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Etre passionné est-ce nécessairement souffrir ?

Publié le 09/09/2005

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Étymologiquement, la passion est une souffrance (le terme vient du verbe latin patior qui signifie « subir »). La passion désigne d'abord la souffrance physique, en particulier le calvaire du Christ ; dans une acception atténuée, elle désigne le contraire de l'action et devient synonyme de « supporter, pâtir ». « Avoir une passion » s'oppose donc à « entreprendre une action » : dans l'action, le sujet est maître de lui-même, il est actif, tandis que la passion, c'est ce que je subis, ce qui est plus fort que moi. Pourtant, subir n'est pas souffrir, en effet, est-ce parce que nous ne maitrisons pas nos passions que, pour autant, il y a souffrance ? L'inverse est tout aussi concevable : en effet, l'amoureux épris de sa bien-aimée, bien qu'il ait l'impression de subir son amour dans la mesure où il ne peut contrôler ses sentiments, ne prend-il pas du plaisir à subir ces sentiments ? Bien qu'étymologiquement le fait de souffrir est synonyme de subir ou supporter ("Non je ne puis souffrir cette lâche méthode / Qu'affectent la plupart de vos gens à la mode" écrit Molière dans le Misanthrope), dans leur acception actuelle, les deux termes ne sont pas nécessairement synonymes. Être passionné, c'est-à-dire vivre une vie de passions, est-ce nécessairement souffrir, ou la souffrance est-elle liée à la passion comme à l'action de façon simplement contingente ?

« C.

Il faut s'interroger plus radicalement encore sur le sens que l'on peut donner à l'adjectif « passionné », car jusqu'ici, nous avons considéré qu'il s'agissait d'un comportement commun à certains homme, et quiconsiste à vivre plus intensément les événements.

Mais ne peut-on pas dire aussi que l'homme est parnature un être passionné, même si cela peut être vrai à plus ou moins haute échelle ? pour Descartes, dansLes passions de l'âme c'est de l'union de l'âme et du corps que découle cette caractéristique du sujet.

En effet, l'âme, une substance pensante est douée de volonté, sa caractéristique principale est donc l'action.La passion n'est donc rien d'autre que ce que l'âme sent sans le vouloir : c'est tout ce qui vient du corps.

Siune passion me domine, c'est que mon âme se laisse affecter par certains mouvements du corps.

Eu égard àla façon dont mon corps est uni à mon esprit, je ne peux prétendre bien sûr m'isoler complètement de cesmouvements (en particulier ceux de ce que Descartes nomment « les esprits animaux »).

Nous avons doncdit que la passion pouvait être assimilé à une souffrance, puisqu'elle résulte d'un manque et d'une aliénationdu sujet, qui ne peut plus agir mais se contente de ré-agir.

Or, nous venons de voir que par nature, l'hommeest un être de passions.

Faut-il en déduire que l'être humain est voué à la souffrance ? III. Peut-on être ou ne pas être passionné ? A.

La passion bataille donc contre l'intelligence, contre la part rationnelle qui en l'homme lui fait prendre du recul par rapport à la vie et à ce qui l'entoure.

Or, si l'on tient compte de cette double nature de l'homme, onne peut plus réfléchir par simple distinction de modes de vie ou de comportement, c'est véritablement lanature de l'homme qu'il convient d'interroger.

B.

Voici comment Pascal, dans la Pensée 412-413 exprime cette guerre : « S'il n'y avait que la raison sans passions… S'il n'y avait que les passions sans raison… Mais ayant l'un et l'autre, il ne peut être sans guerre,ne pouvant avoir la paix avec l'un qu'ayant guerre avec l'autre : ainsi il est toujours divisé, et contraire à lui-même.

» Dans cette position pessimiste, ce n'est pas tant la passion elle-même qui fait souffrir que ladéchirure intérieure de l'homme, qui est toujours partagé entre raison et passion.

En effet : « et la raisondemeure toujours, qui accuse la bassesse et l'injustice des passions, et qui trouble le repos de ceux qui s'yabandonnent ; et les passions sont toujours vivantes dans ceux qui veulent y renoncer.

» Ni le stoïcisme, nila position de Calliclès ne seraient donc vivables et durables, car l'homme ne peut ni être entièrement maîtrede lui, ni se résoudre à vivre en esclave heureux de ses passions. Conclusion Être passionné, est-ce nécessairement souffrir ? Nous pouvons dire qu'être passionné, c'est en tout cas s'exposer à souffrir, et se condamner à subir.

En théorie, celui se rend maître de ses passions et se libère ne souffreplus, puisqu'il garde en main les clés de son plaisir et de sa souffrance : rien du monde extérieur et contingent nepourra faire son malheur.

Pourtant, il reste à savoir si une telle éthique de vie est faisable : la passion ne fait-ellepas partie intégrante de la nature humaine ? C'est selon nous la double nature de l'homme, logos et hybris , qui créent la souffrance, car une vie où rien d'extérieur ne nous toucherait ne serait certes pas une vie de souffrance,mais une vie où rien ne nous toucherait que les événements du monde extérieur ne serait pas non plus une vie desouffrance, puisqu'il y aurait un manque de recul total : celui qui est entièrement sa passion ne peut la subir, pasplus que celui qui n'en a pas.. »

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