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Qu'est-ce qu'être différent ?

Publié le 27/02/2008

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Qu'est-ce qu'être différent ?

Les phénomènes de standardisation, comme ceux qui caractérisent la société de consommation, ont produit dans les discours une tendance générale à l'éloge de la différence, que ce soit pour inviter à la cultiver, appeler à son respect, inciter à la préserver. La notion de différence a ainsi pénétré le champ de la pensée et du discours politiques, notamment sous la forme du multiculturalisme, qui met en avant la notion de différence et prend pour fondement de l'identité nationale la présence de cultures et de groupes ethniques qui cohabitent. Mais cet usage positif du terme de différence ne va pas sans poser de problèmes politiques et éthiques, comme celui du relativisme : jusqu'où accepter les différences, en fonction de quelle norme les juger de manière légitime ?

                On voit par la gravité de tels problèmes que le concept de différence gagne à être éclairci, ce qui exige d'abord de le replacer dans son contexte. Être différent, c'est d'abord une question posée par la philosophie en termes de théorie de la connaissance. C'est par ce problème fondamental que la notion de différence a trouvé son sens commun de caractère qui distingue, qui oppose, par quoi des êtres ou des choses ne sont pas semblables. La saisie des différences est une étape dans la connaissance de la chose. Mais la philosophie a d'emblée lier ce problème à son versant ontologique qu'on retrouve dans la question « qu'est-ce qu'être différent ? « : c'est l'idée qu'il est nécessaire, à titre de conditions de possibilité de la connaissance, que les choses diffèrent en soi, et que leurs différences ne soient pas que des effets subjectifs de notre rapport aux choses, qu'elles ne soient pas seulement des outils plaqués par notre intelligence sur un fond qui resterait en lui-même homogène et indifférencié. C'est que l'adjectif différent est situé entre deux pôles conceptuels :

  • 1)       celui du divers, qui renvoie à l'existence de l'altérité conçue comme objective, caractérisant une réalité non identique, et partant, devant être posée comme intrinsèque et qualitative
  • 2)       celui du distinct, qui renvoie à une opération intellectuelle par laquelle on reconnaît l'altérité.

Mais ces deux pôles nous renvoient à un problème plus fondamental, celui de savoir si être différent c'est être en relation d'altérité avec des choses qui sont identiques à un autre égard, ou bien si être différent c'est présenter un caractère analogue à celui qui distingue une espèce des autres espèces d'un même genre. Ces deux positions ne recoupent pas en totalité l'opposition première entre une différence subjective et objective, la relation peut être dans les choses, et le caractère perçu peut être relatif à notre expérience du monde.

                On voit par là que la signification donnée au fait d'être différent suppose un engagement ontologique fort, selon que la différence renvoie d'abord à un mode de relation, ou à un concept de la substance. Un tel problème est déterminant pour les problèmes politiques évoqués initialement, car ils donnent un premier indice pour montrer, à tout le moins, que les différences n'ont pas lieu d'être substantialisées comme elles le sont souvent, quelles qu'en soient par ailleurs les intentions. C'est ce qu'on peut voir de manière plus frappante encore à un niveau individuel : on exige souvent des personnes qu'elles soient personnelles et on entend par là qu'elles doivent viser une singularité absolue, qui justifie le fait que l'on puisse dire d'elles qu'elles sont uniques. Mais cet appel à l'originalité et à l'affirmation de soi, que peut-il signifier si la différence singularisante réside entièrement dans un ensemble de relations sociales et personnelles qui ne sont pas créées par l'individu, ni pour l'individu, mais qui à l'inverse, le définissent ?

 

« 1) Etre différent c'est avoir des accidents différents, être différent c'est donc différer numériquement. Porphyre : « L'état et la disposition ne diffèrent pas l'un de l'autre par des différences spécifiques comme lecheval de l'homme, mais c'est par le nombre qu'ils sont différents l'un de l'autre, comme Socrate de Platon.En effet, ce n'est pas par des différences spécifiques que Socrate est différent de Platon, mais par lecaractère propre d'un concours de qualités » ( Commentaire des Catégories).

Problème : la substance est antérieure aux accidents, par définition.

La différence des accidents et l'unité numérique doivent êtreconçues comme de simples effets d'une différence fondamentale qui fait qu'on est différent dans notre êtremême. 2) Etre différent c'est recevoir une forme dans une matière déterminée.

C'est ce qui explique que l'on passe de l'espèce à des individus d'une même espèce qui diffèrent entre eux : « dans la définition de l'homme onpose la matière non désignée, on ne pose pas cet os et cette chair, mais l'os et la chair pris absolument, quisont la matière non désignée de l'homme » (Thomas d'Aquin, De ente et essentia ).

