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Esquisses Pyrhoniennes, Livre II, Paragraphes 85-87 (commentaire)

Publié le 15/09/2011

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Les dogmatiques disputent entre eux sur le Vrai : quelques uns disent qu'il y a quelque chose de Vrai ; et d'autres qu'il n'y a rien de vrai. Cela étant on ne peut point décider cette controverse, parce que si celui qui dit qu'il y a quelque chose de vrai, le dit sans démonstration, on ne le croira pas, à cause que cela est contesté : et s'il veut apporter une démonstration et qu'il avoue qu'elle est fausse, il se réfutera lui-même : mais s'il dit que sa démonstration est vraie, il tombera dans le Diallèle. (Car il prouvera qu'il y a quelque chose de vrai par une démonstration qu'il dit être vraie mais qu'il ne peut prouver être vraie à moins qu'il n'ait prouvé qu'il y a quelque chose de vrai.) De plus on lui demandera une démonstration pour prouver que sa première démonstration est vraie, et encore une démonstration de cette seconde, et ainsi à l'infini. Mais on ne peut point démontrer ainsi à l'infini ; et par conséquent il faut dire qu'on ne peut connaître en aucune manière qu'il y ait quelque chose de vrai.  Bien plus. Ce quelque chose, qu'ils disent être le genre généralissime de toutes choses, est ou vrai ou faux ; ou bien, il n'est ni vrai ni faux ; ou bien il est vrai et faux tout ensemble. S'ils disent qu'il est faux, ils avoueront que toutes choses sont fausses: car comme, de ce que cette chose, qui est animal, est animée, il s'enfuit que tous les animaux en particulier sont animés; de même, si le quelque chose qui est le genre généralissime de toutes choses est faux, toutes les choses particulières seront fausses aussi, et il n'y aura rien de vrai ; mais de là on conclura aussi qu'il n'y a rien de faux. Car cette proportion, toutes choses sont fausses, sera fausse aussi parce qu'elle est quelque chose : et comme cette proposition particulière, il y a quelque chose de faux, est comprise dans la générale qui est fausse, elle fera fausse aussi, et par conséquentétant faux que toutes choses soient fausses, et qu'il y ait quelque chose de faux, il n'y aura rien de faux.  Que si le quelque chose généralissime est vrai:, toutes choses seront vraies ; mais on inférera de là, qu'il n'y a rien de vrai, parce que cette proposition, il n'y a rien de vrai, étant quelque chose, sera vraie aussi.  Si ce quelque chose est vrai et faux tout ensemble, toutes les choses particulières qui sont fous ce genre feront aussi vraies et fausses en même temps : d'où on conclura qu'il n'y a rien qui soit vrai de sa nature, parce que ce qui est vrai par sa nature, ne peut en aucune manière être faux.  Enfin si ce quelque chose n'est ni vrai ni faux, il faudra avouer que toutes les choses particulières, qui sont sous ce genre n'étant ni vraies ni fausses, ne feront rien et n'existeront point. Voilà donc des raisons qui nous empêchent de savoir évidemment si le Vrai existe.   

« telles qu'elles sont en elles-mêmes, connaître les propriétés physiques qui leur sont propres, c'est posséder la véritédonc l'existence du vrai ne permettrai pas de prouver l'existence d'un monde extérieur réel.

Néanmoins, la recherchede la preuve de l'existence du vrai n'est pas vaine : l'effort de l'esprit humain pour parvenir à une authentique véritépeut être couronnée de succès.

Ainsi, cette preuve, apportée, serait une concrétisation.

De plus, cela permettraitd'officialiser, en quelque sorte, les théories qui nous régissent: elles ne seraient plus attaquables sur le fait qu'on nepeut dire qu'elles sont vraies car on ne sait si le vrai existe.

Aussi, juger, c'est affirmer mentalement qu'une choseest ou n'est point.

L'essence même du jugement comporte donc qu'il soit vrai ou faux : tout jugement est en soi età priori déterminé, décidé quant à la vérité ou la fausseté.

Ainsi, un jugement ne peut être vrai qu'à la condition quele vrai existe, donc que son existence soit démontrée.

Mais, à l'opposé de cette croyance en la possibilité de ladémonstration de l'existence du vrai, se trouvent ceux qui « disent qu'ils n'existe rien de vrai » : que prônent cesderniers, et pourquoi pensent-ils cela ?Ceux qui pensent qu'il existe un démonstration de la non existence du vrai peuvent avoir plusieurs raisons de pensercela.

Il est possible qu'ils aient adopté cette position par simple esprit de contradiction en vers ceux qui pensentque le vrai existe.

D'ailleurs, la philosophie sceptique, qui renonce à la possibilité de la démonstration de l'existencedu vrai, a pour principe de s'opposer à la philosophie dogmatique, ou tout du moins de la mettre en doute.

Peut-êtreencore pourrait-on penser que certains philosophes croient qu'ils n'existent rien de vrai par dépit, car ils neparviennent à un aboutissement dans la quête de la preuve de la vérité.

Cependant, on peut attaquer cet argumentsur le fait qu'ils n'arrivent pas non plus à démontrer la non-existence du vrai.

La cause la plus probable pourexpliquer que certains philosophes « disent qui n'existe rien de vrai » est sûrement la suivante : étant donné quenotre rapport avec le monde dépend de la connaissance que nous en avons, et que notre connaissance de la réalitépeut s'avérer être exacte ou non, alors nous entretenons avec le monde un rapport de vérité.

