Devoir de Philosophie

Etude d'une scène des FAUSSES CONFIDENCES de Marivaux

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

marivaux
Les Fausses confidences est une pièce de théâtre écrite par Marivaux la première fois le 16 mars 1917. La scène que nous allons étudier est la 12ème de l'acte III. Dorante, sur le point d'être congédié par sa maîtresse, vient la questionner sur des papiers et sur de l'argent qu'il doit lui rendre. Les sentiments de celui-ci à l'égard d'Araminte se dévoilent tout le long de la scène. Dorante avoue enfin à c½ur ouvert son amour qu'il porte à sa bien-aimée. ARAMINTE__ Approchez, Dorante. DORANTE __ Je n'ose presque paraître devant vous. ARAMINTE, à part __ Ah ! Je n'ai guère plus d'assurance que lui. (Haut.) Pourquoi vouloir me rendre compte de mes papiers ? Je m'en fie bien à vous. Ce n'est pas là-dessus que j'aurais à me plaindre. DORANTE __ Madame... j'ai autre chose à dire... je suis si interdit, si tremblant que je ne saurais parler. ARAMINTE, à part, avec émotion __ Ah ! Que je crains la fin de tout ceci ! DORANTE, ému __ Un de vos fermiers est venu tantôt, Madame. ARAMINTE, émue __ Un de mes fermiers ! ... cela se peut bien. DORANTE __ Oui, Madame... il est venu. ARAMINTE, toujours émue. __ Je n'en doute pas. DORANTE, ému __ Et j'ai de l'argent à vous remettre. ARAMINTE __ Ah ! De l'argent... nous verrons. DORANTE __ Quand il vous plaira, Madame, de le recevoir. ARAMINTE __ Oui... je le recevrai... vous me le donnerez. (A part.) Je ne sais ce que je lui réponds. DORANTE __ Ne serait-il pas temps de vous l'apporter ce soir ou demain, Madame ? ARAMINTE __ Demain, dites-vous ! Comment vous garder jusque-là, après ce qui est arrivé ? DORANTE, plaintivement __ De tout le temps de ma vie que je vais passer loin de vous, je n'aurais plus que ce seul jour qui m'en serait précieux. ARAMINTE __ Il n'y a pas moyen, Dorante ; il faut se quitter. On sait que vous m'aimez, et l'on croirait que je n'en suis pas fâchée. DORANTE __ Hélas ! Madame, que je vais être à plaindre ! ARAMINTE __ Ah ! allez, Dorante, chacun a ses chagrins. DORANTE __ J'ai tout perdu ! J'avais un portrait, et je ne l'ai plus. ARAMINTE __ A quoi vous sert de l'avoir ? vous savez peindre. DORANTE __ Je ne pourrai de longtemps m'en dédommager. D'ailleurs, celui-ci m'aurait été bien cher ! Il a été entre vos mains, Madame. ARAMINTE __ Mais vous n'êtes pas raisonnable. DORANTE __ Ah ! Madame, je vais être éloigné de vous. Vous serez assez vengée. N'ajoutez rien à ma douleur. ARAMINTE __ Vous donner mon portrait ! songez-vous que ce serait avouer que je vous aime ? DORANTE __ Que vous m'aimez, Madame ! Quelle idée ! qui pourrait se l'imaginer ? ARAMINTE, d'un ton vif et naïf __ Et voilà pourtant ce qui m'arrive. DORANTE, se jetant à ses genoux __ Je me meurs ! ARAMINTE __ Je ne sais plus où je suis. Modérez votre joie : levez-vous, Dorante. DORANTE se lève, et dit tendrement __ Je ne la mérite pas. Cette joie me transporte. Je ne la mérite pas, Madame. Vous allez me l'ôter, mais n'importe, il faut que vous soyez instruite. ARAMINTE, étonnée __ Comment ! que voulez-vous dire ? DORANTE __ Dans tout ce qui s'est passé chez vous, il n'y a rien de vrai que ma passion qui est infinie, et que le portrait que j'ai fait. Tous les incidents qui sont arrivés partent de l'industrie d'un domestique qui savait mon amour, qui m'en plaint, qui par le charme de l'espérance, du plaisir de vous voir, m'a pour ainsi dire forcé de consentir à son stratagème ; il voulait me faire valoir auprès de vous. Voilà, Madame, ce que mon respect, mon amour et mon caractère ne me permettent pas de vous cacher. J'aime encore mieux regretter votre tendresse que de la devoir à l'artifice qui me l'a acquise ; j'aime mieux votre haine que le remords d'avoir trompé ce que j'adore. ARAMINTE, le regardant quelque temps sans parler __ Si j'apprenais cela d'un autre que de vous, je vous haïrais sans doute ; mais l'aveu que vous m'en faites vous-même dans un moment comme celui-ci, change tout. Ce trait de sincérité me charme, me parait incroyable, et vous êtes le plus honnête homme du monde. Après tout, puisque vous m'aimez véritablement, ce que vous avez fait pour gagner mon c½ur n'est point blâmable : il est permis à un amant de chercher les moyens de plaire, et on doit lui pardonner lorsqu'il a réussi. DORANTE __ Quoi !La charmante Araminte daigne me justifier ! ARAMINTE __ Voici le Comte avec ma mère, ne dites mot, et laissez-moi parler. Cette scène n'est composée que de déclarations amoureuses où les deux personnages se livrent enfin. C'est en quelque sorte le point culminant de leur relation car c'est la toute première fois qu'ils font face à leurs émotions. Nous pouvons alors nous questionner sur la façon dont Marivaux a exploité le sentiment amoureux, pour le rendre crédible et émouvant. Dans un premier temps, nous étudierons les déclarations des deux personnages. En un second temps, nous observerons l'importance du portrait d'Araminte que Dorante à peint et enfin, la vérité qui est dévoilée.
marivaux

