Étudier l'art de la composition, la malice de La Bruyère, le réalisme de son style en expliquant au passage les mots probants.
Publié le 16/02/2012
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Docteur et Homme docte.
Un homme à la cour, et souvent à la ville, qui a un long manteau de soie ou de drap de Hollande, une ceinture large et placée haut sur l'estomac, le soulier de maroquin, la calotte de même, d'un beau grain, un collet bien fait et bien empesé, les cheveux arrangés et le teint vermeil, qui avec cela se souvient de quelques distinctions métaphysiques, explique ce que c'est que la lumière de gloire, et sait précisément comment l'on volt Dieu, cela s'appelle un docteur. Une personne humble, qui est ensevelie dans le cabinet, qui a médité, cherché, consulté, confronté« lu ou écrit pendant toute sa vie, est un homme docte. «
La Bruyère, Caractères, ch. II (Du Mérite Personnel)
«
On ne le volt point :
il
est « enseveli » dans l'ombre de son cabinet.
On sait seulement ce qu'il a fait toute sa vie et qui continue a l'absorber
tout entier.
Une accumulation de six verbes nous renseigne sur ses travaux.
C'en est assez : l'image du benedictin Mabillon surgit dans notre memoire.
L'effet obtenu est beaucoup plus saisissant que si le peintre avait voulu
opposer trait pour trait ses deux personnages.
Il a totalement neglige
l'exterieur du second, qui importe peu, pour mettre exclusivement en valeur
son activite obscure, meritoire, utile.
Le froc noir du moine, simple et
pauvre, nous le devinons sans peine; et nous savons gre au peintre de
laisser quelque champ a notre imagination : « Le secret d'ennuyer est celui
de tout dire.
»
Deja., dans cette etude sommaire de la composition, nous avons pu de-
couvrir plus d'une intention malicieuse.
Placons-nous maintenant a ce seul
point de vue, et nous constaterons que « Chretien et Francais », La Bruyere n'est pas si « contraint dans la satire » qu'il l'a pretendu.
Ce portrait
contrasts est simplement feroce.
Suivons attentivement le texte, et tachons de relever toutes les malices
de l'impitoyable observateur.
Nous sommes arretes des les premiers mots.
Pourquoi ce Docteur, qui
devrait, normalement, enseigner la theologie dans une chaire de la Sorbonne,
ou de quelque Faculte, nous est-il represents hors de son ambiance natu-
relle?,Pourquoi ce,pretre ne nous apparait-il pas dans une eglise, exercant
son ministere aupres des Ames, ou, comme saint Vincent de Paul, aupres des pauvres, des malades, des desherites de ce monde; ou, comme Bossuet,
sa table de travail, controversant, lui, doctissime, avec les heretiques; ou,
comme Bourdaloue, entrant au confessionnal en descendant de la chaire?
C'est que cette sorte de gens ne se complait que dans le monde - a la
Cour, et souvent a la Ville - c'est-a-dire la ou I'on peut faire valoir un
riche costume et staler un vain savoir.
Courtisans et bons bourgeois sont
d' < honnetes gens » capables de saisir leurs propos, comme d'apprecier
le chatoiement d'une soie moiree et la finesse d'un tissu importe des Pays-
Bas.
Un Docteur qui se respecte ne se commet pas avec la plebe ignorante
et meprisable.
L'importance que La Bruyere accorde a la toilette de son Docteur nous
rememore le trait final du « caractere » de Philemon : « Vous m'inspirez
de la curiosite...
it faut voir du moms des choses si precieuses : envoyez-
moi cet habit...
je vous quitte de la personne...
> IIn'a pour celle-ci,
on le pressent des l'abord, que du mepris.
Son visage, en effet, n'apparait
qu'apres tout le reste; il est peint en deux mots, oil perce encore une inten-
tion maligne : le teint vermeil.
Le Docteur se nourrit been : il est le contraire
d'un intellectuel, d'un ascete.
Chaque detail de toilette trahit la vanite, le desir de paraitre, peut.tre
celui de plaire; un gout du faste, du luxe, peu en rapport avec Petat embrasse.
Ce sont autant de critiques adressees an ministre du Dieu qui a beatific les « pauvres en esprit Manteau somptueux et couteux; chaussures en cuir
le plus fin, le plus souple, le plus cher; au lieu d'une simple calotte de
drap, une calotte de maroquin, « congruent& » an soulier : n'est-ce point
la une fantaisie outree, destinee a capter tous les regards?...
Rien de vul- gaire dans cette tenue, la recherche y parait en tout, jusque dans le rabat,
qui est « de la bonne faiseuse », et les cheveux, soigneusement arranges :
entendez dement frises et poudres.
N'avons-nous pas l'impression de voir
une belle poupee, plutot qu'un etre viril? Ecoutons maintenant ceprecieux Docteur.Sans
doute, toutfrais
emoulu, il sent encore son stole.
Il sait, d'autre part, qu'a la Cour et A la
Ville on s'entretient volontiers des Brands sujets familiers aux sorbonni-
queurs.
Pascal n'a-t-il pas dit que l'homme universel - l'honnete homme - sans etre geometre ni theologien savait parler de geometrie et de theo-
logic? Aussi met-il sur le tapis ces questions ardues que chacun se flatte
d'entendre.
