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L'esprit scientifique doit se former en se réformant. Qu'en pensez ?

Publié le 30/03/2009

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Il est banal d'interpréter l'activité scientifique comme le prolongement, comme l'approfondissement de la connaissance vulgaire et des techniques primitives. L'agriculteur, qui après une longue expérience parvient, en interprétant la limpidité de l'atmosphère, la direction du vent et la forme des nuages, à prévoir le temps du lendemain raisonne au fond déjà comme le savant météorologiste qui dispose simplement d'un système de signes plus étendu et de la connaissance de lois plus précises. On sait d'autre part que les premiers géomètres furent des arpenteurs, des « mesureurs de terre « qui, dans l'Égypte ancienne, avaient à redistribuer les terres après la crue du Nil. On rappelle complaisamment que « la science est née à l'atelier, à la cuisine, à la chasse «.

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« Bachelard a donc tout à fait raison de dire que l'esprit scientifique s'est forméo contre l'entraînement naturel, contre le fait coloré et divers ».

L'espritscientifique, ajoute-t-il, « se forme en se réformant ».

Il ne faut pas, eneffet, s'imaginer que l'esprit scientifique se constitue d'un seul coup, leprogrès scientifique apparaissant comme une accumulation progressive dedécouvertes qui s'ajouteraient paisiblement les unes aux autres.

En réalité lascience ne progresse pas par accumulation mais par crises.

L'espritscientifique apparaît à chaque moment comme un ensemble de principes, deméthodes et de théories, propres à interpréter l'expérience, mais quel'élargissement continu du champ expérimental remet sans cesse en question; la science ne cesse d' « instruire la raison » ; l'idée suscite l'expérience,mais l'expérience transforme l'idée.

Les relations entre l'esprit de la science etle donné qu'elle interprète sont d'ordre dialectique.

Chaque épreuveexpérimentale apparaît ainsi — selon la formule de Le Roy — comme une «crise de croissance de la pensée ».Considérons par exemple les postulats euclidiens qui jouèrent si longtemps lerôle d'un absolu dans la pensée géométrique.

Selon Kant ils appartiennentencore à la structure intime de l'esprit humain, qui porte en lui universellementet nécessairement la « forme a priori » de l'espace.

Mais les travaux deRiemann et de Lobatchevski ont montré qu'on peut construire une géométriecohérente tout en modifiant le postulat euclidien des parallèles. Riemann réussit à construire un système dans lequel par un point pris hors d'une droite on ne peut construireaucune parallèle à une droite tandis que Lobatchevski admet, axiomatiquement, la construction d'une infinité deparallèles.

Dans la première de ces géométries la somme des angles du triangle est supérieure, dans la secondeinférieure à deux droits.

On s'avise alors que l' « absolu » indémontrable d'où part Euclide n'est qu'une conventionparmi d'autres possibles, une « définition déguisée ».

La géométrie d'Euclide décrit le cas très particulier d'un espaceà « courbure nulle » tandis que Riemann construit un espace à « courbure positive » et Lobatchevski un espace à «courbure négative ».

L'esprit mathématique moderne opère donc une révolution radicale dans l'idée traditionnelle del'axiome ou du postulat.

Ces premiers principes ne sont ni vrais ni faux ; ce sont des conventions et on n'a plus à sepréoccuper de leur essence, de leur nature.

Ils ont revêtu une signification fonctionnelle, ce sont simplement desrègles opératoires.La physique de la « relativité » a opéré dans la pensée scientifique une mutation du même ordre.

Le dispositifexpérimental de Michelson et Morley destiné à mettre en évidence le mouvement de la terre par rapport à l'espaceabsolu de référence, à l'éther, et qui était assez précis pour accuser une vitesse de déplacement de la Terre dix foisplus petite que celle qu'elle a en réalité, n'a jamais révélé la moindre différence de vitesse entre deux rayonslumineux, l'un émis dans le sens du mouvement de la terre, l'autre en sens inverse ; d'où la nécessité deréinterpréter l'ensemble de la Mécanique, et de modifier de fond en comble l'esprit de la science newtonienne. On sait aussi comment la théorie ondulatoire de la lumière, qui avait trouvé dans l'oeuvre maxwellienne soninterprétation mathématique accomplie, a été mise en question par les expériences modernes.

L'effet photo-électrique qui dépend de la fréquence, et non de l'intensité, montre que des radiations frappant une surfacemétallique libèrent les électrons du métal et que tout se passe comme si ces électrons étaient dispersés par unegrêle de projectiles ; d'où le retour au moins partiel à une théorie corpusculaire de la lumière qui impose la mise aupoint d'un nouvel outil mathématique (calcul des matrices, mécaniques statistiques) ; l'analyse infinitésimale,analyse du continu, des variations par gradations insensibles qui convenait parfaitement à la théorie ondulatoire dela lumière, théorie continuiste, n'est plus adaptée aux nouvelles données expérimentales.

Seulement il faut icicomprendre que la défaite d'un instrument intellectuel n'est pas une défaite de la raison elle-même, mais uneinvitation à prouver sa fécondité par l'invention de concepts et de méthodes inédits, à promouvoir pour répondre àchaque nouvelle « crise » un « nouvel esprit scientifique ».. »

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