte.

Certes, et les moralistesont beau jeu de broder sur ce thème, le désir conduit parfois, voire souvent, à la déception.

Mais celle-ci provientsurtout en réalité de ce que le désir s'éteint, et qui se sentirait libre dans un tel « détachement » ? Ceci ne permetcertes pas de conclure que l'homme libre est celui qui a tout ce qu'il désire, puisque notre argumentation prétendque ce n'est ni possible ni souhaitable, mais plutôt que la vraie liberté est la réconciliation du désir et de la volonté,qui se rencontre lorsque l'on éprouve la bonté de ce à quoi l'on est attaché, en bref lorsque l'on a raison d'aimer, cequi n'est pas si rare.

Le sage stoïcien ne doit-il pas aimer la vérité et la liberté de toutes ses forces pour pouvoir sedétacher de toutes les causes possibles de trouble ? Mais il doit être permis d'aimer aussi les petites choses de lavie, comme par exemple la première gorgée de bière célébrée par Philippe Delerm, et de trouver là l'écho d'unesagesse moins ambitieuse certes, mais aussi plus humaine.. »

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