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ÉPICTÈTE: «Quant aux désirs, pour le moment, renonces-y totalement»

Publié le 12/01/2004

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ÉPICTÈTE: «Quant aux désirs, pour le moment, renonces-y totalement»

« Je peux raisonner de même au sujet de ce que je possède :- je n'ai, apparemment, pas tout ce que je peux, et j'en suis malheureux ;- mais je peux ne vouloir que ce que j'ai ;- dès lors, j'ai tout ce que je veux ;- donc je suis heureux. Voilà donc le secret du bonheur et de la liberté.

Il réside en peu de chose : savoir bien user de ma volonté, nevouloir que ce que j'ai et que ce qui m'arrive.

Autrement dit, ne pas désirer ce qui excède mon pouvoir.

Dire que cesecret est si simple et que tant d'hommes passent à côté ! L'exaltation de la volonté et l'erreur des Orientaux. Nous constatons aussi que ce n'est pas une extinction de la volonté individuelle qui mène au bonheur, comme lepensent les bouddhistes, mais au contraire une apothéose de la volonté.

Il nous faut avoir une grande force devolonté pour ne vouloir que ce qui convient.

Il ne faut pas tuer la volonté individuelle, comme un principe de mal etde souffrance, il faut au contraire l'exalter, la renforcer, pour se dominer parfaitement.

La maîtrise de soi ne passepas par une extinction de soi, un renoncement à être, mais par une exaltation de sa force morale personnelle.L'erreur des orientaux est de confondre deux choses différentes, le désir et la volonté.

Plus exactement, ils nediscernent pas, dans ce qu'ils appréhendent comme désirs irrationnels, l'entité originale qu'est la volonté raisonnable.Ils ne perçoivent donc pas ce qui fait la vraie identité et la vraie grandeur de l'homme.

Ils le ravalent au rang d'unpur être de désir : l'animal.

C'est pourquoi ils ne voient pas d'objection à supposer qu'une même âme puisses'incarner indifféremment dans un corps d'homme ou d'animal, au gré des métempsycoses.

Les penseurs grecs, etparmi eux les stoïciens, ont identifié clairement le principe de l'humanité de l'homme : la possession d'une volontéraisonnable et libre. La maîtrise de la pensée. Dès lors mon bonheur dépend uniquement de la pente que je donnerai à ma volonté et à mes idées, à mesreprésentations des choses, qui sont essentiellement au pouvoir de ma volonté.

C'est ce que nous dit Epictète : «Souviens-toi que ce qui te cause du tort, ce n'est pas qu'on t'insulte ou qu'on te frappe, mais l'opinion que tu asqu'on te fait du tort.

Donc, si quelqu'un t'a mis en colère, sache que c'est ton propre jugement le responsable de tacolère.

Essaye de ne pas céder à la violence de l'imagination: car, une fois que tu auras examiné la chose, tu serasplus facilement maître de toi.

»En effet, si je suis vexé de l'insulte qu'un individu m'adresse, c'est que j'accorde une certaine valeur à son estime.Mais si je pense que ce n'est qu'un imbécile, ses propos ne m'atteignent plus.

De même, s'il m'arrive un accident etque j'en reste handicapé, si en outre je me pense victime d'un sort injuste et que je désire échapper à cet état, j'ensouffrirai.

Mais si j'accepte mon état et ne désire rien d'autre, je ne serai pas malheureux.

Cette maîtrise de mavolonté, de mes pensées, de mes désirs est une règle de vie fondamentale à laquelle Epictète nous exhorte : « Siquelqu'un livrait ton corps au premier venu, tu en serais indigné ; mais de livrer toi-même ton âùe au premier quit'insulte en le laissant la troubler et la bouleverser, tu n'en as pas honte ? » (Pensée 28). Aimer son destin. Néanmoins, comment parvenir à maîtriser complètement mes désirs ? Ma volonté est-elle toujours assez puissante ?Là encore, une juste vision des choses, cad une bonne connaissance métaphysique du réel, peut nous aider.

Lesstoïciens affirment que tout ce qui arrive est nécessaire.

Rien ne pouvait arriver autrement.

En effet, chaqueévénement est le fruit d'une longue série de causes.

Et la relation de la cause à l'effet est nécessaire : un autreeffet ne peut pas naître d'une même cause, ou d'un même ensemble de causes.

Il ne sert donc à rien de désirerautre chose que ce qui advient ou de se révolter contre ce qui est, car tout est nécessaire.

On ne ferait que serendre inutilement malheureux.

Cette conception métaphysique juste de la nécessité qui règne dans toutes leschoses du monde contribue à annuler mes désirs.

Tel est le principe : admettre ce qui nous arrive commeinéluctable, pour ne plus s'en affliger.

Mais pour les stoïciens, les hommes sont comme des enfants ou des fouspuisqu'ils désirent sans cesse autre chose que ce qui est et se rendent par eux-mêmes malheureux : « Il ne faut pasdemander que les événements arrivent comme tu le veux, mais il faut les vouloir comme ils arrivent ; ainsi ta viesera heureuse » (pensée 8).C'est l'amour du destin, l' « amor fati » auquel il faut parvenir pour être sage. La providence. Les stoïciens allaient même encore plus loin dans cette réflexion sur l'ordre des choses.

Ils ne s'en tinrent pas àcette simple conception de la nécessité absolue du rapport de cause à effet, idée qu'ont partagée tous les savantsqui ont fondé la science moderne.

Cela ne serait qu'une nécessité aveugle.

Mais les stoïciens pensaient que laNature est un être divin et intelligent, qui ne fait rien en vain.

Tout est fait pour quelque chose, tout a un but, toutest finalisé.

Le but ultime que poursuit la nature, c'est évidemment le Bien.

Le destin qui règne dans le monde estdonc bon, il est une Providence.

Mais ce Bien, c'est la vie et le Bien du Tout, de la nature elle-même, non dechaque créature qui la compose.

Chaque homme n'est qu'un rouage du grand mécanisme universel, et c'est par unefolle présomption que chacun s'imagine être le centre du monde et voudrait que tout conspire à son bonheur.

Enrevanche, cette idée que le monde est dirigé par la Providence, que chaque événement concourt à un Bien pour leTout, même si la petite partie que nous sommes ne l'aperçoit pas, cette idée est beaucoup plus puissante que celle. »

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