Mais on ne fait peut-être que repousser le même problème à un niveau plus fondamental : comment rendre compte des différencesdans la matière alors que par définition celle-ci est pure indétermination, pure puissance ? Le concept dematière désignée mobilisé par Thomas semble contradictoire, comme celui d'un accident qui définirait ladifférence de l'individu.

Ces deux difficultés indiquent qu'il faut rechercher une individuation première,indépendante des oppositions conceptuelles qui ne peuvent s'appliquer qu'au résultat de l'individuation, non àson principe. 3) Etre différent c'est résulter d'un principe d'individuation par soi.

Mais « par soi », l'individuation se fait, à strictement parler sans principe, car elle est première, et les individus sont la seule réalité à laquelle nousayons accès.

Les différences sont ce qui existe en premier lieu, et cette thèse nominaliste, telle que ladéfend Guillaume d'Ockham, a deux versants :1.

ontologique : Dieu crée des individus et sauve des individus, les différences dans la création sont une marque de la toute-puissance divine.

Être différent c'est être créé par un Dieu dont la bonté et la beautése manifestent dans la richesse de la création. 2.

épistémologique : notre connaissance commence avec l'intuition des individus.

La saisie des différences est première, la constitution des ressemblances est dérivée.

Être différent, c'est êtresusceptible d'une connaissance première et non dérivée. Transition : il convient alors de reposer la question avec en différant l'engagement ontologique et en se demandant ce qu'il est nécessaire de faire et de percevoir pour pouvoir identifier et reconnaître des différences.

Qu'est-ce qui compte comme différent ? II.

Il s'agit d'interroger le statut de la différence du point de vue de ce que le langage permet.

C'est ce àquoi nous invite l'ambivalence d'Ockham, d'un côté la différence nous apparaît dépendre entièrement de la relation àun Dieu tout-puissant, et de l'autre elle paraît suffisamment substantielle pour faire l'objet d'une connaissanceintuitive.

On peut donc interroger les conditions de possibilité d'un rapport direct aux différences, ce qui supposed'examiner les ressources que nous avons pour les nommer, travail que les philosophes du langage ont accompli endéterminant les moyens que nous avons pour identifier les choses.

Les contraintes qui pèsent sur les différencesindividuelles (en ontologie) sont alors réduites à des contraintes qui pèsent sur la référence à ces différences (enlinguistique). 1) La différence est saisie à partir du moment où l'on maîtrise les conditions d'application des termes généraux, qui regroupent entre autres les noms communs, les verbes, les adjectifs, par opposition au termessinguliers comme les noms propres, démonstratifs, pronoms, descriptions définies utilisés pour faire référenceà un individu. 2) Etre différent suppose en plus deux critères : identité et individuation.

Le critère d'identité distingue le nom commun de l'ensemble des termes généraux, en ce qu'il permet de parler d'« un même x que », le critèred'individualité distingue les noms comptables (table, meuble) des noms massifs (bois, mobilier). Ces deux derniers critères permettent de concevoir la différence qu'il y a entre des choses parmi lesquelles nousfaisons une différence, et les choses qui sont en elles-mêmes différentes : un objet fabriqué en série est différentd'un autre (une voiture par exemple) parce qu'on sait non seulement ce qu'est une voiture, mais aussi ce quidélimite spatialement et temporellement l'objet voiture, caractéristique qui permet de compter des objets.

Tandisqu'on ne compte pas de l'eau mais des litres d'eau, et on ne fait pas la différence entre deux eaux, mais entre deuxsortes d'eau (eau douce et eau salée).

Conséquence : avec ces trois critères on peut dire qu'être différent c'est être comptable.

Du coup ladifférence n'a de sens que référée à des êtres qui sont différents les uns des autres à un titre plus fondamental,c'est-à-dire sans lesquels tous les autres types de différence ne seraient pas concevables (différence entre deuxqualités, différence entre deux événements).

C'est une telle conséquence que Strawson tire des philosophies dulangage.

Dans Individuals , il tire la conclusion qu'il faut nécessairement distinguer deux types de « particuliers de base », les corps matériels et les personnes.

Transition : être différent peut donc recevoir une signification a minima du point de vue de l'engagement ontologique : le fait de pouvoir être identifié dans un cadre spatio-temporel.

Mais cela n'empêche pas que certainssujets soient différents en un sens plus fort que d'autres, comme on l'a vu avec les corps matériels et lespersonnes.

Il faut donc se demander si cette prédominance linguistique ne revoie pas un lien ontologique plus fort,c'est-à-dire s'il n'y a pas une sorte d'être pour qui être implique en même temps d'être différent.

Quel est l'être qui porte en lui-même la différence ? III.. »

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