« temps, nous observerons l'importance du portrait d'Araminte que Dorante à peint et enfin, la vérité qui est dévoilée. Toute l'histoire de cette pièce tourne autour de l'amour de Dorante pour sa maîtresse, Araminte.

Dans cette scène,Dorante paraît encore plus touché, ému et sensible.

Cet aveu tenté ici par Dorante est inédit, il prend pour Aramintela forme d'une révélation, qu'il lui faudra accepter ou refuser : aucune alternative n'est possible.

Dès sa premièreréplique, il semble hésitant face à sa bien-aimée : « Je n'ose presque paraître devant vous.

» Ses phrases sontindécises, car ses émotions le guident et ils n'osent pas les dévoiler directement.

Nous percevons ce doute grâce àune ponctuation abondante et omniprésente : « Madame...j'ai autre chose à dire...

[...] », « Oui, Madame...il estvenu.» C'est un échange de paroles très brèves, qui apporte du dynamisme à la scène et du réalisme.

Les discoursdes deux personnages s'équivalent en longueur, s'équilibrent et surtout se complètent : « Araminte : Je n'en doutepas.

Dorante : Et j'ai de l'argent à vous remettre.

Araminte : Ah ! De l'argent !...

[...] » Cependant, nous nousapercevons qu'au fil du dialogue, Dorante semble plus confiant et s'exprime alors plus clairement.

En effet, leshésitations du début s'effacent et laissent paraître des expressions convaincues : « De tout le reste de ma vie [...]serait précieux.

» Il joue également ici sur l'antithèse entre le temps long de sa vie, et le jour précieux d'être auxcôtés de sa maîtresse.

Par ces paroles amoureuses, Dorante est présenté au lecteur comme un langoureux,romantique.

Le registre pathétique est utilisé pour mettre en valeur ses émotions.Le personnage d'Araminte, au premier abord, se montre plus froid.

A l'inverse de Dorante qui lui expose ses penséessans retenue, cette femme est plus distante.

Elle souhaite cacher son affection : « Araminte, à part : Ah ! Je n'aiguère plus d'assurance que lui.

(Haut) Pourquoi [...] » Car en effet, le destin de la jeune maîtresse est en principetout tracé : veuve d'un opulent financier, elle est à peu près vouée, comme tant d'autres dans son cas, à épouseren secondes noces un grand seigneur.

On la perçoit ensuite comme très émue et indécise.

Les didascalies nousrenseignent bien sur son état d'esprit : « à part avec émotion.

», « émue.

», « toujours émue.

» Elle entretient ici,un dialogue très tendre avec Dorante qui lui aussi est « ému.

» Le lecteur est pris de compassion pour ces deuxpersonnages qui enfreignent les règles pour avouer leur amour.

Jusqu'à la déclaration d'Araminte, le lecteurs'interroge pour savoir si celle-ci va enfin se rendre à l'évidence de son amour pour Dorante.

Enfin cette femme,juste à travers une phrase, exprime toute l'intensité de ses émotions : « Et voilà pourtant ce qu'il m'arrive.» Laforme que prend cet aveu distingue assez nettement Araminte de la plupart des héroïnes du théâtre de Marivaux.