Avec cela - toutes les choses dont il se pare - it a encore
de vagues souvenirs de ses etudes; il se rappelle quelques « distinctions
metaphysiques » - on sait le role du mot distinguo dans les « disputes »
theologiques - 'oh! pas beaucoup! juste de quoi emerveiller ses
Auditeurs.
Le mot avec est d'une belle ironic; it rapproche des elements differents :
le materiel et l'intellectuel...
ou plutot, non! Tout cela est de meme ordre
On ne le voit point : il est « enseveli » dans l'ombre de.
son cabinet.
On sait seulement ce qu'il a fait toute sa vie et qui continue à l'absorber
tout entier.
Une accumulation de six verbes nous renseigne sur ses travaux.
C'en est assez : l'image du bénédictin Mabillon surgit dans notre mémoire.
L'effet obtenu est beaucoup plus saisissant que si le peintre avait voulu
opposer trait pour trait ses deux personnages.
Il a totalement négligé
l'extérieur du second, qui importe peu, pour mettre exclusivement en valeur
son activité obscure, méritoire, utile.
Le froc noir du moine, simple et
pauvre, nous le devinons sans peine; et nous savons gré au peintre de
laisser quelque champ à notre imagination : « Le secret d'ennuyer est celui
de tout dire. »
Déjà, dans cette étude sommaire de la composition, nous avons pu dé couvrir plus d'une intention malicieuse. Plaçons-nous maintenant à ce seul
point de vue, et nous constaterons que « Chrétien et Français », La Bruyère n'est pas si « contraint dans la satire » qu'il l'a prétendu. Ce portrait contrasté est simplement féroce.
Suivons attentivement le texte, et tâchons de relever toutes les malices
de l'impitoyable observateur.
Nous sommes
arrêtés dès les premiers mots.
Pourquoi ce Docteur, qui devrait, normalement, enseigner la théologie dans une chaire de la Sorbonne,
ou de quelque Faculté, nous est-il représenté hors de son ambiance natu relle?, Pourquoi ce prêtre ne nous apparaît-il pas dans une église, exerçant son ministère auprès des âmes, ou, comme saint Vincent de Paul, auprès des pauvres, des malades, des déshérités de ce monde; ou, comme Bossuet, à sa table de travail, controversant, lui, doctissime, avec les hérétiques; ou,
comme Bourdaloue, entrant au confessionnal en descendant de la chaire? C'est que cette sorte de gens ne se complaît que dans le monde — à la Cour, et souvent à la Ville — c'est-à-dire là ou l'on peut faire valoir un riche costume et étaler un vain savoir.
Courtisans et bons bourgeois sont d' « honnêtes gens » capables de saisir leurs propos, comme d'apprécier le chatoiement d'une soie moirée et la finesse d'un tissu importé des Pays- Bas. Un Docteur qui se respecte ne se commet pas avec la plèbe ignorante
et méprisable.
L'importance que La Bruyère accorde à la toilette de son Docteur nous remémore le trait final du « caractère » de Philémon : « Vous m'inspirez
de la curiosité... il faut voir du moins des choses si précieuses : envoyez- moi cet habit...
je vous quitte de la personne...
» Il n'a pour celle-ci,
on le pressent dès l'abord, que du mépris. Son visage, en effet, n'apparaît
qu'après tout le reste; il est peint en deux mots, où perce encore une inten
tion maligne : le teint vermeil.
Le Docteur se nourrit bien : il est le contraire
d'un intellectuel, d'un ascète.
Chaque détail de toilette trahit la vanité, le désir de paraître, peut-être celui de plaire; un goût du faste, du luxe, peu en rapport avec l'état embrassé.
Ce sont autant de critiques adressées au ministre du Dieu qui a béatifié les «pauvres en esprit». Manteau somptueux et coûteux; chaussures en cuir le plus fin, le plus souple, le plus cher; au lieu d'une simple calotte de drap, une calotte de maroquin, « congruente » au soulier : n'est-ce point là une fantaisie outrée, destinée à capter tous les regards?... Rien de vul gaire dans cette tenue, la recherche y paraît en tout, jusque dans le rabat, qui est «de la bonne faiseuse», et les cheveux, soigneusement arrangés :
entendez dûment frisés et poudrés. N'avons-nous pas l'impression de voir
une belle poupée, plutôt qu'un être viril? Ecoutons maintenant ce précieux Docteur.
Sans doute, tout frais émoulu, il sent encore son école. Il sait, d'autre part, qu'à la Cour et à la Ville on s'entretient volontiers des grands sujets familiers aux sorbonni- queurs. Pascal n'a-t-il pas dit que l'homme universel — l'honnête homme — sans être géomètre ni théologien savait parler de géométrie et de théo logie? Aussi met-il sur le tapis ces questions ardues que chacun se flatte
d'entendre.
Avec cela — toutes les choses dont il se pare — il a encore
de vagues souvenirs de ses études; il se rappelle quelques «distinctions
métaphysiques » — on sait le rôle du mot distinguo dans les « disputes » théolosiques —; oh! pas beaucoup! juste de quoi émerveiller ses auditeurs.
Le mot avec est d'une belle ironie; il rapproche des éléments différents :
le matériel et l'intellectuel...
ou plutôt, non! Tout cela est de même ordre —.
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