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Un ethnologue à l'Institut : Claude Lévi-Strauss

Publié le 07/12/2011

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Reçu le 27 juin 1974 à l'Académie française au siège de Henry de Montherland, Claude Lévi-Strauss a eu l'occasion, au cours de son discours, de comparer sa réception en cérémonial des rites tribaux d'initiation : «Quelques jours après avoir accompli l'acte fatidique du dépôt de ma candidature, je visitais une communauté indienne du Canada, au bord de l'océan Pacifique. Pendant toute une nuit, j'assistais à des cérémonies au cours desquelles les novices, censés morts à la suite des épreuves qu'ils ont subies, renaissent pour prendre place dans une confrérie d'initiés. D'abord inertes et silencieux, on les entendit bientôt à l'instar d'enfants au berceau. Puis leur voix s'éleva, incertaine, cherchant à ébaucher les contours du chant mystique dont ils attendaient la révélation d'un être surnaturel qui, s'il les en favorisait, deviendrait leur esprit gardien«.

« des recherches sur le site.

C'est ainsi qu'ont été exhumées des maisons - dont il ne reste d'ailleurs que les traces dans le sol - qui constituent le plus ancien village néolithique connu en France.

L'apparence de cette agglo­ mération ne dèvait guère différer beaucoup de celle de la plupart de nos villages jusqu'à une époque récente ; les maisons étaient cons­ truites en claies soutenues par des piliers et enduites de torchis, la toiture était soutenue, à l'intérieur, par des poteaux.

Toute l'Europe centrale a livré des habitations identiques aussi anciennes, dont le type a dû être introduit vers le sixième millénaire dans la péninsule balka­ nique.

Ces maisons, longues selon les cas de vingt à quarante mètres, abritaient plusieurs familles chacune.

C'est du moins ce que suggè­ rent les découvertes faites sur d'autres sites contemporains, car à Cuiry-lès-Chaudardes on n'a malheureusement exhumé aucun foyer.

Mais on a, en revanche, retrouvé les fosses où l'argile destinée à la construction était puisée et qui servaient par la suite de dépotoirs.

Ces dèpo­ toirs sont intéressants car ils contenaient des restes d'aliments (des os de vaches, de cochons, de chèvres et de moutons) et des tessons.

La céramique locale est semblable à toute celle de cette période ; elle est décorée de lignes parallèles, d'où le nom de « culture rubannée :.

qui a été donnée à ce ·niveau culturel.

Les villages de cette période étaient habités par des populations semi-nomades qui se sont avancées, au cours des siècles, tout au long des terres noires du sud de l'Europe jusqu'en France ; elles brûlaient les forêts et semaient des céréales sur les brûlis.

Au bout de quatre ou cinq années, les champs cultivés étaient épuisés ; il fallait donc recommencer la même opération sur une autre partie de la forêt.

Au bout d'une quinzaine d'années, le territoire environnant le village devenait inutilisable.

La population allait chercher de nouvelles terres plus loin, les maisons étaient abandon­ nées et un autre village était bâti sur un nouvel emplacement favorable.

Aucun habitant de Cuiry-lès-Chaudardes n'a malheureusement été exhumé jusqu'à présent.

La population du village devait être de même type que toutes celles de la culture rubannée ; son origine méditerranéenne ne fait pas de doute.

Les Papous jardiniers L'éditeur Maspéro vient de publier un livre qui date de 1935 et qui, malgré le bruit qu'il avait suscité au moment de sa parution, n'avait pas encore été traduit en français : il s'agit des Jardins de corail de l'ethnologue autrichien Bronislaw MALINOWSKI.

C'est une étude cons­ ciencieuse, très technique même, de la population des iles Trobriand, petit archipel qu'il faut chercher sur la carte du Pacifique vers le nord de la Nouvelle-Guinée.

Tout chez cette popula­ tion, si on croit Malinowski, est réglé en fonction du jardinage qui est la principale occupation des insulaires, celle qui donne une réalité à leur société, fixe le cadre de la vie quotidienne et définit toutes les relations des hommes entre eux et celles, entre les hommes et les dieux.

On le voit, les habitants des Trobriand vivent dans un univers parfumé, un vaste potager qu'augmentent de grands parter­ res de fleurs.

C'est poétique et assez surprenant.

Les fêtes traditionnelles sont l'occasion de grandioses expositions des produits de la ter­ re, et on ne déguste qu'après.

Deux saisons divisent le temps, celle du « mûr » et celle du «pas mûr».

Si on veut faire un affront à quelque tribu rivale, on adresse à son chef plus de produits du sol qu'il ne peut en resti­ tuer.

Ce sont d'ailleurs les chefs qui détiennent les plus beaux jardins, véritables œuvres d'art dont ils se sentent fiers puisqu'à la beauté vient s'ajouter la richesse des récoltes et que celle-ci est preuve de force virile et de valeur morale.

Ce qui interdit naturellement aux autres jardiniers sans grade d'entrer en compé­ tition avec eux, sous peine des plus rudes châtiments.

On comprend dans ces conditions toute l'im­ portance du travail de la terre.

Plus peut-être que chez les autres populations de cultivateurs, le rite a son importance : brûlage, semis, matu­ rations exigent tout un cadre cérémonial qu'il serait dangereux de négliger.

La magie entre pour une part dans ces cérémonies.

Malinowski a noté les formules .

qu'il faut prononcer pour faciliter la végétation : ainsi, à l'inauguration d'un nouveau jardin, convient-il de réciter l'espèce de mise en demeure suivante qui réa­ lise à l'avance, dans le langage, tout le proces­ sus de la vie végétale : « Le ventre de mon jardin devient aussi gros qu'un nid de poule de brousse.

-Le ventre de mon jardin grossit comme la fourmilière.

- Le ventre de mon jardin se lève et retombe.

- Le ventre de mon jardin se lève comme le palmier de bois de fer :.

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Il faut bien que l'incantation réussisse puisque les Trobriandais, au temps de Mali­ nowski, faisaient des récoltes à foison.. »

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