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Expliquez et appréciez ce mot de Fontenelle : « Si j'avais la main pleine de vérités, je me garderais bien de l'ouvrir. »

Publié le 16/02/2012

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fontenelle

 

Introduction. — Si nous en croyons les Mémoires de Duclos, Fontenelle aurait prononcé ces paroles au café Procope où, sous la Régence, se réunissaient les gens de lettres. Plus que soixantenaire, il y représentait, l'élément ancien; il y coudoyait surtout des «jeunes« qui, en sa présence, faisaient assaut de verve et d'éloquence. Ce « café « avait la réputation d'un « lieu libre où l'on se disait la vérité «, ....

fontenelle

« tionnelles, it en donnait un a sa propre pensee.

Il prouvait que meme Fon- tenelle, s'il se juge detenteur d'un peu de verite, ne recule pas devant un scandale perilleux et vent instruire ses semblables : ce jour-la, it a ouvert eette main si bien fermee 1.

» Si l'on vent l'excuser, c'est a d'autres arguments qu'il faut recourir.

Repre- nons le mot tel que Duc los l'a rapporte; nous trouverons dans cette atti- tude plus de sagesse et de prudence que de lachete et d'egoisme.

« Je me garderais bien, dit Fontenelle, de l'ouvrir pour le peuple.» De quel peuple entend-il parler? Lui-meme se charge de nous renseigner.

Apres avoir dit A la Marquise des Entretiens : « Contentons-nous d'être une petite troupe choisie qui les croyons, et ne divulguons pas nos mysteres dans le peuple it ajoute : Ce sont «Bens qui ont de l'esprit, mais qui ne raisonnent jamais ».

Et it comprend, dans ces profanes indignes d'etre inities, les bourgeois, re- fractaires aux nouveautes.

Quand on songe a Pepoque ofi ces paroles furent prononcees, a l'efferves- cence qui déjà regnait dans les esprits, on est en droit de se demander si Fontenelle ne voyait pas juste et s'il ne redoutait pas pour un avenir rap- proche les effets desastreux de revelations trop hAtives, de sincerites intern- pestives.

Osons le dire : itavait raison, et les audaces temeraires des jeunes » du café Procope avaient de quoi l'alarmer.

Avant dietre semees dans le peuple, ces « verites » decouvertes par des reformateurs en chambre eussent dir etre longuement mfiries, et it fallait preparer patiemment la terre destinee a recevoir cette semence.

Faute de quoi, au lieu d'une moisson paci- fique, elles ont produit une revolution sanglante. II.

- La pensee, sans correctif, sans les circonstances d'auteur, de temps, de lieu. Si, oubliant Fontenelle, le xvirre siecle, le café Procope et ses habitués, nous envisageons ce mot fameux tel qu'il nous est propose, nous aboutirons A des conclusions quelque peu differentes. It importe d'abord d'etablir diverses categories de verites.

Il en est de contingentes, sans grande portee, dont in repercussion s'arrete aux gens que nous approchons A tout instant : celles que nous servons au prochain ou que le prochain nous sert, et qui ont trait a nos mutuels (Wants.

A regard de ces verites, devons-nous agir comme Alceste ou comme Philinte? Convient-il de dire is la vieille Emilie : Qu'd son dge it sled mal de faire la jolie, Et que le blanc qu'elle a scandalise chacun? Faudra-t-il declarer a Oronte que son sonnet est « bon A mettre au ca- binet », ou nous exclamer avec l'ami trop complaisant : Oh! qu'en termes galants ces chosen -l« sont miser!... ...La chute en est jolie, amoureuse, admirable... ...Je n'ai jamais oul.

de vers si bien tournes?... En pareilles occurrences le mieux est-il de garder la main fermee pour n'irriter pas une.

coquette ou un fat inguerissables? Ou est-il preferable de leur lancer la verite au nez? /1 n'est point, a ce sujet, de regle absolue.

C'est selon : question de personnes, de temps, de lieu.

L'homme de bon sens, qui a du savoir-vivre », I'homme du juste milieu, sait etre A la fois droit et adroit, concilier la verite et les convenances.

A quoi bon, se dit-il, s'aliener sous de futiles pretextes ces illusionnes?...

Mais ne nous attardons pas davantage cette premiere acception, qui, vraisemblablement, n'est pas la bonne. II est des verites, d'un ordre superieur : religieuses, philosophiques, poll- 1.

Jasinski. tionnelles, il en donnait un à sa propre pensée.

Il prouvait que même Fon­ tenelle, s'il se juge détenteur d'un peu de vérité, ne recule pas devant un scandale périlleux et veut instruire ses semblables : ce jour-là, il a ouvert cette main si bien fermée 1.

» Si l'on veut l'excuser, c'est à d'autres arguments qu'il faut recourir.

Repre­ nons le mot tel que Duclos l'a rapporté; nous trouverons dans cette atti­ tude plus de sagesse et de prudence que de lâcheté et d'égoïsme.

« Je me garderais bien, dit Fontenelle, de l'ouvrir pour le peuple. » De quel peuple entend-il parler? Lui-même se charge de nous renseigner. Après avoir dit à la Marquise des Entretiens : « Contentons-nous d'être une petite troupe choisie qui les croyons, et ne divulguons pas nos mystères dans le peuplé », il ajoute : Ce sont « gens qui ont de l'esprit, mais qui ne raisonnent jamais ».

Et il comprend, dans ces profanes indignes d'être initiés, les bourgeois, ré- fractaires aux nouveautés.

Quand on songe à l'époque où ces paroles furent prononcées, à l'efferves­ cence qui déjà régnait dans les esprits, on est en droit de se demander si Fontenelle ne voyait pas juste et s'il ne redoutait pas pour un avenir rap­ proché les effets désastreux de révélations trop hâtives, de sincérités intem­ pestives.

Osons le dire : il avait raison, et les audaces téméraires des « jeunes » du café Procope avaient de quoi l'alarmer.

Avant d'être semées dans le peuple, ces « vérités » découvertes par des réformateurs en chambre eussent dû être longuement mûries, et il fallait préparer patiemment la terre destinée à recevoir cette semence.

Faute de quoi, au lieu d'une moisson paci­ fique, elles ont produit une révolution sanglante.

II.

— La pensée, sans correctif, sans les circonstances d'auteur, de temps, de lieu.

Si, oubliant Fontenelle, le xvnie siècle, le café Procope et ses habitués, nous envisageons ce mot fameux tel qu'il nous est proposé, nous aboutirons à des conclusions quelque peu différentes.

Il importe d'abord d'établir diverses catégories de vérités.

Il en est de contingentes, sans grande portée, dont la répercussion s'arrête aux gens que nous approchons à tout instant : celles que nous servons au prochain ou que le prochain nous sert, et qui ont trait à nos mutuels défauts.

A l'égard de ces vérités, devons-nous agir comme Alceste ou comme Philinte? Convient-il de dire à la vieille Emilie : Qu'à son âge il sied mal de faire la jolie, Et que le blanc qu'elle a scandalise chacun? Faudra-t-il déclarer à Oronte que son sonnet est « bon à mettre au ca­ binet », ou nous exclamer avec l'ami trop complaisant : Oh! qu'en termes galants ces choses-là sont mises!...

...La chute en est jolie, amoureuse, admirable...

...Je n'ai jamais oui de vers si bien tournés?...

En pareilles occurrences le mieux est-il de garder la main fermée pour n'irriter pas une-coquette ou un fat inguérissables? Ou est-il préférable de leur lancer la vérité au nez? Il n'est point, à ce sujet, de règle absolue.

C'est selon : question de personnes, de temps, de lieu. L'homme de bon sens, qui a du « savoir-vivre », l'homme du juste milieu, sait être à la fois droit et adroit, concilier la vérité et les convenances. A quoi bon, se dit-il, s'aliéner sous de futiles prétextes ces illusionnés?... Mais ne nous attardons pas davantage à cette première acception, qui, vraisemblablement, n'est pas la bonne.

Il est des vérités, d'un ordre supérieur : religieuses, philosophiques, poli- 1.

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