LaMarquise de la seconde Surprise de l'amour, Lucile des Serments indiscrets et la Comtesse du Legs se contentaientd'acquiescer à la confession de leurs soupirants.

Elle s'exprime ici, d'un ton « vif et naïf », comme pour avouer sonamour le plus rapidement possible et ne pas hésiter à le formuler.

Elle ne peut alors se dédire.La réaction de Dorante se fait violente et est perçue comme désespérée par le lecteur : « Je me meurs ! ».

Cetteexpression brève, condense toute la joie de l'homme, qui après tant de mensonges et de manipulations, voit sonrêve prendre vie.

Son émoi est si imposant qu'il se « [jette] à ses genoux ».

Le dialogue prend alors un autretournant et semble s'accélérer.

Cette situation bien exposée laisse le lecteur en suspend.

Il ressent alors l'envie depoursuivre sa lecture, pour connaître la suite des évènements.

L' opposition est frappante entre les paroles déjàdites par les personnages et cette péripétie de l'histoire.

En effet, au début de la scène, le discours est exprimétendrement.

La réaction de Dorante face à l'aveu de sa maîtresse est énergique et « réveille » le lecteur habitué àêtre dans une situation paisible.

Un contraste très fort est sensible entre ces deux changements d'états d'esprit.Araminte, pourtant, ne souhaite pas accélérer les choses et lui répond : « Je ne sais plus où j'en suis : modérezvotre joie [...] » Dorante est alors épris d'un emballement frénétique : « cette joie me bouleverse ; je ne la méritepas.

» Nous observons à travers ses réponses, l'excitation et le désir de venir à bout de ses manigances.

L'amourest perçu dans la gestuelle et les paroles des deux personnages.

Le rôle du portrait d'Araminte, peint par Doranteest également un moyen efficace pour souligner l'affection de l'homme pour sa maîtresse. Dorante, croyant son congé venu et refusant d'adoucir son mal, réclame le portrait qu'il a peint de la jeune femme.C'est une pièce originale, qui est personnalisée par le travail patient et passionné de l'amoureux.

Au moment del'élaboration du portrait, la ferveur de Dorante s'est insinuée dans cet objet.

De même que ce dernier, par saprésence, infuse maintenant de l'amour à qui le regarde.

La représentation et le coeur de l'homme portent tous lesdeux l'image d'une femme idéale : ils sont lourds d'une parole refoulée qui ne demande qu'à s'exprimer.

Cettepeinture qui réjouit cet honnête homme se substitue à la vision directe de l'aimée pour alimenter les règles del'amoureux.

La dénonciation publique de ce regard interdit, suscité par une image, est une autre marque dessentiments de Dorante.

Celui-ci réclame donc sa peinture, désespérément : « J'ai tout perdu ! J'avais un portrait etje ne l'ai plus.

» Il considère celui-comme très « cher » à ses yeux et lui porte tant d'affection, que le lecteur estsurpris d'entrevoir un amour si puissant.

Dorante semble vivre une relation forte avec ce portrait, à défaut de lavivre avec Araminte.

Le portrait est le symbole du refoulement et signe du désir.

Il supplie alors celle-ci de luirendre, l'interjection « Ah », souligne son désarroi.

Araminte ne se souscrit pas à le lui remettre, ayant peur desréactions : « songez-vous que ce serait avouer que je vous aime ? »L'objet joue également un autre rôle.

En effet, il est aussi médiateur et ressort dramatique.

Nous le savons protégépar sa boîte, gardant ainsi un anonymat précieux.

Cette atmosphère dramatique s'en ressent ici.

Elle suscite uneémotion née de la conviction qu'il n'existe plus d'issue.

Dorante se montre pessimiste, et accentue l'idée d'unemarche inéluctable vers un destin inévitable : « Je ne pourrai longtemps m'en dédommager ».

Le registre pathétiquese développe également au cours de la discussion de ce portrait mystérieux.

Nous sentons le héros à fleur de peau.Le lecteur est touché par sa sensibilité et la gravité de son discours : « n'ajoutez rien à ma douleur ! » Le champlexical de la souffrance est exploité pour illustrer ces registres : « plaindre », « chagrins », « perdu ».

Laconversation autour de cet objet est un moyen efficace pour faire évoluer l'action.

C'est grâce à celle-ci que va sedéclencher la déclaration d'Araminte.

Le rythme va donc soudainement s'accélérer et le héros en est réduit à avouerses fausses confidences.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles