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« De l'esclavage des nègres » de Montesquieu

Publié le 15/07/2012

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esclavage

Nous avons vu que l’argumentaire développé par Montesquieu n’en avait souvent que l’apparence, cela est visible également par l’emploi de tournures catégoriques qui ne justifient en rien la thèse défendue mais soulignent la certitude du narrateur quant à ce qu’il énonce. On trouve ainsi : « ils ont dû «, « il est presque impossible «, « on ne peut se mettre dans l’esprit «, « Il est si naturel de penser que «, « on peut juger de «, « une preuve que (…) c’est «, « il est impossible que «. Enfin, l’avant-dernier argument est non seulement absurde mais il n’a aucune valeur argumentative, il s’agit d’une pétition de principe qui prend comme présupposé ce qui est à démontrer. En effet, le raisonnement en deux temps contient un troisième terme implicite qui est considéré comme une évidence qui n’est pas à démontrer. Dans la phrase « [i]l est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens « est sous-entendu : ....

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« II.

Un peuple barbare Notre première partie nous a amené à souligner en quoi l'argumentation défendant la thèse esclavagiste est défectueuse et ne s'appuie que sur une apparente logique etsur des préjugés, nous allons voir maintenant qu'en plus d'être globalement inefficace, elle révèle la barbarie et la cruauté des esclavagistes, remettant ainsi enquestion l'idée que les Africains seraient des « sauvages » et les Européens des êtres « civilisés ». A.

Une argumentation basée sur des préjugésTout d'abord, une grande partie des arguments avancés sont étayés par des préjugés et des remarques superficielles concernant le physique.

Cela est mis en valeur parl'importance du lexique du corps, très représenté dans le texte puisque l'on trouve : « pieds », « tête », « nez si écrasé », « corps tout noir », « couleur de peau », « celledes cheveux ».

Le corps est ainsi évoqué de la tête aux pieds, on trouve même une allusion à l'organe sexuel : « les peuples d'Asie (…) privent toujours les noirs durapport qu'ils ont avec nous d'une façon plus marquée ».

Nous voyons donc que la plupart des arguments sont basés sur des préjugés racistes qui n'ont comme seulejustification la différence physique.

On trouve en effet les arguments suivants, « Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tête ; et ils ont le nez siécrasé qu'il est presque impossible de les plaindre », la violence avec laquelle ils sont traités se justifierait donc par leur couleur de peau et la forme de leurs nez !Quant au recours à l'instance de Dieu dans la phrase : « On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout bonne, dans uncorps noir », il s'agit de faire passer pour un argument d'autorité, ce qui n'est qu'un préjugé prêté à Dieu ! L'utilisation de l'épanorthose (autocorrection par adjonctiond'un syntagme) « surtout bonne » qui restitue le dynamisme de la pensée et cherche à lui donner une plus grande véracité, met en valeur la perversité de la penséeesclavagiste et la perversité qu'il y a de l'attribuer à Dieu. B.

Une motivation toute économiqueFinalement, les seules raisons réelles sont toutes économiques, qu'elles prennent l'allure d'un argument historique, comme le premier, « [l]es peuples d'Europe ayantexterminé ceux de l'Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l'Afrique » qui présente le peuple dit civilisé comme un peuple sanguinaire et violent (ce quemet en relief le choix du verbe « exterminé » qui suppose non un combat égalitaire mais un massacre).

Les Européens apparaissent donc comme un peuple pourlequel les intérêts économiques priment puisqu'il s'agit de maltraiter une partie du monde pour ses propres intérêts économiques.Montesquieu prolonge sa réflexion dans l'argument suivant, qui souligne la disproportion entre les souffrances humaines et ce qu'elles rapportent aux Européens avecl'exemple du prix du sucre (« le sucre serait trop cher »).

Ainsi, les Européens massacrent et maltraitent des populations pour du superflu…De même, il fait état de la déconsidération par les Européens des peuples qui n'ont pas le même système de valeur, et stigmatise leur refus de tout relativisme («collier de verre »/ « or ») : seules leurs propres valeurs sont les bonnes. C.

Une dénonciation des valeurs superficielles des EuropéensEn dernier lieu, c'est l'hypocrisie européenne que Montesquieu dénonce, car ceux-ci, en plus d'avoir des pratiques inhumaines, se présentent comme ayant des valeursmorales reposant notamment sur la religion, mais ils prêtent à Dieu leurs propres idées et préjugés : « On ne peut se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un être trèssage, ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps noir ».Elles reposent surtout sur des pétitions de principe : nous sommes civilisés parce que nous sommes civilisés et nous sommes chrétiens parce que les autres ne le sontpas et ne sont pas des hommes sinon…Aux valeurs essentielles et humaines (« injustice », miséricorde », « pitié ») derrière lesquelles se cachent les Européens, Montesquieu oppose les valeurséconomiques représentées par les produits de luxe (sucre et or) qui prennent le pas sur ces valeurs de façadeC'est dans cette même optique qu'il termine par une question rhétorique : ce procédé correspond bien au fait que les esclavagistes ne cessent de poser des questionsqui n'attendent pas de réponses : « ne serait-il pas venu dans la tête des princes d'Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d'en faire une générale enfaveur de la miséricorde et la pitié ? ».Ce texte de Montesquieu, par son utilisation de l'ironie, dénonce l'esclavagisme et le peuple qui le tolère et le justifie.

Le choix de donner à entendre la voix de l'autrese révèle être une arme plus pertinente que l'argumentation directe, en ce qu'il permet au lecteur de mettre à distance l'opinion d'autrui et de se construire sa proprereprésentation.

Nous assistons ici à un complet retournement de situation : Montesquieu nous donne à voir l'argumentation infondée et inefficace des esclavagistesqui doit donc nous convaincre… du contraire ! De plus, il opère un profond renversement de perspective en laissant entendre que finalement le peuple véritablementbarbare semble être les Européens qui asservissent et exploitent une partie du monde (au moins deux continents) pour accroître leur richesse (« or ») et jouir deproduits superflus (« sucre »).. »

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