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« L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme » de WEBER

Publié le 18/09/2012

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esprit

Weber, écrivant à l’apogée de la bourgeoisie, vivait un moment historique particulier où temporairement, le capitalisme prédateur apparaissait encore comme une force de progrès (en particulier en Allemagne, où le modèle du capitalisme rhénan obtint des résultats remarquables). Mais ce moment historique ne devait pas perdurer, et faute d’avoir réellement resitué le capitalisme dans le processus de déclin du protestantisme, le sociologue allemand n’anticipa pas la suite des évènements.  La dégénérescence structurelle du lien social induite par le développement du système capitaliste n’avait alors pas encore révélé son ampleur, pas plus que son caractère inéluctable et mortifère. C’est pourquoi Max Weber put, temporairement, enrôler le protestantisme sous la bannière du capitalisme : parce qu’on était à un moment où la bourgeoisie se trouvait exactement au sommet de son ascension (une ascension facilitée, effectivement, par l’esprit protestant), donc un moment où elle n’avait pas encore entamé son déclin (déclin qui déboucha sur la disparition de l’esprit protestant au sein même de la bourgeoisie).

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« Comment lire aujourd’hui « l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme » ?Tout d’abord, on mesurera évidemment à quel point la thèse de Weber est construite contre le marxisme.

Elle comporte un fort arrière-plan politique.

Weber, sociologue bourgeois parexcellence (ce qui n’est pas une raison pour refuser de le lire) a voulu, en formulant la thèse d’une « éthique du capitalisme », prendre le contre-pied de Marx (ou en tout cas, du Marx lu par les marxistes dits « orthodoxes »).

Weber définit en quelque sorte un « spiritualismehistorique » : ce n’est pas à ses yeux le capitalisme qui a fabriqué l’esprit bourgeois, mais l’esprit bourgeois, en particulier dans sa variante protestante, qui a fabriqué le capitalisme.

En cesens, la pensée issue de Max Weber apparaît largement comme un moyen, pour la bourgeoisie, de se placer en surplomb des conditions sociohistoriques qui ont amené sonavènement.Par ailleurs, il est évident à première lecture que Weber propose à ses lecteurs une grille de lecture permettant de justifier la position particulière de l’Allemagne dans le XX° sièclenaissant : un pays protestant (majoritairement) qui accomplit, par ses énormes succès industriels, sa vocation chrétienne.

Et Weber d’opposer le capitalisme allemand, efficace maishonnête (ouvriers travailleurs, patrons avisés, lois sociales protectrices du prolétariat) au capitalisme des pays retardataires sur le plan matériel.

Des pays latins et catholiques souvent, oùle capitalisme est inefficace et malhonnête (ouvriers indolents, patrons avides, lutte des classes exacerbées).

On en pensera ce qu’on voudra, et en aucun cas on ne sera dupe desarrière-pensées de la démarche.

Mais le fait est qu’en tout cas, le constat n’est pas totalement erroné…Cependant, plus profondément, il faut situer Max Weber dans l’histoire de la bourgeoisie, pour comprendre son propos et en percevoir à la fois la justesse et les limites.

La bourgeoisie fut, en gros jusqu’au XVIII° siècle inclus, une classe progressiste, c'est-à-dire une classe qui, fraction dominée des classes dominantes, travaillait objectivement à élargir le cercle de la Raison.

Puis, entre 1800 et 1900, plus ou moins vite selon les pays, cetteclasse progressiste en pleine ascension triomphe, et se mue donc, instantanément, en classe dominante mais aussi réactionnaire.

La mue ne s’est pas produite partout de la mêmemanière et au même moment, mais on peut considérer qu’au moment où Max Weber écrit, elle est achevée partout dans le monde euro-américain.Sous cet angle, on peut considérer que Weber écrit donc à un moment qu’on pourrait résumer comme l’apogée de la bourgeoisie.

C’est ce qui explique que sa thèse, au final, aura malrésisté au temps.

Le capitalisme contemporain, virtualisé et intègrement voué à la spéculation, n’est de toute évidence plus éthique en rien.

On peut retrouver en lui une logique issue del’implosion du protestantisme : la logique d’élection, le besoin de construire à toute force un différencialisme entre les bons et les mauvais, les élus et les réprouvés.

Mais on chercheraiten vain en quoi ce différencialisme-là, celui que nous vivons aujourd’hui, est encore éthique.

En d’autres termes, le capitalisme contemporain peut à la rigueur nous apparaître comme lesous-produit de la dégénérescence pathologique d’une fraction du protestantisme, mais certainement pas comme une expression de l’éthique protestante proprement dite.Cela, Max Weber ne l’avait pas vu venir.Pourquoi ? Qu’est-ce qui explique cet aveuglement ?La faiblesse de la thèse de Weber réside précisément en ceci que le sociologue allemand, tout à son entreprise de justification de la domination bourgeoise, est passé à côté des traitsradicalement antiprotestants de cette domination.

Il n’a pas, et sans doute pas voulu voir, en quoi le capitalisme, qui a été favorisé par le protestantisme, était aussi, dès l’origine, uneperversion du protestantisme, une chute, quelque chose dont la croissance avait été favorisée par le protestantisme, mais dont la dynamique ne pouvait, à terme, que s’avérer néfaste auprotestantisme.

Weber ne se contente pas de surévaluer le rôle du protestantisme dans l’esprit du capitalisme (après tout, le capitalisme moderne a été inventé en Italie du Nord, à la findu Moyen Âge, donc dans un pays catholique).

Il est surtout passé à côté de deux éléments-clefs de la doctrine économique protestante : la nécessité du don, et la seule justification del’intérêt par le développement du capital productif.Weber évoque à peine le fait que dans la logique protestante, le riche doit donner.

Accumuler du capital n’est bon que si l’on utilise ce capital pour le bien de la communauté.

C’est aussila raison pour laquelle, dans l’éthique protestante (la vraie, en tout cas celle qui est réellement déduite de l’enseignement de Luther et de Calvin), le prêt à intérêt n’est justifié que si le prêteur, associé au risque, contribue au développement de la forceproductive au service de la communauté.Weber, écrivant à l’apogée de la bourgeoisie, vivait un moment historique particulier où temporairement, le capitalisme prédateur apparaissait encore comme une force de progrès (enparticulier en Allemagne, où le modèle du capitalisme rhénan obtint des résultats remarquables).

Mais ce moment historique ne devait pas perdurer, et faute d’avoir réellement resitué lecapitalisme dans le processus de déclin du protestantisme, le sociologue allemand n’anticipa pas la suite des évènements.La dégénérescence structurelle du lien social induite par le développement du système capitaliste n’avait alors pas encore révélé son ampleur, pas plus que son caractère inéluctable etmortifère.

C’est pourquoi Max Weber put, temporairement, enrôler le protestantisme sous la bannière du capitalisme : parce qu’on était à un moment où la bourgeoisie se trouvaitexactement au sommet de son ascension (une ascension facilitée, effectivement, par l’esprit protestant), donc un moment où elle n’avait pas encore entamé son déclin (déclin quidéboucha sur la disparition de l’esprit protestant au sein même de la bourgeoisie).Un siècle après Max Weber, on pourrait écrire une thèse intitulée : « L’esprit du capitalisme, ou la fin de l’éthique protestante.. »

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