Or, les images quenous percevons de l'univers extérieur sont multiples et variables.

La vérité est pourtant caractérisée par sapermanence et son universalité.

Ainsi, une correspondance entre ma pensée et le réel est impossible, ou tout dumoins improbable, puisque je n'en perçois pas l'exactitude.

De là, on conclurait qu'il n'existe rien de vrai, puisqueposséder la vérité c'est connaître les choses en elles-mêmes.

Mais, en tenant compte de cette démonstration,comment expliquer que certains prônent encore qu'il existe quelque chose de vrai ? La réponse est simple : cettedémonstration est elle-même basée sur des incertitudes.

En effet, peut-être que nos sens se jouent de nous etfaillent à nous montrer la réalité telle qu'elle est vraiment, ou peut-être que notre raisonnement nous amène àposséder de l'univers extérieure des représentations qui lui sont incohérentes.

On peut également se demander cequ'apporterait la preuve que rien n'est vrai.

En effet, cela irai à l'encontre de nos agissements car, comme nousl'avons dit plus haut, notre rapport avec le monde est un rapport de vérité.

Si la preuve de la non-existence du vraiétait apportée, notre rapport avec l'univers extérieur deviendrai fictif, ce qui engendrerait en l'homme une perte derepères.

D'autant plus que, comme nous serions conscient que rien de vrai n'existe, nous serions conscients de vivredans un univers fictif.

Aussi, toutes les théories et les sciences, qui se disent être exactes (notamment lesmathématiques) seraient anéanties.

En effet, toute science a besoin d'un point d'appui : c'est le fondement surlequel l'architecte sur lequel l'architecte élève son édifice.

Il s'agit en fait d'évidences difficilement incontestables,que l'on nomme axiomes.

Or, s'il est démontré qu'il n'existe rien de vrai, ces points d'appui se révèlerontautomatiquement faux, car ce qui n'est pas vrai est faux, et tout le raisonnement logique qui en découlera seraégalement inexacte.

De plus, nos jugements seraient transformés car, si rien n'est vrai, alors ils seront établiscomme étant faux et nos certitudes deviendront incertitudes.Il serai donc plutôt en faveur de nos agissements que ce soit la preuve de l'existence du vrai qui soit apportée.Mais, si ce désaccord persiste, n'est-ce pas qu'aucune démonstration de l'existence ou non du vrai n'est possible ? En effet, il semble impossible de pouvoir démontrer l'une ou l'autre des croyances qui constituent le désaccord.Dans le texte, Sextus Empiricus ne développe seulement le cas de ceux qui « disent qu'il existe quelque chose devrai » car ceux qui « disent qu'il n'existe rien de vrai » ne peuvent démontrer leur position.

Supposons qu'ilsparviennent à démontrer qu'il n'existe rien de vrai, alors leur démonstration même devrait être vraie, or elle montreque rien ne peut être vraie.

Il y a donc une incohérence, et une telle démonstration ne peut se faire.

En ce quiconcerne les philosophes qui affirment l'existence du vrai, l'auteur décompose leurs possibilités de démonstration entrois cas.

Leur première option serait tout simplement de scander que le vrai existe sans même apporter dedémonstration, en se basant sur la simple observation : il semble bien, dans notre vie quotidienne, que le vrai existe,puisque je parviens à établir des correspondances entre mon discours et la réalité que je perçois.

Seulement, celan'est que croyance, puisque leurs adversaires sont parvenus à soutenir la thèse contraire.

Voilà pourquoi « celui quidit qu'il existe quelque chose de vrai n'emportera pas la conviction s'il le dit sans démonstration, à cause dudésaccord ».Une autre situation possible est la suivante: le philosophe apporte une démonstration de sa thèse, mais il se trouvequ'elle est fausse.

Alors cela reviendra au même que si aucune démonstration n'avait été apportée.

En effet, ladémonstration n'est-elle pas le raisonnement au moyen duquel la vérité de la conclusion est établie selon desraisons nécessaires ? Or, si, comme l'énonce Sextus Empiricus, « il convient qu[e la démonstration] est fausse »,c'est-à-dire qu'il y a dans la logique du raisonnement un élément faux, alors la conclusion du raisonnement seraétablie comme étant fausse.

Ainsi, celui qui aura réalisé cette démonstration, et qui sera arrivé à la conclusionqu' « il existe quelque chose de vrai » , n'aura rien démontré, et l'existence du vrai ne sera toujours pas prouvée.La troisième possibilité est de loin la plus intéressante.

Si le philosophe parvient à démontrer qu'il existe quelquechose de vrai, alors la conclusion de son raisonnement, à savoir que quelque chose de vrai existe, sera, pardéfinition, établie comme étant vraie.

Or quel était le but de cette démonstration ? Prouver que quelque chose devrai existe.

Pour conclure, le philosophe a donc utilisé ce qu'il voulait démontré.

La démonstration ne peut alorss'avérer vraie qu'à la condition d'être démontrée elle-même...

On est bien dans le cas où, pour fonder en vérité unénoncé, il faut un critère dont il faudra encore établir la validité (critère du critère), donc le démontrer, puis denouveau légitimer le critère du critère du critère, etc.

La proposition démontrée ne peut en fait être prouvée qu'à. »

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